PRomotion des Initiatives Sociales en Milieux Educatifs

In Centres sociaux – Fédération du Val de Marne – le 20 février 2013 :

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CONTRIBUTION/RÉACTION DE BERNARD BIER, SOCIOLOGUE

 

Les propos qui vont suivre sont à la fois une réaction à chaud au travail des ateliers et un essai succinct de mise en perspective sur quelques points. Ils constituent un prolongement des réflexions engagées lors de la précédente séance du 21 novembre (http://adli94.org/actions-et-productions/les-rencontre-departementales).

On pourrait, me semble-t-il, caractériser nos échanges en ateliers par cinq termes :

 

L’enfant/le jeune : c’est lui qui est au centre des préoccupations, qu’il va falloir aider à grandir, dont on va faciliter le parcours et les apprentissages ; non pas un enfant/jeune abstrait, ou réduit à son seul statut d’élève, mais un enfant incarné, inscrit dans une famille, une histoire, un parcours, un projet… Une approche globale est revendiquée.

Le territoire : il ne s’agit pas simplement de l’école, qui n’est certes pas ignorée, puisque c’est le lieu autour duquel se mènent les expériences rapportées, parce que c’est le lieu incontournable des apprentissages de la langue et de l’entrée dans une culture commune, mais l’ensemble du territoire avec ses acteurs professionnels et bénévoles, ses lieux-ressources… La référence forte à l’école peut venir aussi d’une approche très scolaro-centrée de l’éducation, tropisme « culturel » français (à la différence de nombre de nos voisins européens), comme du fait que l’institution scolaire a été la première à mettre en place dans les années 1970 un dispositif spécifique pour accueillir les jeunes primo-arrivants.

La bienveillance : condition d’une intégration réussie au monde scolaire comme à la société d’accueil, elle appelle la prise en compte de l’enfant dans sa globalité et la reconnaissance de ses savoirs et compétences comme de ceux de sa famille.

Les processus : contrairement aux procédures (les dispositifs), apanage des institutions, modus operandi des politiques  publiques, qui ont leurs propres logiques et temporalités, les processus renvoient à la complexité des dynamiques éducatives, s’inscrivent dans des temporalités hétérogènes, mobilisent aussi de l’informel (on a beaucoup parlé de « réseau », de « capillarité »). Les dispositifs sont des outils d’étayage et de facilitation légitimes, mais ils ne trouveront leur pertinence et leur efficace que s’ils tiennent compte des processus.

Le pragmatisme : loin de tout a priori « idéologique » ou de la référence à des « recettes » reproductibles à l’identique, les participants ont insisté sur la nécessité de la souplesse, de la capacité à entendre les demandes, de saisir les opportunités…

La rencontre de l’autre ne va pas de soi

Il y a toujours eu de la rencontre de l’autre (sous des formes variées) : ce furent dans l’histoire le commerce, les guerres, les voyages…, et aujourd’hui les médias…

Cette rencontre se fit dans l’ignorance, la co-présence, le rapport de domination ou dans des échanges plus étroits (plus ou moins conflictuels ou apaisés).

Mais cette rencontre de l’autre ne va pas de soi.

• Nombre d’anthropologues (cf. C. Levi-Strauss, P. Clastres, R. Girard…) nous rappellent que l’autre, c’est l’extérieur du groupe, du clan, du territoire, par rapport auquel (et parfois contre lequel) le groupe se définit, se construit, en « infériorisant » l’autre. Rappelons la célèbre controverse de Valladolid en 1550-1 entre Las Casas et Sepulveda où l’on s’interrogea sur le degré d’humanité des indiens (et les traitements qu’en conscience on pouvait leur appliquer), pendant que les indigènes, de manière symétrique plongeaient les prisonniers blancs dans l’eau pour savoir si leur cadavre est putrescible – donc s’ils étaient humains ou d’une autre essence. On pourrait aussi mentionner les Grecs, inventeurs de la démocratie, qui excluaient de la Cité les métèques, les barbares…

Faut-il parler d’invariant anthropologique lié à un stade de l’humanité ? L’entrée dans un monde plus globalisé fera-t-il tomber ce type de représentations ? A entendre les bruits du monde contemporain, on peut en douter…

• De même la construction des identités individuelles ou collectives se fait à la fois par assimilation à un groupe (les mêmes) et en rapport à (ou contre) d’autres. L’identité, c’est le même et la différence. Le groupe est aussi une fabrique d’exclusion (voir les phénomènes de « bouc émissaire », le harcèlement dans la cour de récréation, le centre de vacances…). L’autre, c’est le dissemblable, mais aussi… le semblable. Il faut l’affirmer fortement, au risque d’enfermer l’autre dans une altérité radicale, irréductible.

