Comme le rappelait la récente étude réalisée par Gilles Babinet pour l’Institut Montaigne [1], "en l’absence d’expérimentations menées et évaluées de façon rigoureuse, (…) rien ne permet d’affirmer que l’utilisation de technologies numériques ait un impact sur le niveau scolaire des élèves". En particulier, les politiques publiques en France se sont longtemps focalisées sur des questions d’équipements informatiques – au détriment de la refonte des protocoles pédagogiques – notamment au travers de la notion d’espace numérique de travail (ensemble de services numériques mis à disposition de la communauté éducative par l’établissement scolaire).

Or aucune évaluation n’a permis de démontrer que l’utilisation d’un ordinateur portable par les élèves a un impact positif sur leurs résultats scolaires. Une étude [2]menée par le National bureau of economic research (NBER, organisme privé américain consacré à la recherche économique) souligne au contraire que cet impact serait nul.

Les chercheurs du NBER ont distribué des ordinateurs à 1123 enfants de quinze écoles californiennes et ont observé leur utilisation et leur impact, pendant un à deux ans, sur ce groupe et sur un groupe témoin de taille équivalente. Si l’usage de l’ordinateur est plus élevé parmi les élèves disposant d’un ordinateur (6,6 heures hebdomadaires contre 4 heures pour le groupe témoin), ce temps a été réparti entre 37 % de travail scolaire et 63 % de jeux et réseaux sociaux. L’étude montre qu’aucun impact n’a été observé, ni sur les résultats aux évaluations scolaires, ni sur la présence en classe, ni sur les sanctions disciplinaires.

L’étude publiée par le NBER va dans le sens d’une étude qualitative réalisée par l’Inspection générale de l’Education nationale (IGEN) évaluant les effets du plan "Un collégien, un ordinateur portable" mené dans les Landes. Ce programme créé en 2001 visait à équiper d’un ordinateur portable tous les élèves de troisième et tous les enseignants. Il a été généralisé dès la rentrée 2012 à l’ensemble des collèges publics du département. Si les inspecteurs concluent que ce plan a été reçu de façon très positive par les élèves, les enseignants et les parents, l’absence d’évaluation pédagogique n’a pas permis de tirer de conclusions quant au bon usage des fonds alloués à ce projet.

Le coût total de l’équipement informatique des établissements scolaires n’est pas connu en France ; mais par exemple, l’équipement du département des Landes a consacré 52 millions d’euros à ce projet depuis 2001 selon l’IGEN, pour un résultat… a priori nul. Ce constat souligne la nécessité de mettre en place la proposition formulée par l’Institut Montaigne : favoriser l’expérimentation du numérique à l’école et évaluer son impact sur les résultats des élèves. L’évaluation indépendante, systématique et rigoureuse des expérimentations menées en matière d’innovation pédagogique fait grandement défaut en France – comme dans la plupart des pays développés. Elle est pourtant un prérequis à la mise en œuvre d’une stratégie numérique à l’école.

Pour aller plus loin :

Maryline Baumard, “A quoi servent les tablettes à l’école ?”, Le Monde, 5 juin 2013