PRomotion des Initiatives Sociales en Milieux Educatifs

L’année 2015 signe la fin du cycle des Objectifs  du millénaire pour le développement. En matière d’éducation, le taux de scolarisation primaire est en forte hausse. Mais beaucoup reste à faire pour réduire l’analphabétisme et l’inégalité des sexes. Comme sur  la question des moyens et de la formation.

«En net progrès quantitatif mais ne doit oublier personne et peut mieux faire sur la qualité.?» Quinze ans après la formulation des Objectifs du millénaire pour le développement (OMD), c’est, à gros traits, le bilan que l’on peut faire de la question du droit et de l’accès à l’éducation pour tous à l’échelle planétaire.

La «?cible?» définie par l’ONU pour atteindre son OMD n°?2 «?Assurer l’éducation primaire pour tous?» était simple?: «?D’ici à 2015, donner à tous les enfants, garçons et filles, partout dans le monde, les moyens d’achever un cycle complet d’études primaires.?» En la matière, deux chiffres résument les progrès enregistrés?: dans les pays en développement, le taux d’inscription des enfants dans l’enseignement primaire a atteint 90?% dès 2010 (il était de 83?% en 2000)?; et entre 2000 et 2012, le nombre d’enfants non scolarisés est passé de 102 à 58?millions.

Pour autant, souligne l’ONU, «?l’enlisement des progrès, associé à la réduction de l’assistance (à l’enseignement de base), augure mal de la possibilité d’atteindre la cible fixée pour 2015?». Car, de fait, tous les chif­fres ne sont pas aussi encourageants?: après quatre années d’études primaires, 250?millions d’enfants ne savent toujours pas lire ni écrire?; le taux d’abandon des études (celles et ceux qui quit­tent l’école avant leur dernière année de primaire) stagne autour de 25?%?; et la réduction des inégalités filles-garçons qui s’aggrave en situation de pauvreté laisse à désirer, tout comme le taux d’alphabétisation?: en 2012, 781?millions d’adultes et 126?millions de jeunes n’avaient pas les compétences de base en lecture et en écriture, dont 60?% de femmes.

Représentante française de la Campagne mondiale pour l’éducation, Carole Coupez de Solidarité Laïque, souligne que «?les bons résultats enregistrés les premières années stagnent. Ce chiffre de 58?millions d’enfants exclus de l’éducation scolaire n’a en effet plus bougé depuis 2008. Ceux-là, on ne parvient pas à les atteindre. L’Unicef parle à leur sujet d’“in­visibles”. Certains ne sont pas déclarés ou isolés?; d’autres en situation de handicap?; d’autres sont marginalisés pour des raisons parfois ethniques?; et une bonne moitié d’entre eux vivent dans des zones de conflit?».

Manque de moyens  et de volonté politique

Au cœur de ces résultats pour le moins mitigés, la question de la qualité de l’enseignement apparaît centrale. «?Qualitativement, tout ou presque reste à faire, confirme Anne-Marie Houillon, vice-présidente déléguée de la Ligue de l’enseignement en charge des relations internationales et présidente par ailleurs de l’association Bénin 71. En Afrique par exemple, il y a une demande forte dans ce domaine, notamment en matière de formation. C’est à mon sens l’enjeu le plus important. Il est aussi nécessaire de faire évoluer des programmes parfois trop rigides. Ce qui renvoie, là encore, à la question de la formation adulte. Et donc à celle des moyens.?»

Jacques Neno, franco-palestinien, fondateur de l’association EJE (les enfants, le jeu et l’éducation), de l’école Le Petit Prince à Bethléem, et membre de la Ligue internationale de l’enseignement, peut témoigner, quant à lui, de l’intersectionnalité 1 des enjeux?: «?En Palestine, l’objectif de scolarisation au primaire est atteint en Cisjordanie où la très grande majorité des enfants vont à l’école. Après, ça se complique car l’occupation fait que les trajets menant au collège ou au lycée deviennent plus longs, plus risqués ou plus coûteux?; ce qui conduit certains parents à garder les filles à la maison. À Gaza, la situation est différente dès le primaire?: suite aux destructions perpétrées par l’armée israélienne, beaucoup d’enfants n’ont tout simplement plus accès à l’école. Ici, tout est lié à l’occupation. Quand on aura la paix et l’indépendance, il sera temps de réaliser un diagnostic du système éducatif existant qui est ancien, traditionnel, basé sur la transmission verticale. Il faudra le faire évoluer et engager un processus de modernisation. Mais c’est d’abord un effort politique qui doit être fourni si l’on veut améliorer la situation.?»

Une définition de l’éducation réductrice

Selon Carole Coupez, c’est bien une appréhension plus globale qui, dès l’origine, a fait défaut aux Objectifs?: «?Certes, cela a permis de médiatiser la question du développement. Mais dans le domaine de l’éducation, en réduisant ce qui avait été énoncé à Dakar (voir Repères) à la seule question de la scolarisation, on a rétréci le champ d’appréhension de la question. Les Objectifs ont été pensés trop vite et ont intégré trop tard la dimension qualitative.?»

Toujours d’après Carole Coupez, les nouveaux objectifs du développement durable (ODD) attendus en septembre prochain au sommet de l’ONU (voir Repères) doi­vent permettre de refaire de l’édu­cation un Droit plus qu’un élément du «?millefeuille?» des politiques de développement. Et cela se présente plutôt bien?: «?Une attention particulière est portée aux thématiques de la marginalité, de l’égalité entre les sexes, de l’alphabétisation. Les définitions font l’objet de plus de consultations?; c’est plus participatif. On semble se diriger vers une approche plus globale de l’éducation, de la petite enfance jusqu’à l’âge adulte, et la question de la qualité devient transversale. À ce jour, nos priorités sont de conserver ce cadre de négociations plutôt ambitieux et global?; de travailler à la définition d’indicateurs réalistes, pertinents et compréhensibles par tous?; et d’établir des cibles de moyen?: il faut que les États soient contraints de s’engager sur le financement de l’éducation à moyen et long termes…?»

Un aspect décisif pour les quinze années à venir, comme le souligne Anne-Marie Houillon?: «?Les pays du Sud ont besoin d’adultes capables de prendre la suite, de cadres citoyens formés.?» Une mission qu’il appartient aux États d’assumer. Le bilan mitigé des quinze années qui s’achè­vent démontre que pour cela, un cadre contraignant ne sera pas superflu.

Emmanuel Riondé
Crédit photo : Solidarité Laïque

1.Désigne la situation de personnes subissant plusieurs formes de domination ou de discrimination.

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