PRomotion des Initiatives Sociales en Milieux Educatifs

In Les Cahiers Pédagogiques – le 22 juin 2013 :

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A l’invitation du Département de Seine-Maritime, des représentants d’un grand nombre de collèges seinomarins se sont réunis le 16 mai dernier à Rouen. Bilan, débats et projets au programme. Jean-Michel Zakhartchouk représentait le CRAP-Cahiers pédagogiques qui tenait aussi une table d’exposition.

L’objectif était de faire un bilan des projets culturels financés par la collectivité territoriale, mais aussi de faire prendre du recul par des débats sur le sens des projets culturels. Le tout ponctué par des flashes vidéo ou in vivo de ces projets culturels où on a pu voir les compétences orales de jeunes élèves évoquant leur travail d’écriture et de mise en forme théâtrale.

A la suite de cet événement, nous avons voulu poser quelques questions au président du Département. Au-delà du contexte local, il nous parait important de réfléchir au rôle joué par les collectivités qui veulent, à juste titre, être autre chose que des signataires de chèques.

Didier Marie, comment une collectivité comme la votre, aide-t-elle les collèges dans le cadre de la « Réussite Educative » ?

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Didier Marie © DR

Depuis 2004, nous avons voulu mettre l’éducation au cœur de nos priorités. Nous avons créé en 2006, le « Contrat de Réussite Educative Départemental » (CRED), un dispositif alors unique en France. Nous proposions un financement destiné pour partie à un accompagnement scolaire pour les élèves en ayant besoin, mais aussi permettant le paiement d’intervenants extérieurs, des sorties et visites, des ateliers in situ… A l’issue de 5 ans d’expérience, le CRED a été évalué et pour le rendre plus efficace ont été mis en place des « itinéraires éducatifs » dont les 150 premiers ont été proposé l’année dernière. Ces itinéraires invitent les collégiens à la découverte de nouveaux horizons, vers les espaces citoyens du débat, de l’expression, de l’initiative et de la culture (toutes les cultures) : poésie, danse, arts du cirque, histoire de l’architecture, archives de la grande guerre, espaces naturels sensibles, lutte contre les discriminations, éducation aux médias, etc.

Comment proposer, respecter l’autonomie, mais en même temps « imposer » d’une certaine façon un cadre et des contraintes ?

Avec l’appui du Rectorat, nous avons installé un comité de pilotage. Il ne s’agit pas d’imposer un cadre mais de construire ensemble une dynamique et de travailler à la cohérence des actions. Au fond, nous voulons inviter les équipes éducatives à penser leur action en terme de parcours, répondant à une logique pédagogique organisée autour de trois temps : découverte, pratique, restitution, explorer les ressources locales (si importantes dans notre région) autour de trois grands champs : culture, mémoire et citoyenneté, environnement. Le « guide des itinéraires éducatifs » vise à faciliter leur démarche, par l’adoption d’un itinéraire « clé en main », avec des intervenants déjà identifiés et habilités par l’Education nationale, une économie de temps personnel de préparation. Mais il est également possible de créer son propre itinéraire avec des partenaires choisis y compris en dehors du département, comme certains sites nationaux de références. Principaux ou enseignants sont appelés à nourrir ce guide de leurs propres propositions. Par définition, le guide des itinéraires éducatifs est évolutif et sera alimenté par l’ensemble des expériences menées par les équipes.

Pourquoi avoir organisé une journée pour rassembler les acteurs ? Effet de vitrine, comme on l’entend parfois pour ce genre d’initiatives ? que répondriez-vous à cette « accusation » ?