•De cela découle l’idée – l’illusion – que le même /le semblable est condition du (bon) fonctionnement de la société comme de la classe. L’hétérogénéité serait un obstacle… (c’est le discours tenu par bien des enseignants !). Mais qu’est-ce que l’homogénéité d’un groupe ou dans  un groupe ? Est-elle une réalité ou une illusion ? Et nombre de travaux en sciences de l’éducation montrent au contraire les vertus pédagogiques de l’hétérogénéité de la classe (cf. Suchaut Bruno, « L’hétérogénéité des élèves : un éclairage par la recherche en éducation », Les Cahiers Pédagogiques , N°454, juin 2007.  http://18b-gouttedor.scola.ac-paris.fr/IMG/pdf/heterogeneite_Suchaut.pdf). Comment gérer, mettre à profit cette hétérogénéité ?

• Il y a certes la nécessité de la connaissance (objective) pour lutter contre l’erreur, le préjugé… Mais le rapport à l’autre est aussi quest ion d’affect : la peur, le désir… C’est quand on est assuré/rassuré que l’autre ne fait pas peur, que l’on peut aller vers lui. D’où aussi la nécessité de travailler sur la fragilité sociale, identitaire, culturelle… de part et d’autre, de rassurer celui qui est accueilli comme celui qui accueille.

• Si cette rencontre de l’autre dans l’égalité ne va pas de soi, il faut donc l’accompagner, la faciliter… Mais cela nécessite en amont une clarification et une explicitation des valeurs (politiques, éducatives) qui fondent notre intervention.

L’intégration, une notion à interroger

On parle beaucoup d’intégration des (enfants de) migrants. Il s’agit à la fois d’un terme politico-médiatique et d’un terme sociologique .

 

• D’un point de vue sociologique, le terme renvoie dans la sociologie « classique » (Durkheim) au processus de socialisation : les adultes préparent les enfants à s’intégrer dans la société adulte, ceci dans un contexte d’institutions fortes et sûres d’elles-mêmes (l’Etat-nation, l’Ecole, la Famille…), d’homogénéité normative (le modèle d’autorité, par-delà ce qui peut séparer – groupes sociaux, choix idéologiques – est assez semblable).

 

• Le terme sera progressivement appliqué en référence aux populations migrantes qui s’installent en France : comme visée attendue et comme objectif de politique publique.

– Les migrations ne sont pas récentes : dans la première moitié du 20ème siècle par exemple pour les espagnols et les italiens. Si leur arrivée entraîna un certain nombre de heurts, l’école de la République accueillit leurs enfants. Par exemple, en 1927, on compte 260 000 petits étrangers (6-13ans, soit 8, 4% des scolarisés dans le primaire (Kerzil Jennifer et Vinsonneau Geneviève, L’interculturel. Principes et réalités à l’école, 2004, SIDES).

Leur « intégration » se fit assez « naturellement » (sans dispositifs spécifiques, mais par l’effet de l’enseignement et des interactions avec la société d’accueil). L’entrée précoce dans le monde du travail aida aussi, de même que les solidarités communautaires, liées à l’origine, au champ politique ou religieux (cf.Noiriel Gérard, Le creuset français. Histoire de l’immigration, XIXème-XXème siècle, Points Seuil, 1992).

– Dans l’après-guerre, à propos des migrations de travail, on ne parle pas d’« intégration » : les immigrés hommes viennent travailler et ont leur famille « au pays », où ils sont censés retourner tôt ou tard.

– C’est à partir du changement des politiques migratoires des années 1970 (fermeture des frontières et mise en place du regroupement familial) que l’on parlera d’« intégration » dans la société française – y compris dans l’Education nationale, où l’on crée les CLIN et les CLA.

• Cette notion d’intégration est aujourd’hui à réinterroger. Nous sommes entrés dans un univers fragmenté et de pluralité normative, de crise des institutions (Dubet François, Le déclin de l’institution, 1994, Le Seuil), « une société liquide », (Bauman Zygmunt, La vie liquide, 2006, Chambon – paru depuis en coll. de poche Pluriel, Hachette). Le référentiel sociologique de l’intégration a perdu de sa pertinence explicative et opérationnelle et doit laisser place à celui de la cohésion sociale selon François Dubet (Le travail des sociétés, 2009, Le Seuil).

