PRomotion des Initiatives Sociales en Milieux Educatifs

Le XXXIe colloque d’Éducation et devenir vient de s’achever et à l’une des questions posées dans la problématique du colloque « suffit-il de décréter que le pouvoir soit réparti de façon horizontale pour qu’il soit investi par les acteurs ? », les intervenants et participants ont su s’interroger sur les conditions de réalisation d’un pouvoir d’agir (autonomie, responsabilisation, mise en capacité d’agir, etc.) mais aussi mesurer les empêchements de cette mise en capacité d’agir contre les inégalités scolaires et sociales.

Voici, dans les grandes lignes, le compte-rendu des deux interventions du vendredi 13 mars (quelques autres articles étant … à suivre).

Pascale Gontier (experte en ingénierie territoriale) a présenté une recherche pour l’action menée en 2013-2014, intitulée « management des partenariats territoriaux et empowerment dans un EPLE : quels enjeux pour l’institution scolaire ? (Développement du pouvoir d’agir dans la formation et l’employabilité des 18-25 ans Nord pas de calais).

Les protagonistes sont de jeunes décrocheurs et jeunes en recherche d’emploi et préparant un BTS SNIR (systèmes numériques et informatique de réseau), par alternance.

Elle a recherché les conditions d’un possible pouvoir d’agir des différents acteurs pour plus de persévérance. Le dispositif se caractérise par :

  • la mise en réseau des jeunes et des acteurs de la formation et de l’insertion professionnelle du BTS en alternance ;
  • la mise en place d’un dispositif construit autour de la Plate-forme régionale – avenir et emploi des 18-25 ans ;
  • le profilage des groupes de jeunes par l’unité de formation par apprentissage (UFA).

Le questionnement de P. Gontier est le suivant : peut-on parler d’une communauté d’action qui développe le Pouvoir d’agir pour la formation et l’emploi des jeunes ? Le dispositif est-il révélateur d’une démarche d’empowerment pour repositionner les jeunes dans une dynamique sociale et professionnelle ? A quelles conditions peut-on envisager la dissémination ?

Son passage au CeRTIT (Centre de recherche et de transfert en intelligence territoriale), crée en 2011 par le Cégep de l’Outaouais lui a permis de comparer les approches quelque peu différentes entre l’Amérique du nord et l’Europe., en matière de mode de gouvernance politique (action publique locale ou pas). D’un côté, on se situe dans un contexte de territorialisation publique avec l’idée de territoires de projet, d’une coopérative de travail , de l’autre, on privilégie une démarche de responsabilisation individuelle en mode projet (démocratie participative, etc.).

Dans le cadre de l’étude du BTS SNIR, P. Gontier a essayé de déterminer si le projet « persévérance et employabilité » était une démarche d’empowerment :

  • y-avait-il transformation du cadre d’action ? Oui, avec le leadership de la Région ;
  • était-on en présence d’une communauté d’action ? Oui, si on considère l’action volontariste des acteurs et non du fait du faible partage des objectifs ;
  • y-a-t-il développement du pouvoir d’agir des différentes parties prenantes (jeunes, professionnels  de l’EPLE et de l’UFA, professionnels des entreprises) ? Oui, mais avec des compromis, notamment en terme de pouvoir(s).

Quelles sont les conditions institutionnelles pour développer le pouvoir d’agir ?

  • donner de la visibilité aux innovations et bonnes pratiques ;
  • permettre une approche réflexive des jeunes sur leurs parcours et environnement ;
  • développer une culture de réseau et du projet dans l’établissement ;
  • former et valoriser les enseignants et cadres administratifs engagés dans les démarches collaboratives ;
  • reconnaître le statut de porteur de projet pour les enseignants ;
  • renforcer le portage politique de la mise en réseau de tous les acteurs ;
  • développer une culture de la formation professionnelle.

À la suite de cette « étude de cas », Antoine Bevort, sociologue et professeur au CNAM, a présenté sa vision de « l’empowerment comme possibilité de la démocratie ». Il choisit l’empowerment comme outillage pour une citoyenneté active, ne jugeant pas sur les résultats mais à l’aune de la capacité de la participation citoyenne, se référant aux travaux de Amartya Sen1 et sa théorie des capabilities (« la démocratie des autres ») 2 : possibilité et liberté pour un individu de choisir entre différentes sortes de vie.

  • la participation a une valeur intrinsèque pour la vie humaine et son bien-être ;
  • la participation améliore la réceptivité et la satisfaction des besoins politiques économiques et sociaux des citoyens ;
  • la participation donne l’opportunité aux gens d’apprendre les uns des autres et aide la société à former ses valeurs et ses priorités.

Pour aborder les relations entre empowerment et démocratie, A. Bevort convoque Platon et la critique de la doxa (le pouvoir appartiendrait à ceux qui ont le savoir) ; Popper et la démocratie représentative majoritaire  comme moyen de limiter le pouvoir des mauvais dirigeants ; Dewey  pour qui la démocratie n’est pas une forme de pouvoir mais la participation des individus à l’action collective  et Arendt et le politique comme façon de vivre et d’agir ensemble.

Mais qu’est-ce qui fait que la démocratie fonctionne ? Pour Amartya Sen, la démocratie ne correspond pas seulement au suffrage universel mais aussi à la capacité de tous de débattre, de participer à la prise de décision des grands choix et ce pour n’importe quel individu3 .

L’important n’est pas qui est le plus compétent pour conduire le navire mais quelle est la destination du navire. La politique pas une affaire d’intendance, pas une affaire de professionnels, elle ne concerne pas le pouvoir mais le vivre et l’agir ensemble.

Dans le répertoire de l’empowerment, on trouve l’information, la transparence des autorités publiques, des instances délibératives ouvertes aux citoyens (jurys citoyens, conseils de quartier, etc.), les droits populaires de décision (exemple des référendums d’initiative populaire).

Dans les limites ou problèmes de l’empowerment, on note la participation privilégiée de certaines catégories sociales, l’effet NIMBY (not in my back yard), le temps de la participation, la complexité (et les accusations de populisme, de démagogie).

Dans le cadre scolaire, A. Bevort cite les Laboratory schools de Chicago, chères à J. Dewey, qui à leur création (1896) était marquées par le « learning by doing », la curiosité, les pratiques d’enquêtes, la créativité, dans l’idée de faire de l’école une communauté coopérative, etc. (… et qui sont désormais vouées aux élites).

Pour aller plus loin (peut-être), A. Bevort évoque un autre mode de vivre et travailler ensemble, la do-ocratie ou pouvoir du faire, évoqué par M. Lallement dans un récent ouvrage, L’âge du faire : hacking, travail, anarchie (Seuil, 2015) : on donne la légitimité des actions à ceux qui en prennent l’initiative, suivant le principe du consensus (les décisions sont prises dès lors que pas un des individus du groupe ne s’oppose à la décision).

  1. économiste et philosophe indien, prix Nobel d’économie en 1998 [?]
  2. idée d’un niveau de satisfaction des besoins humains permettant de se comporter en homme : empêcher un homme de vivre en homme, c’est laisser en jachère ses capacités humaines  [?]
  3. cf. Amartya Kumar Sen, La démocratie des autres. Paris : Payot et Rivages, 2006 [?]

Lire la suite : http://eduveille.hypotheses.org/6969

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Categories: 4.2 Société