PRomotion des Initiatives Sociales en Milieux Educatifs

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Dans notre société actuelle, le diplôme d’études secondaires (DES) et le diplôme d’études professionnelles (DEP) constituent le minimum requis de formation et de spécialisation dont tout citoyen aura besoin sa vie durant. Or, malgré tous les efforts déployés et toutes les ressources consacrées au soutien à la persévérance scolaire depuis plus d’une décennie, notre système d’éducation échappe, bon an mal an, presque un jeune sur trois. En effet, 30 pour cent de nos jeunes célèbrent leur 20e anniversaire sans avoir obtenu un DES ou un DEP (Ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport, 2008). Cette situation est dramatique et il importe d’intervenir auprès de ceux dont les chances d’abandonner l’école sont les plus élevées, soit les élèves ayant des difficultés ou des retards scolaires (Hernandez, 2011).

Puisque les difficultés scolaires semblent avoir un impact important sur le décrochage au niveau secondaire, il devient alors essentiel de privilégier, d’une part, des interventions précoces dans la scolarité des élèves et, d’autre part, d’identifier les méthodes d’enseignement les plus susceptibles de favoriser les apprentissages. À cet égard, il est préférable de mettre de l’avant les méthodes pédagogiques fondées sur des données probantes, et ce, afin d’augmenter les probabilités de succès auprès des élèves.

Depuis quelques années, les bienfaits des pratiques fondées sur les données probantes sont évoqués en sciences sociales et humaines. « Quand on parle de pratique fondée sur les données probantes, on fait généralement référence à des pratiques de prévention ou d’intervention validées par une certaine forme de preuve scientifique, par opposition aux approches qui se basent sur la tradition, les conventions, les croyances ou les données non scientifiques » (La Roche, 2008, p. 2). D’ailleurs, le recours aux pratiques fondées sur des données probantes est l’un des moyens suggérés pour contrer l’abandon scolaire par le Groupe d’Action sur la Persévérance et la Réussite scolaires au Québec (2009).

Dans cette perspective, notre recherche vise à répondre à la question suivante : quelles sont les méthodes d’enseignement favorisant les apprentissages fondamentaux (lire, écrire, compter) auprès des élèves en difficulté de niveau élémentaire qui sont fondées sur des données probantes? Pour y parvenir, nous présentons une synthèse des résultats provenant d’une méga-analyse [1] que nous avons réalisée récemment à ce sujet (Bissonnette, Richard, Gauthier et Bouchard, 2010).

 

Une méga-analyse sur l’enseignement efficace auprès des élèves en difficulté

La méga-analyse est une synthèse de résultats provenant de différentes méta-analyses alors que la méta-analyse est une recension d’écrits scienti?ques qui utilise une technique statistique permettant de quanti?er les résultats provenant de plusieurs recherches expérimentales et quasi-expérimentales qui ont étudié l’effet d’une variable. Ainsi, les résultats provenant de plusieurs méta-analyses regroupés au sein d’une méga-analyse permettent aux chercheurs d’identi?er les grandes tendances qui se dégagent d’un ensemble de recherches. Sur la base de ces tendances, il devient alors possible de poser un regard sur l’ef?cacité de différentes interventions et de choisir celles qui sont les plus susceptibles d’améliorer le rendement des élèves. Ainsi, après avoir sélectionné les méta-analyses les plus pertinentes pour notre propos [2], nous avons ensuite regroupé et comparé les résultats produits par ces différentes études à l’intérieur d’une méga-analyse.

