PRomotion des Initiatives Sociales en Milieux Educatifs

In L’Enseignant – le magazine du Syndicat des enseignants – SE-UNSA – n°167 – juin-juillet 2013 :

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La refonte de l’éducation prioritaire figure au programme de la refondation de l’École. Cela devient effectivement urgent tant les empilements successifs et les appellations multiples ont brouillé la lisibilité et la prise en compte, de manière fine, de ces territoires.

Marc Douaire, président de l’OZP, a accepté de répondre à nos questions

Partagez-vous la conviction du ministre qu’il est nécessaire de refonder l’éducation prioritaire ?

Marc Douaire : Trente ans après sa mise en place, la politique de l’éducation prioritaire est marquée notamment par l’extension inconsidérée de sa carte, l’empilement des dispositifs, une carence grave de pilotage national, une répartition trop diluée de moyens insuffisants et un environnement confus des différents dispositifs politiques territoriaux. Cette politique, qui présente des résultats très nuancés, doit être refondée. Mais en préalable à toute refondation, il est indispensable de lever les malentendus : l’Éducation prioritaire ne saurait constituer le traitement, par l’institution scolaire, des difficultés des élèves issus des classes populaires ; ce traitement relève des missions ordinaires de l’École.

L’éducation prioritaire doit être considérée comme une politique limitée dans le temps, concernant un nombre restreint de territoires très déshérités et bénéficiant de moyens très significatifs. 

Quelles propositions avancez-vous pour mener à bien cette refondation ?

M. D. : Il faut une politique clairement assumée et pilotée nationalement, mais conduite dans le cadre d’une politique territoriale, fondée sur la reconnaissance des partenariats éducatifs notamment avec les parents. Cette politique doit être concentrée dans les territoires les plus marqués par les inégalités – la carte des Rar(*) reste largement pertinente -, la carte de l’éducation prioritaire étant définie en cohérence avec la nouvelle géographie de la politique de la Ville. Pour nous, elle doit être articulée autour d’un réseau écoles primaires/collège centré sur la cohérence et la continuité des actions pédagogiques et éducatives. Si nous voulons vraiment plus d’équité, c’est la gestion d’ensemble du système éducatif qui doit être repensée et tendre vers une distribution des moyens proportionnelle aux difficultés sociales des publics de chaque établissement.

À quoi doivent principalement servir les moyens spécifiques pour une politique efficace ?

M. D. : Tout d’abord, il faut relancer la préscolarisation à 2 ans dans de bonnes conditions. Dans les réseaux écoles-collège, il faut poursuivre la création de postes de coordonnateurs, d’enseignants référents, d’assistants pédagogiques : l’histoire de l’éducation prioritaire a mis en évidence l’importance de ces nouvelles professionnalités pour développer les liens école-quartier, favoriser la continuité école-collège et engager de nouvelles pratiques professionnelles pour la réussite des élèves. Bien sûr, les moyens doivent permettre le financement des projets engagés par les équipes. Enfin, il est indispensable de mettre en place un dispositif solide de formation continue inter-degrés, notamment, sur site et un accompagnement et un suivi des équipes. Le pilotage local doit être davantage présent et centré sur le pédagogique particulièrement, par une présence plus importante des inspecteurs territoriaux. Nous sommes convaincus que cette refondation de l’éducation prioritaire doit être adossée à une transformation plus globale du système éducatif s’appuyant essentiellement sur la politique des cycles, la mise en œuvre cohérente du socle commun, la formation initiale et continue des personnels, la prise en compte de la nécessaire évolution du métier enseignant.

Propos recueillis par Claire Krepper (*) Réseaux ambition réussite

Marc Douaire est président de l’OZP (*) Observatoire des zones prioritaires. Cette association réunit, depuis la création des Zep, des acteurs multiples, engagés pour la réussite scolaire et éducative des enfants et des jeunes scolarisés en Zep. Elle apporte une expertise précieuse au moment où l’on parle de refondation de l’éducation prioritaire. En savoir plus : www.ozp.fr

UN PEU D’HISTOIRE

La politique des Zones d’Education Prioritaire (Zep), initiée en 1981, repose sur un projet de zone cohérent, mis en œuvre par une équipe pédagogique constituée à cet effet et chargée d’impulser les actions et d’en assurer le suivi pour assurer la réussite des élèves.

• En 1999, la carte de l’éducation prioritaire a été redéfinie et une nouvelle structure ajoutée : le Réseau d’éducation prioritaire (Rep).

• En 2006-2007, la carte est de nouveau modifiée : le collège devient l’unité de référence du réseau qu’il crée avec les écoles élémentaires et maternelles d’où proviennent ses élèves. Sont ainsi créés 249 «Réseaux ambition réussite»(Rar) et des réseaux dits «de réussite scolaire» (RRS), qui regroupent tous les autres établissements et écoles qui relèvent de l’éducation prioritaire.

