PRomotion des Initiatives Sociales en Milieux Educatifs

Selon des informations concordantes mais que le ministère n’a pas confirmées, Catherine Becchetti Bizot a été remplacée le 7 septembre à la Direction du numérique éducatif (DNE) par le sous-directeur (DNE B) Mathieu Jeandron. Sa nomination devrait être rendue publique le 9 septembre. Elle intervient à un moment clé pour le numérique éducatif : celui de la mise en route du plan numérique voulu par François Hollande. Après des années de vaches relativement maigres, le numérique éducatif va avoir des moyens très importants. Quel sens donner alors à cette nomination ? Quelles conséquences pour les enseignants ?

Un informaticien remplace une pédagogue

Après avoir été appelée par Vincent Peillon pour mettre en place un véritable pilotage du numérique au ministère, Catherie Becchetti Bizot a été remplacée ce lundi par le sous-directeur (DNE B): Mathieu Jeandron. Pour mieux connaître le nouveau directeur, le mieux est d’aller sur son (ex) blog dont la durée d’activité a été éphémère (quelques mois jusqu’en septembre 2014). Il y écrit en particulier : « depuis le 1er septembre, j’ai le plaisir et l’honneur d’être « adjoint à la Directrice du numérique éducatif, chef du service des technologies et des systèmes d’information » au ministère de l’Education nationale, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche. [….] Prometteur et motivant ! ». Cet enthousiasme d’il y a un an sera-t-il le même pour la prise de fonction on peut le penser, au moins pour lui.

Ce que l’on peut noter c’est qu’après une direction centrée sur la pédagogie, on s’oriente vers une direction centrée sur l’informatique. En effet en tant que directeur de la partie systèmes d’informations du MEN, il n’a pas du tout le même profil que Madame Becchetti Bizot, IGEN de Lettres dont on peut lire la biographie sur ce site officiel. Ce changement de profil est-il le signe d’un changement d’optique : accélérateur des équipements, ralentissement des projets en cours, changement de cap vers l’enseignement de l’informatique ? Notre analyse est probablement trop binaire pour couvrir la complexité d’un tel changement. Cependant on peut essayer de comprendre.

Un pion dans la guerre entre Google et les ENT…

Par hypothèse, on peut lier indirectement ce changement aux récentes publications de la CNIL sur la faible protection de la vie privée des enfants sur et par Internet. En effet le développement des accès dans les établissements via les ENT, la montée en puissance du BYOD et plus généralement de l’usage de leur propre matériel par des enfants, même en primaire, peut inviter l’Etat à penser davantage sa politique de sécurisation et d’encadrement. Or la présence plus que visible d’acteurs comme Microsoft ou Google lors des journées Ludovia pouvait laisser penser qu’une lutte est engagée entre ces acteurs grands publics et les acteurs professionnels qui développent depuis plus de dix années les ENT. Les pratiques pédagogiques multiples d’enseignants s’appuyant sur ces acteurs grands publics dont « on ne sait pas où ils stockent leurs informations et les données personnelles » sont un questionnement fort pour ces acteurs.  Les professionnels du secteur verront surement d’un bon oeil ce changement puisqu’ils retrouveront quelqu’un qui leur est professionnellement proche. Toutefois, un tweet de Monsieur Jeandron en date du 7 mai 2015 dit : « #EcoleNumerique Et si on arrêtait avec le « vilain google » ou le « méchant apple », pour se concentrer sur des services numériques originaux ? ». Que faut-il en penser ?

Enseigner l’informatique dure ?

Par hypothèse on peut aussi lier ce changement à la volonté d’impulser une plus forte pression « informatique » sur le monde scolaire. La mise en place d’options en seconde, première et terminale s’inscrit bien dans une logique rappelée récemment par la DNE de ne pas encourager un pur enseignement de l’informatique. Or ce changement pourrait amener à durcir le propos et s’engager sur la voix d’un « véritable » enseignement de l’informatique en milieu scolaire. Serait-ce la frilosité sur ce sujet ainsi que sur celui de la généralisation des équipements qui a incité à cette évolution ?

Ne prêtons pas d’intention avant de voir les actions. Cependant après les annonces de la ministre le 25 aout dernier, on imagine mal un nouvel arrivant parvenir à faire changer le cap et infléchir trois années de travail menées au ministère à partir de la refondation exprimée par Vincent Peillon et traduite par la volonté de faire entrer l’Ecole dans l’ère du numérique. Car il faut le souligner, le rapprochement entre l’informatique et la pédagogie était un pari a priori insensé, tant on connait d’exemples d’incompatibilités d’humeurs entre ces deux champs. Ce pari, Madame Becchetti Bizot l’a mené avec courage et la détermination qu’on lui connait. Après un profil pédago, un profil info… de quoi faire couler de l’encre. Si sa nomination est confirmée, souhaitons que 0le nouveau DNE ait le même courage et la même détermination.  Comme il l’écrit lui-même sur son blog :  » mon appétence au « risque » que l’exposition induit est faible (mais je me soigne). ».

Bruno Devauchelle

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