 

Ce qui se traduit d’ailleurs aussi dans le discours des politiques publiques par le référentiel du « vivre ensemble » et de la « cohésion social e » (que l’on retrouve dans des intitulés institutionnels) : comment faire tenir ensemble une société ? Comment faire lien ? Eduquer dans ce contexte appelle un déplacement des objectifs et des méthodes : il s’agit moins d’« intégrer » dans un monde stable aux frontières définies que de préparer à un univers incertain, mondialisé, en évolution permanente et rapide. D’où les référentiels de l’« autonomie », de la « mobilité », de « la capacité d’adaptation et d’innovation », de l’«apprendre à apprendre », du pluralisme linguistique… C’est valable pour l’ensemble des  enfants et jeunes nés ici, c’est valable pour ceux nés ailleurs (et parfois en rupture avec des modèles éducatifs plus traditionnels).

 

En outre, les migrants qui arrivent aujourd’hui sont de plus en plus différents, nombreux ont été scolarisés en amont, ils sont porteurs de compétences multiples (y compris de compétences issues de la migration elle-même).

Plus que d’intégration, ne faut-il pas parler de faciliter l’adaptation, penser en terme de vivre ensemble… et travailler sur de multiples terrains : les apprentissages linguistiques (on s’intègre par la langue ; l’identité française, c’est peut-être surtout la langue qu’on habite), mais aussi le social, le culturel, le politique…

Autrement dit, faire en sorte que les primo-arrivants puissent trouver ou se créer une place, puissent devenir acteurs dans une société d’accueil en évolution permanente. Enfin l’« intégration » renvoyait à une migration bi-polaire, entre le pays d’origine et le pays d’accueil. Les migrations sont de plus en plus « mobiles », transnationales.

 

• Pour conclure sur ce point, et au-delà des terminologies (qui sont néanmoins importantes en ce qu’elles reflètent ou créent une vision du monde), je renverrai à la définition de l’intégration donnée par le Haut conseil de l’intégration (http://www.hci.gouv.fr/-Mots-de-l-integration-.html), qui n’est d’ailleurs pas très éloignée des propos qui viennent d’être tenus, nonobstant la référence au terme d’ « intégration ».

«Le terme d’intégration (généralement référé à la situation des immigrés installés de façon durable dans le pays d’accueil) désigne à la fois un processus et les politiques qui ont pour objet de faciliter sa mise en œuvre. Note : Le processus, inscrit dans la durée, est celui d’une participation effective de l’ensemble des personnes appelées à vivre en France à la construction d’une société rassemblée dans le respect de principes partagés (liberté de conscience et de pensée, égalité entre homme et femme par exemple) telles qu’elles s’expriment dans des droits égaux et des devoirs communs.

Mener une politique d’intégration, c’est définir et développer des actions tendant à maintenir la cohésion sociale au niveau local comme au plan national, de sorte que chacun puisse vivre paisiblement et normalement dans le respect des lois et l’exercice de ses droits et de ses devoirs. Ainsi conçue, une politique d’intégration ne concerne pas seulement les immigrés ; elle n’en doit pas moins prendre en compte les problèmes particuliers que peuvent poser certains d’entre eux.

 

L’intégration n’est pas l’assimilation : elle ne vise pas à réduire toutes les différences. L’intégration n’est pas non plus l’insertion car elle ne se limite pas à aider les individus à atteindre des standards socio-économiques. L’intégration demande un effort réciproque, une ouverture à la diversité qui est un enrichissement mais aussi une adhésion ».(http://www.hci.gouv.fr/-Mots-de-l-integration-.html)

 

L’inter-culturel et les apprentissages réciproques

• Penser l’interculturel, est-ce se focaliser sur les cultures – réalités floues, problématiques…- ? Cela peut parfois permettre de comprendre des situations ou des attitudes, mais tout autant empêcher de comprendre, enfermer… (par auto-enfermement ou hétéro-enfermement), réifier, dés-historiciser, ethniciser…, et s’avérer in fine préjudiciable à l’intelligence du réel et contre-productif pour l’action. Outre le fait qu’on ne peut connaître toutes les cultures, toutes les langues… Ou est-ce travailler précisément sur l’entre deux, la ré-interrogation de soi et de ses certitudes, de ses normes, de ses pratiques, l’apprentissage du questionnement et du décentrement ? Dans le mot inter-culturel (différent du multi/ ou dupluri-culturel), ce qui importe c’est plus « inter » que « culture » (sans nier l’intérêt de s’ouvrir aussi à la connaissance des « cultures »).