• À la rentrée 2010, le programme CLAIR a été mis en place dans 105 établissements. Ce programme qui mise sur l’innovation pédagogique propose des modalités nouvelles d’organisation et de gestion des ressources humaines (préfet des études, recrutement sur profil).

• À la rentrée 2011, le programme ÉCLAIR est étendu aux écoles et collèges Rar.

Source :http://www.education.gouv.fr/archives/2012/refon-donslecole/wp-content/uploads/2012/07/fiche_thematique_depp_n_6_education_prioritaire_2012.pdf

 

CLAIRE KREPPER, secrétaire nationale

L’OZP EST UNEASSOCIATION DE MILITANTS qui porte la mémoire et l’expertise de l’éducation prioritaire, bien davantage que le ministère lui-même.

Son président sait de quoi il parle, ayant été longtemps coordonateur de Zep dans la région parisienne. Aux discours tout faits des politiques et aux conclusions radicales des sociologues, il oppose le pragmatisme des acteurs engagés sur le terrain pour la réussite de tous les élèves. Avec opiniâtreté, il s’est battu contre le discours politiquement correct qui demandait la «délabellisation» dans la Refondation. Les propositions de l’OZP ne se résument pas au traditionnel «plus de moyens». Elles mettent ces moyens au service du «travailler autrement» cher à notre syndicat. Une géographie resserrée, une inscription dans le territoire, un travail en réseaux, une reconnaissance des nouvelles professionnalités et un pilotage soutenu, voilà des entrées que nous partageons.

ÉDUCATION PRIORITAIRE

Quel avenir ?

Alors qu’une mission interministérielle est au travail et que des Assises de l’éducation prioritaire sont annoncées à l’automne, le SE-Unsaparticipe activement à des réunions de travail au ministère de l’Éducationnationale. Elles portent principalement sur la géographie de l’éducationprioritaire et sur les conditions de travail des personnels.

Géographie de l’éducation prioritaire

La géographie de l’éducation prioritaire sera révisée, c’est une certitude. Mais les critères à retenir sont difficiles à identifier car il n’y a pas de «critères miracles» qui pourraient s’appliquer partout sur le territoire et assureraient un ciblage parfait. Des ajustements locaux seront toujours indispensables.

Contrairement à d’autres organisations qui réclament un programme unique, le SE-Unsa défend une approche différenciée qui correspond à des priorités politiques fortes.

• Un programme national (type Rar) sur les futurs 1000 territoires de la politique de la ville : l’Éducation nationale doit prendre toute sa place dans l’action interministérielle en faveur de ces territoires urbains en déshérence.

• Un programme spécifique intensif pour l’Outre-mer, en particulier la Guyane et Mayotte.

• Pour les établissements et les écoles qui ne relèvent pas du programme national, les académies doivent mettre en place, à partir d’un cadre général national, de nouveaux critères de répartition des moyens, permettant de mieux aider ceux qui connaissent le plus de difficultés scolaires et sociales, qu’ils soient situés en milieu urbain ou rural, notamment les territoires ruraux et de montagne reconnus comme territoires de revitalisation.

Une attention particulière doit être apportée aux écoles en difficulté, dont le collège de secteur n’est pas classé en éducation prioritaire.

Avoir les moyens d’y travailler

Travailler en éducation prioritaire est plus difficile qu’ailleurs. Une fois passé ce constat très largement partagé, reste à trouver les solutions pour répondre à cette difficulté et inciter les personnels à y venir puis à y rester. C’est l’objet des groupes de travail ouverts par le ministère. Jusqu’ici, deux leviers ont été activés, visiblement sans succès : l’indemnitaire et le contrôle des affectations.

• Les indemnités, l’Iss-Zep et l’Indemnité Éclair sont perçues comme une compensation de la pénibilité mais ne suffisent pas pour y rester.

• Sur l’affectation, les tentatives de mouvement particulier dont les Éclair sont le dernier avatar se sont globalement soldées par des échecs.

Pour le SE-Unsa, il faut changer de logique et soutenir l’intérêt exprimé par les enseignants et CPE en éducation prioritaire par des conditions de travail adaptées.

Il faut soutenir les dynamiques de projets, d’équipes. Les temps de concertation, de travail en équipe, de rencontre avec les partenaires, et en particulier les parents, doivent être inclus dans le service des enseignants.

Les formations d’équipe, insitu, doivent être développées et répondre à leurs demandes. L’éducation prioritaire pose de façon accrue des problématiques éducatives que les équipes veulent prendre à bras-le-corps. En avoir concrètement et durablement les moyens pourrait être une bonne raison pour choisir d’y travailler.

 

 

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