De fait, nous avons répertorié 11 méta-analyses (lecture = 7 ; écriture = 1 ; mathématiques = 3) publiées au cours des treize dernières années, soit entre 1999 et 2007, nous permettant de répondre à la question posée plus haut. Au total, ces 11 méta-analyses ont examiné 362 recherches publiées entre 1963 et 2006 impliquant au-delà de 30 000 élèves [3]. Les résultats présentés dans ces méta-analyses sont exprimés sous une forme standardisée qu’on appelle “ampleur de l’effet” et qui correspondent à la différence entre la moyenne du groupe expérimental et celle du groupe contrôle, divisée par l’écart type du groupe contrôle. Il importe de souligner que l’analyse des résultats effectuée prend comme point d’appui une ampleur d’effet cible de 0,40 car ce résultat représente actuellement l’effet moyen, ou seuil standard, calculé dans plusieurs méga-analyses ayant examiné l’influence de différentes variables ou facteurs sur le rendement des élèves (Forness, 2001; Hattie et Timperley, 2007). Par exemple, une ampleur d’effet de 0,40 indique que l’intervention augmente le rendement d’un élève moyen du groupe expérimental (50e centile) au 66e centile (Best Evidence Encyclopedia, 2007).

Résultats de la méga-analyse

Nous avons regroupé les résultats obtenus par les différentes méthodes d’enseignement que nous avons répertoriées dans les études consultées selon les modalités pédagogiques dominantes qu’elles proposent : (1) enseignement structuré et directif, (2) tutorat par les pairs et (3) pédagogie constructiviste. L’enseignement structuré et directif représente la première modalité pédagogique dominante que nous avons identifiée. Ce type d’enseignement, généralement désigné sous l’appellation d’« enseignement explicite », fait appel à une démarche d’apprentissage dirigée par l’enseignant qui procède du simple vers le complexe et se déroule généralement en trois étapes : le modelage, la pratique dirigée et la pratique autonome (Rosenshine et Stevens, 1986). La deuxième modalité dominante, le tutorat par les pairs, propose le recours au travail en équipe. Cette forme d’enseignement se déroule exclusivement en dyade et emploie une démarche structurée dont les modalités sont enseignées explicitement aux élèves (Elbaum et al., 1999). Ensuite, la pédagogie constructiviste s’impose en tant que troisième modalité pédagogique dominante. Elle fait appel à une démarche d’apprentissage centrée sur l’élève en fonction de son rythme et de ses préférences (Chall, 2000). Ce type de pédagogie préconise le recours à des activités authentiques, complètes et complexes à l’intérieur desquelles l’enseignant joue un rôle de facilitateur et de guide, en procédant surtout par questionnement auprès des élèves (Jeynes et Littell, 2000).

L’analyse des résultats nous permet de constater que l’enseignement structuré et directif ou explicite est la modalité pédagogique qui produit les gains d’apprentissage les plus élevés en lecture, en écriture et en mathématiques auprès des élèves en difficulté avec des effets variant de 0,41 à 1,45, ce qui situe ces résultats au-dessus de l’ampleur d’effet cible de 0,40. En poursuivant notre analyse, nous avons également constaté que le tutorat par les pairs se situait au deuxième rang des modalités pédagogiques les plus efficaces avec une ampleur d’effet variant de 0,40 à 0,66. Il importe de mentionner qu’il est possible d’incorporer assez facilement cette forme de travail en dyade à l’intérieur d’une démarche d’enseignement explicite lors de la pratique guidée. Ainsi, il devient possible de combiner ces deux stratégies efficaces pour l’enseignement des matières de base.

Les résultats obtenus par la troisième modalité pédagogique, la pédagogie constructiviste, montrent des effets d’ampleur variant de -0,65 à 0,34 et situent cette stratégie d’enseignement nettement en deçà du seuil d’efficacité visé pour notre étude. Dans cette perspective, il s’avère donc inapproprié de recourir à cette stratégie pour l’enseignement des apprentissages fondamentaux auprès des élèves en difficulté, surtout lorsqu’on dispose de méthodes pédagogiques comme l’enseignement explicite ou le tutorat par les pairs dont les résultats apparaissent nettement supérieurs.

