PRomotion des Initiatives Sociales en Milieux Educatifs

Des chercheurs, des enseignants, des responsables de l’éducation, des cadres de santé, des parents : les 28 et 29 janvier, le Conseil national d’évaluation du système scolaire (CNESCO) et le CIEP ont ouvert une large conférence de comparaison internationale sur l’ École inclusive pour les élèves en situation de handicap. Deux journées d’échanges et d’ateliers avec des  personnes venues de l’ensemble de l’Europe et de l’Amérique du Nord. Présidente du Cnesco, Nathalie Mons fait le pont sur cet événement, ses principaux enseignements et ses suites.

Pourquoi introduire ce thème de l’école inclusive dans les premiers travaux du Cnesco ?

 La première conférence de comparaisons internationales du Cnesco et du CIEP portait sur les mixités sociales et scolaires à l’école et a permis de lancer le débat sur le sujet entre les décideurs et dans l’espace public. Depuis le début de son mandat, le Cnesco s’intéresse à la réussite de tous les élèves. Il est donc important de pouvoir porter une réflexion spécifique sur l’inclusion des élèves en situation de handicap dans l’école française. Les progrès ont été très significatifs en la matière récemment : depuis 2006, le nombre d’élèves en situation de handicap scolarisés en milieu ordinaire a plus que doublé avec plus de 260 000 à la rentrée 2015. Par contre, si l’école accueille largement les élèves en situation de handicap au primaire, peu de ces élèves arrivent jusqu’au lycée. Les études menées montrent également que les élèves en situation de handicap déclarent souvent être mal à l’aise à l’école. Il est donc essentiel de réfléchir à l’école que nous voulons proposer aux élèves en situation de handicap.

Pourquoi une conférence internationale ? Tous les pays sont au même niveau de développement de l’école inclusive ?

L’histoire de la scolarisation des enfants en situation de handicap est très variable selon les pays et ne suit pas le même rythme d’évolution dans tous les pays. Elle reflète le plus souvent la perception que les sociétés ont du handicap et leur acceptation de leur diversité, la vision plus ou moins normée des individus composant la communauté nationale. Envisager les différents modèles d’écoles inclusives existants en Europe et dans le monde permet ainsi de mettre en perspective l’histoire de l’inclusion scolaire en France et surtout la nature des parcours et de l’accès à l’emploi de ces élèves. Différentes expériences internationales permettent de questionner notre modèle et a fortiori de l’améliorer. Lors de la conférence, nous avons pu voir, par exemple, que des pays comme l’Angleterre ou la Finlande ont mis en place des politiques d’établissement singulières, permettant une meilleure qualité de vie des élèves en situation de handicap.

Pourquoi la participation de personnes n’appartenant pas à l’Education nationale est importante dans cette conférence ?

C’est le concept de ces conférences de comparaisons internationales, leur force : elles parviennent à mêler des univers différents pour les faire dialoguer. Le handicap est en France à la croisée de l’Education nationale et du ministère des affaires sociales et de la santé,  et de son domaine médico-social, ce qui n’est pas le cas dans de très nombreux pays. Ces nombreux acteurs impliqués dans la reconnaissance et la prise en charge des enfants en situation de handicap peuvent et doivent interagir pour favoriser l’inclusion des élèves en situation de handicap. Les maisons départementales des personnes handicapées, les villes et les régions peuvent agir sur leur territoire. Les associations apportent également une aide importante, comme cela existe au Canada. Les entreprises ont également un rôle de premier plan pour réussir à faire un lien entre l’école et l’emploi. Sans compter évidemment les parents qui sont centraux dans la réussite de leurs enfants. Il est indispensable que ces acteurs soient tous impliqués dans la réflexion sur l’inclusion des élèves en situation de handicap.

En France l’école a bien progressé sur ce chemin depuis 2005 mais il reste encore beaucoup à faire. Dans les difficultés rencontrées on cite souvent l’absence de formation des enseignants, qui doivent faire avec des élèves qu’ils ne savent pas aider efficacement, et les difficultés d’articulation entre le secteur médical et l’éducatif. Ces problèmes sont-ils ressortis dans la conférence ou s’agit-il de difficultés purement françaises ?

La formation des enseignants est un sujet majeur  partout, tout comme celle de tous les personnels d’éducation impliqués dans l’inclusion d’élèves en situation de handicap. La démarche d’école inclusive, qui vise à donner une place à l’école à chaque enfant, quelle que soit sa différence, doit permettre d’impliquer l’ensemble des personnels éducatifs, et en particulier les enseignants. Cet aspect est apparu dans toutes les présentations internationales et figure au premier rang des préoccupations de tous les pays, tant au niveau de la formation initiale comme en Suisse ou en Écosse qu’au niveau de la formation continue, comme en Autriche ou en Angleterre. L’accumulation des dispositifs de soutien et leurs acronymes très peu compréhensibles pour les parents, le croisement du médico-social et de l’éducation, l’immense complexité de l’organisation institutionnelle sont des caractéristiques très françaises.

Comment mieux accompagner les familles sur le chemin de l’école ?

Les études montrent que les parents d’élèves en situation de handicap sont plus insatisfaits de l’enseignement qu’en moyenne. On voit également que seuls 40 % de ces parents connaissent les aménagements pédagogiques prévus pour leur enfant. Clairement, les familles veulent être informées des dispositifs existants et être considérées comme des acteurs à part entière de la réussite de leur enfant. Nous avons pu voir durant la conférence comment des associations, comme c’est le cas au Canada, sont engagées aux côtés des familles, en les accompagnant avec des équipes pluridisciplinaires afin de soutenir les élèves en situation de handicap.

Quelles sont les recommandations de la conférence ?

La conférence vient tout juste de se terminer. Dans chaque atelier, les décideurs français ont pu réfléchir, par thématique, à des pistes concrètes d’amélioration de l’inclusion des élèves en situation de handicap. C’est à partir de leur travail que le Cnesco pourra produire ses préconisations, qui seront rendues publiques le 9 février.

Que va-t-il se passer après ? Vous parlez d’un réseau. De quoi s’agit-il ?

L’un des objectifs d’une conférence de comparaisons internationales est de créer un réseau de décideurs entre les participants de la conférence. Nous leur donnons l’occasion de se réunir pendant deux jours, de se nourrir de l’exemple de politiques publiques mises en place dans d’autres pays et d’échanger, lors de temps formels et informels, autour de l’inclusion des élèves en situation de handicap en France. Par la suite, les activités du réseau peuvent être multiples : mutualisation des pratiques, valorisation d’expériences volontaristes ayant réussi, échanges avec des chercheurs, voire montages communs d’études scientifiques locales. L’agence européenne et l’Unesco qui participaient à la conférence ont déjà tendu la main à ce qui pourrait constituer un futur réseau en demandant de valoriser toutes les expériences de pratiques positives françaises dans le cadre d’un projet européen.  C’est un beau défi pour un futur réseau.

Propos recueillis par François Jarraud

La conférence

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