• Au sein de l’Education nationale, le problème de l’interculturel n’a pas été posé lors de la création des CLIN et des CLA : le discours fut alternativement la nécessité de combler le déficit linguistique du migrant allophone, ou de combler les écarts culturels qui nuisaient à une bonne intégration à l’école et consécutivement à la société française. Quand en 1973 se mettent en place les ELCO (Enseignement des langues et cultures d’origine), la logique n’est pas celle de l’interculturel, mais de ne pas couper des enfants et jeunes du socle linguistique et culturel du pays d’origine où à court terme ils doivent repartir.

 

• On peut observer une évolution de l’approche, au sein de l’Education nationale comme dans les politiques européennes. (Sur le premier, voir Kerzil-Vinsonneau, cité supra; sur le second, voir Gomes Rui, « Etat des lieux, des débats et des enjeux en Europe », in Bier Bernard et Fournier Clélia, Culture, cultures : quelle(s) pédagogie(s) de l’interculturel ?, 2009, Cahiers de l’action, INJEP). On peut dégager trois étapes :

– une centration sur les cultures, les connaître ;

– puis un dépassement vers une éducation à la citoyenneté, au vivre ensemble… ;

– enfin un travail sur les représentations, les préjugés, l’apprentissage du décentrement.

 

• L’interculturel, comme reconnaissance des savoirs mutuels : apprendre les uns des autres : Pour cela il importe de reconnaître

– que l’autre a des savoirs et compétences, des compétences de vie, des compétences héritées (y compris dans le cadre éducatif et scolaire en amont), un capital social, culturel en construction et en évolution permanente ;

– que ces savoirs et compétences sont collectifs mais aussi individuels : ce sont des sujets singuliers, inscrits certes dans une « culture » ou « un milieu » d’origine, mais irréductibles à cette culture ou à ce milieu, que l’on accueille et que l’on accompagne ;

– qu’il est sujet de parole et d’action ;

– qu’on peut et on doit s’appuyer sur ces savoirs et ces compétences, comme autant de ressources qu’il faut valoriser et mobiliser tant pour le parcours du primo-arrivant que pour la société où il s’installe (provisoirement ou définitivement) ; (Remarque : dire cela, ce n’est pas tomber dans le relativisme – tout vaut tout ; il n’y a pas de vérité – ou, à l’inverse, dans l’affirmation que certains détiennent une vérité incontestable. Mais dire que ces savoirs, à l’instar de tout savoir, ont le droit d’entrer dans un espace public de discussion scientifique, philosophique, politique… – au rebours donc du discours totalitaire ou révélé, qui refuse toute discussion, vérification, confrontation.

 

Cette posture pose comme préalable et d’emblée l’égale légitimité, l’égale dignité de l’autre. L’autre est un inter-locuteur, auquel je dois donc par respect un discours de vérité, sur ce qu’est la société d’accueil, ses normes, ses valeurs, avec qui je peux et dois débattre sur ce qui sépare – loin donc d’un certain misérabilisme ou d’une condescendance, qui n’est qu’une variante de l’invalidation et de l’humiliation (cf. Sennett Richard, Respect. De la dignité de l’homme dans un monde d’inégalité, 1999, Pluriel, Hachette).

 

• Apprentissage et insécurité cognitive : Toute éducation est aussi altération : on n’apprend pas du même, mais avec de l’autre, du déjà-là, du pas encore là, du « hors de soi ». Apprendre pour tous, c’est entrer (provisoirement) dans de l’insécurité cognitive : c’est remettre en question nos impressions, représentations, certitudes, c’est entrer dans la confrontation et le doute… Cette démarche peut être entravée quand l’enfant ou le jeune, l’adulte aussi, sont prisonniers d’une insécurité sociale, culturelle, et par là-même « empêchés de penser » selon l’expression de Serge Boimare. Cette insécurité affective entrave leur disponibilité et la prise de risque qu’appellent les apprentissages, qui sont alors perçus comme dépourvus de sens et profondément déstabilisants (cf. Boimare Serge, L’enfant et la peur d’apprendre, 1999, Dunod).

D’où la nécessité de faire en sorte que le jeune primo-migrant, déjà fragilisé par le fait même de la migration, soit, autant que faire se peut, sécurisé, rassuré… C’est là un des rôles de l’ensemble des acteurs éducatifs du territoire. L’école aura de surcroît celle de le faire entrer dans la « forme scolaire ». (Remarque : à cet égard il nous faut sortir de la confusion autour de la fermeture ou de la clôture nécessaire de l’école. Qu’elle le veuille ou non, l’institution scolaire est aujourd’hui traversée par les bruits du monde.