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On ne peut reprocher à une collectivité d’engager des moyens massifs pour la réussite éducative. Le Département n’en a aucune obligation, c’est un acte politique fort. Le Salon des Itinéraires, l’un des temps essentiels de cette rencontre, est un panorama non exhaustif de l’offre culturelle de notre territoire. Cette journée est donc avant tout un lieu et un temps d’échange d’expérience, sur ce que les uns et les autres ont fait du CRED cette année, et un moment de préparation de l’année à venir Les acteurs culturels sont venus à la rencontre des enseignants pour leur présenter leurs propositions, leurs outils et leurs savoir-faire. Les enseignants, principaux, documentalistes, ont pu établir un premier contact avec eux, qu’ils pourront approfondir s’ils le souhaitent, en vue de leurs projets pour 2013-2014. Panorama également de quelques-uns des projets menés cette année par les enseignants, avec des œuvres exposées, des extraits de spectacles, des témoignages durant les tables rondes, qui ont permis aux principaux et enseignants présents de découvrir les réalisations de leurs collègues ailleurs dans le département.

Mais c’était surtout un temps de réflexion nécessaire : à l’issue de cette année d’expérimentation des « itinéraires éducatifs », nous devions nous interroger collectivement sur le sens et la pertinence de notre action. C’est la raison pour laquelle nous avons souhaité la confronter à d’autres expériences ailleurs en France, celle de la Seine-Saint-Denis par exemple, à d’autres initiatives en faveur de la Réussite éducative, comme celle de Paul Robert à Uzès à partir de l’expérience finlandaise, à l’analyse de chercheurs, qui ont modélisé des pratiques ou conceptualisé les questions de la transmission de la culture.

Je retiens avant tout de cette journée l’expression d’une enseignante à la sortie, qu’on m’a rapportée : « Avant, je voyais le CRED comme quelque chose d’imposé, venu d’en haut. Et j’ai découvert qu’il y avait derrière une vraie volonté pour la réussite éducative des élèves. ». La complémentarité des acteurs de l’éducation et leur reconnaissance mutuelle est l’un des enjeux fondamentaux de l’éducation aujourd’hui.

Comment allez-vous avancer dans l’évaluation de votre action, qui semble à l’ordre du jour dans tous les domaines dans la conjoncture actuelle de resserrement des moyens ? Comment éviter l’évaluation superficielle et faire que celle-ci soit une aide pour les acteurs ?

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Il ne faut pas réduire la nécessité de l’évaluation à celle du resserrement des moyens. L’évaluation de nos politiques éducatives, que ce soit celle de l’Etat ou celle de notre Département s’impose dans le contexte de la faible performance de notre système et de l’urgente nécessité de le rénover. Nous avons mis en œuvre des moyens qui ont été innovants il y a déjà plusieurs années. Ils sont appelés à évoluer pour se rapprocher toujours d’avantage de leurs objectifs. Nous avons mené notre propre évaluation, avec les outils dont dispose une institution qui mesure l’impact d’une politique publique : nombre d’élèves bénéficiaires, taux d’usage, freins à l’action, satisfaction des principaux, etc. qui nous ont conduits à la réforme actuelle. Mais nous souhaitons aller plus loin.

De nombreuses études ont démontré un impact réel de la pratique musicale sur les apprentissages et les performances scolaires. Une étude récente de Science Po Paris a dépassé les espérances de ses auteurs, avec des résultats édifiants sur les effets de l’action « l’orchestre à l’école » sur la réussite de ses jeunes bénéficiaires. L’étude du CERLIS, laboratoire de la Sorbonne, a dressé des pistes intéressantes avec son évaluation du programme « l’art et la culture au Collège » dans le Département du 93.

Le laboratoire CIVIIC de l’université de Rouen autour de Laurent Lescouarch, va nous aider dans cette évaluation. Je suis heureux que les autres intervenants de cette journée soient volontaires pour poursuivre la réflexion avec nous. Nous pourrons ainsi continuer à faire évoluer notre dispositif, afin qu’il contribue du mieux possible à la réussite éducative de nos collégiens, en particulier de ceux qui en ont le plus besoin.

Propos recueillis par Jean-Michel Zakhartchouk

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