PRomotion des Initiatives Sociales en Milieux Educatifs

In ANAE N° 123 Vol 25, tome II, année 2013 – Parution fin septembre – début octobre 2013 :

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Plus de 26 ans après la première édition du stimulant ouvrage « Apprendre…oui, mais comment », de Philippe Meirieu (1987), qui a eu un très large succès auprès du monde enseignant, ce numéro spécial aborde une nouvelle fois la question essentielle des apprentissages scolaires, avec un renouvellement de certains points de vue. 

Les auteurs réunis dans ce numéro d’ANAE défendent trois convictions essentielles à propos des apprentissages scolaires. Cette question doit être abordée de façon interdisciplinaire. Elle doit également faire appel aussi souvent que possible à une expérimentation rigoureuse. Elle doit enfin articuler les champs pédagogiques et scientifiques plutôt que de les opposer (cf. Gentaz & Dessus, 2004 ; Dessus & Gentaz, 2006).

 Interdisciplinarité – Si la philosophie et les sciences de l’éducation associée à des « fiches didactiques » étaient principalement mobilisées dans l’ouvrage de P. Meirieu, d’autres disciplines et méthodes le sont dans ce numéro. En effet, les recherches en psychologie cognitive, sciences du langage ainsi qu’en neuropsychologie apportent  des réponses théoriques et pratiques nouvelles et pertinentes. L’interdisciplinarité présentée dans ce numéro aussi bien par les différents articles qu’à l’intérieur de ces derniers, est essentielle pour traiter globalement de la question des apprentissages scolaires ; aucune discipline ne peut raisonnablement prétendre y répondre dans sa totalité 

Méthodologie expérimentale – La plupart des résultats présentés dans ce numéro sont issus d’études scientifiques mettant en œuvre la méthode expérimentale. Rappelons que cette  méthode a plus d’un siècle et qu’elle est utilisée par un grand nombre de disciplines scientifiques. Ainsi, Elle nous permet de choisir, face à une question de recherche, à partir de faits observés et mesurés, la réponse la plus valable. Elle permet en particulier d’apporter des réponses qui sont parfois contraires au sens commun, aux intuitions ou aux expériences du praticien.

La méthode expérimentale a comme souci principal « d’administrer la preuve », c’est-à-dire de montrer qu’un facteur (e.g., une méthode d’enseignement) est bien la principale cause de l’apparition d’un comportement observé (e.g., une amélioration des performances à la fois en lecture de mots isolés et en compréhension de textes écrits). Pour être certain que cette relation causale est univoque, il convient de planifier et organiser des « expériences » sur le terrain ou en « laboratoire », afin de contrôler au maximum tous les autres facteurs susceptibles d’influencer les performances observées. Cela implique de procéder à des comparaisons avec un « groupe-contrôle ou témoin ». Par exemple, pour conclure à l’effet positif d’une nouvelle méthode d’apprentissage de la lecture, il n’est pas suffisant de montrer que l’utilisation seule de cette méthode dans une classe (groupe expérimental) produit de meilleures performances. Il est nécessaire de montrer aussi que, dans une classe où cette méthode n’est pas utilisée (groupe-contrôle), toutes choses étant égales par ailleurs (par exemple, le niveau scolaire, et le milieu socio-économique des enfants), les performances des élèves sont plus faibles. Il est à remarquer que la réalisation de la condition indispensable « toutes choses étant égales par ailleurs » reste difficile, en particulier en milieu scolaire. Enfin, les résultats peuvent être conformes ou non à ceux prédits, ce qui fait du parti intrinsèquement de la démarche expérimentale.

Nous pensons donc que les « expérimentations » en milieu scolaire, conduites selon les règles internationales qui régissent toutes les recherches comportementales non interventionnelles définies par la Déclaration d’Helsinki (ce qui est, par exemple, le cas de l’étude de Gentaz et al. rapportée dans le présent numéro, contrairement à ce suggère un rapport de l’inspection générale publié en 2012), sont absolument nécessaires (mais non suffisantes) pour traiter sérieusement et scientifiquement de la question des apprentissages scolaires.

Articulation pédagogie – approche scientifique– Enfin, nous défendons aussi l’idée d’une articulation entre les approches pédagogiques et scientifiques, qui ne doivent pas s’opposer. En schématisant à l’excès le vaste champ de la recherche en éducation, nous pouvons dégager deux manières différentes, toutes deux valables, de répondre aux questions ci-dessus. La première est de faire appel à des techniques élaborées par la pédagogie, majoritairement issues de la pratique ; la seconde est de faire appel à des résultats issus de recherches scientifiques, plus précisément d’expérimentations, d’observations, ou encore de simulations informatiques. Il est important d’affirmer que les techniques élaborées par la pédagogie ne sont pas de moindre importance : la meilleure preuve en est que de nombreuses recherches scientifiques reprennent des techniques issues de la pédagogie. En fait, les buts des techniques pédagogiques et ceux des recherches scientifiques en éducation diffèrent : le but de la pédagogie est d’élaborer des techniques qui fonctionnent, alors le but des recherches scientifiques est non seulement d’évaluer scientifiquement les effets de ces techniques mais aussi de comprendre, expliquer comment ces techniques peuvent fonctionner.

Ces différentes questions sont toutes au cœur des articles présentés dans ce numéro d’ANAE. Plus précisément, ce numéro intègre 7 articles sur l’apprentissage de la lecture (décodage et compréhension), de l’écriture et l’orthographe et 2 sur l’apprentissage des mathématiques. Deux autres articles abordent la question de compétences transversales comme la mémoire de travail et la métacognition. Un article aborde la question des développements atypiques à travers le cas de l’enfant dyspraxique à l’école. Nous ne doutons pas que ces contributions théoriques, expérimentales et pratiques pourront être très utiles aux professionnels de l’éducation et des apprentissages scolaires (novices ou experts) désireux de confronter leur pratique aux résultats récents de la recherche appliquée à l’éducation.

Références bibliographiques:

Meirieu, P. (1987). Apprendre…oui, mais comment. Paris : ESF

Gentaz, E. & Dessus, P. (Eds) (2004). Comprendre les apprentissages. Sciences cognitives et éducation. Paris : Dunod.

Dessus, P. & Gentaz, E. (Eds) (2006). Apprentissages et enseignement. Sciences cognitives et Education. Paris : Dunod.

 

 

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