Elle a tout intérêt à s’ouvrir matériellement aux parents, au territoire, de devenir quelque part un lieu hospitalier – aux antipodes de ce que l’on entend parfois !-. Par contre, ce qui lui est propre, c’est un type particulier de rapport au savoir, un savoir qui fait communauté, avec ses disc iplines, leur méthodologie et leur épistémologie, et ses exigences. Autrement dit, l’école n’est pas au service des bruits du monde, elle est le lieu où l’on apprend ensemble à le comprendre, par un savoir distancié, partagé, critique).

 

• Accueillir le migrant, c’est apprendre l’un et l’autre, apprendre l’un de l’autre, mais aussi apprendre avec l’autre. Il s’agit en permanence d’expliciter et de rendre compréhensibles pour chacun et pour tous les comportements, les règles de fonctionnement souvent implicites et perçus comme allant de soi par les uns ou les autres, en sollicitant la comparaison : ce travail de formulation, de mise à distance, de réflexivité est valable pour celui qui accueille comme pour celui qui est accueilli (il se fait déjà dans nombre d’apprentissages linguistiques). Participant de la « socialisation secondaire » (socialisation dans de nouveaux espaces) du jeune primo-migrant, il a aussi pour mérite de faciliter son acquisiti on progressive de l’autonomie.

Les conditions de cet apprentissage : une éducation partagée

• Penser la globalité éducative : L’enfant primo-arrivant, à l’instar de ses pairs nés ici, se socialise et s’éduque dans les différents espaces-temps relevant de l’éducation formelle, de l’éducation non formelle et de l’éducation informelle, et qui, tous, participent à la construction de soi. Si les CLIN et les CLA (devenus UP 2A) permettent une acculturation accélérée, le passage dans le droit commun éducatif, pour nécessaire qu’il soit, peut apparaître comme une rupture. Comment sensibiliser l’ensemble des enseignants et autres acteurs éducatifs à la problématique de l’accueil des enfants allophones, pour faciliter les passages ?

 

• Accueillir les enfants et jeunes primo-arrivants appelle la mobilisation des différents acteurs du territoire, professionnels (enseignants, animateurs, éducateurs…) et bénévoles. On peut ainsi s’appuyer :

– sur les familles elles-mêmes, mais aussi les autres ressources commun autaires (dans la double acception du terme : la communauté liée au pays d’origine et celle du territoire : centre social, maison de quartiers…

– sur les pairs avec des formes instituées de tutorat   – à l’instar de l’éducation mutuelle d’autrefois (cf. Querrien Anne, « Une école trop efficace »,L’autre école, n° 17, 2011, http://www.cnt-f.org/nautreecole/?Une-ecole-trop-efficace-Entretien) ;

– sur les clubs sportifs, les centres d’animation,…, qui sont à la fois des lieux de l’entre-pairs mais aussi des espaces protégés (et où l’enfant allophone a l’occasion d’échanger avec des jeunes adultes ou des adultes, professionnels ou bénévoles, dans un rapport différent de celui de l’école) ;

– sur des quasi pairs (tels des étudiants un peu plus âgés comme les bénévoles de l’AFEV) (cf. Giner Clotilde,Mangado Eunice, (AFEV), Enfants et jeunes nouvellement arrivés. Guide de l’accompagnement éducatif, 2007, Cahiers de l’action, INJEP).

 

• Mais s’inscrire dans une logique d’éducation partagée sur un territoire appelle que les professionnels eux-mêmes s’engagent dans un travail d’inter-culturalité, tant leurs espaces sont cloisonnés, leurs cultures professionnelles différentes, et les préventions fortes les uns à l’égard des autres. Travailler en partenariat appelle connaissance et reconnaissance réciproques.

• Défendre cette forme de travail coopératif, s’appuyant sur les ressources des parents-habitants-citoyens- acteurs comme sur celles des professionnels et autres acteurs et spécificités du territoire, c’est renouer avec la logique du développement territorial local, du développement communautaire, de certaines formes de l’éducation populaire. Les structures cessent d’être dans la seule extériorité (dans le territoire) pour devenir, structures du territoire. Et c’est dans un faire-avec que se développe le pouvoir d’agir de tous et que se construit un monde commun.

Pour conclure la contribution

« Il n’y a pas de fatalité de l’intégration », rappelait l’historien et politologue Patrick Weil, spécialiste des migrations. Il nous faut donc y travailler.

 

Le projet d’accueil des migrants concerne in fine tout un chacun et interpelle notre système éducatif, notre système politique, nos manières de vivre ensemble. Il se révèle à la fois un « analyseur » de notre société, de son fonctionnement comme de ses faiblesses.

C’est un levier, une occasion de faire évoluer la société.

 

 

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