PRomotion des Initiatives Sociales en Milieux Educatifs

Comment renouer le dia­logue entre parents et ensei­gnants ? Benjamin Chemouny, pro­fes­seur des écoles à Toulouse, répond dans son livre « Communiquer avec les parents pour la réus­site des élèves ».

Un rap­port par­le­men­taire du 9 juillet 2014 fait état de ten­sions de « plus en plus visibles » entre parents et professeurs. Comment expliquez-vous que le dia­logue soit devenu si « compliqué » ?

Avant 1989 et la loi Jospin , le dia­logue n’était pas consi­déré comme néces­saire. C’était à cha­cun son rôle : d’un côté, les pro­fes­seurs ensei­gnaient et, d’un autre, les familles éduquaient à la mai­son. Depuis vingt ans, les choses ont changé. Des dizaines de textes offi­ciels sont venus ren­for­cer le rôle des parents dans l’éducation des enfants. Résultat : il y a une demande légi­ti­me­ment plus forte des parents pour savoir ce qui se passe à l’école. Et cela crée natu­rel­le­ment des frictions…

Les ensei­gnants sous-estiment-ils le dia­logue avec les parents ? Pourquoi est-ce si important ?

Certains ensei­gnants sont méfiants vis-à-vis des parents. En salle des profs, on entend en géné­ral deux reproches : soit les parents sont jugés démis­sion­naires car l’enseignant ne les voit guère ; soit ils sont consi­dé­rés comme enva­his­sants lorsqu’ils s’immiscent dans le tra­vail des ensei­gnants. Cette vision, un peu cari­ca­tu­rale, n’est pas construc­tive. En même temps, les ten­sions sont nor­males car ensei­gnants et parents s’occupent, à tour de rôle, de l’éducation des enfants. Il faut néan­moins renouer le dia­logue et mener un impor­tant tra­vail d’informations. Plusieurs études montrent que lorsqu’il y a un par­te­na­riat avec les familles, les résul­tats des élèves sont meilleurs. Dans les quar­tiers popu­laires, contrai­re­ment à cer­taines idées reçues, les familles qui n’ont pas — ou peu — été à l’école ont le désir de beau­coup s’investir. Problème : bien sou­vent, elles ne savent pas com­ment s’y prendre. Il faut leur expli­quer les « codes » de l’école et le rôle de cha­cun. On favo­rise ainsi la réus­site des enfants.

Que préconisez-vous pour amé­lio­rer les choses ?

Ne sur­tout pas négli­ger la pré­pa­ra­tion de la réunion de ren­trée. C’est le moment où l’on scelle le pacte avec les parents, il y a donc une « opé­ra­tion séduc­tion » à mener. Expliquer, c’est ras­su­rer. D’une manière géné­rale, je conseille d’ouvrir la classe aux parents, en accord avec sa hié­rar­chie bien sûr.

Références du livre

« Communiquer avec les parents pour la réus­site des élèves », de Benjamin Chemouny, à paraître le 25/09/2014 aux éditions Retz.

Dans quel cadre les recevoir ?

Il est pos­sible de le faire lors d’un ate­lier d’arts plas­tiques ou d’un pro­jet de ludo­thèque par exemple. Tout est une ques­tion d’envie. Il ne s’agit pas de les invi­ter à être des spec­ta­teurs, ni même des assis­tants comme lors des sor­ties sco­laires, mais plu­tôt de vrais par­te­naires que l’on implique. Concrètement, ils peuvent réex­pli­quer les consignes d’un exer­cice aux élèves qui n’ont pas bien com­pris. Les parents se rendent ainsi mieux compte de toutes les contraintes de ges­tion de classe. J’en reçois régu­liè­re­ment et je n’en ai jamais vu un repar­tir avec un dis­cours néga­tif sur les ensei­gnants. Chaque pro­jet de classe peut être un bon pré­texte à l’ouverture de la classe aux parents. Par ailleurs, quand je les reçois en réunion col­lec­tive, j’essaie d’organiser un rapide son­dage pour caler un horaire qui convienne au plus grand nombre. Il est impor­tant de les rece­voir d’égal à égal, en leur pro­po­sant, pour­quoi pas, un café ou un thé.

Les ensei­gnants ont-ils le temps de ren­con­trer tous les parents indi­vi­duel­le­ment comme vous le conseillez ?

C’est une ques­tion d’organisation. Je rap­pelle aussi que nous avons l’obligation de ren­con­trer au moins deux fois par an les parents dans chaque classe, de manière col­lec­tive ou indi­vi­duelle. Encore une fois, les parents ont besoin d’être enten­dus et infor­més. Combien de parents connaissent bien le fonc­tion­ne­ment d’une école ? Je le constate au quo­ti­dien : beau­coup pensent que le direc­teur de mon école est mon supé­rieur hié­rar­chique, d’autres me demandent le clas­se­ment de leur enfant…

Comment réagir face aux parents trop « intrusifs » ?

Évidem­ment, plus on dia­logue et plus on s’expose à de nou­velles ques­tions. C’est un défi à rele­ver, mais cela vaut le coup : la pro­gres­sion des élèves en dépend.
Je conseille d’être à deux pour rece­voir les parents, de s’entourer par exemple du direc­teur ou de la direc­trice de l’école. Les parents n’étant pas dans une pos­ture pro­fes­sion­nelle, ce sont aux ensei­gnants de s’engager en prio­rité dans le partenariat.

Charles Centofanti

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