Conclusion

La recherche en enseignement a donné lieu, notamment dans l’enseignement des matières de base, auprès des élèves en difficulté à des résultats à la fois robustes et convergents. En effet, les résultats de notre méga-analyse montrent les effets positifs reliés aux méthodes d’enseignement explicite et réciproque. Cette revue systématique de méta-analyses permet d’identifier des stratégies d’enseignement efficace fondées sur des données probantes. Il importe de mentionner que : « La méthode des revues systématiques est actuellement considérée comme la méthode la plus valide et la plus fiable pour repérer et synthétiser les connaissances existantes. De ce fait, elle offre des résultats très solides pour la prise de décision » (Landry et al., 2008, p.4).

La mise en place de l’enseignement explicite et le tutorat par les pairs pourrait, dans une perspective longitudinale, non seulement favoriser la réussite scolaire de ces élèves en difficulté, mais également réduire le recours aux interventions de remédiation et, surtout, améliorer leur taux d’obtention de diplômes, facteur essentiel à leur insertion dans la société de demain.

Note : Ce texte est une adaptation d’une méga-analyse produite par : Bissonnette, S., Richard, M., Gauthier, C. et Bouchard, C. (2010). Quelles sont les stratégies d’enseignement efficaces favorisant les apprentissages fondamentaux auprès des élèves en difficulté de niveau élémentaire ? Résultats d’une méga-analyse. Revue de recherche appliquée sur l’apprentissage, 3, article 1, p. 1-35.

Références
– Best Evidence Encyclopedia (2007). About the Best Evidence Encyclopedia.
– Bissonnette, S., Richard, M., Gauthier, C. et Bouchard, C. (2010). Quelles sont les stratégies d’enseignement efficaces favorisant les apprentissages fondamentaux auprès des élèves en difficulté de niveau élémentaire ? Résultats d’une méga-analyse. Revue de recherche appliquée sur l’apprentissage, 3(1), 1-35.
– Chall, J. S. (2000). The academic achievement challenge. What really works in the classroom. New York, NY: Guilford Press.
– Elbaum, B., Vaughn, S., Hughes, M. T., et Moody, S. W. (1999). Grouping practices and reading outcomes for students with disabilities. Exceptional Children, 65(3), 399-415.
– Forness, S. R. (2001). Special education and related services: What have we learned from meta-analysis? Exceptionality, 9(4), 185-197.
– Groupe d’action sur la persévérance et la réussite scolaires au Québec (2009). Savoir pour pouvoir : Entreprendre un chantier national pour la persévérance scolaire. Rapport du Groupe d’action sur la persévérance et la réussite scolaires au Québec. Québec : Gouvernement du Québec.
– Hattie, J. A., et Timperley, H. (2007). The Power of Feedback. Review of Educational Research, 77(1), 81-112.
– Hernandez, D. J. (2011). Double Jeopardy: How Third-Grade Reading Skills and Poverty Influence High School Graduation. Baltimore, MD : Annie E. Casey Foundation.
– Jeynes, W. et Littell, S. (2000). A meta-analysis of studies examining the effect of whole language instruction on the literacy of low-SeS students. Elementary School Journal, 101(1), 21-33.
– Landry, R., Becheikh, N., Amara, N., Ziam, S., Idrissi, 0., & Castonguay, Y. (2008). La recherche, comment s’y retrouver ? Revue systématique des écrits sur le transfert de connaissances en éducation. Québec : Ministère de l’Éducation du Loisir et du Sport, Gouvernement du Québec.
– La Roche, M. (2008). Vers une pratique fondée sur les données probantes. Document d’information. Ottawa, Canada : Université d’Ottawa.
– Ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport (2008). Indicateurs de l’éducation – Édition 2008, Québec : Gouvernement du Québec.
– Rosenshine, B.V., et Stevens, R. (1986). Teaching functions. In M. C. Wittrock (dir.), Handbook of research on teaching (3e éd.), (pp. 376-391). New York, NY: Macmillan.

 


[1] . La méga-analyse est une synthèse de méta-analyses.

[2] . Les critères d’inclusion utilisés dans cette méga-analyse sont présentés dans : Bissonnette et al. (2010).

[3] . Une description sommaire de chaque méta-analyse et de leurs principaux résultats, exprimés sous forme d’ampleur de l’effet, sont présentés dans Bissonnette et al. (2010).

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