PRomotion des Initiatives Sociales en Milieux Educatifs

Favoriser l’égalité filles / garçons grâce au théâtre-forum
Du théâtre pour lutter contre les stéréotypes
Témoignage de Lydie Jehanno, conseillère principale d’éducation (CPE) au Collège Guy Mocquet de Gennevilliers (92)

Lydie Jehanno est conseillère principale d’éducation (CPE) au Collège Guy Mocquet de Gennevilliers (92). Elle mène des ateliers de théâtre-forum afin d’œuvrer pour l’égalité filles/garçons.

Ce projet a pris de l’ampleur et associe aujourd’hui de nombreux partenaires, dont une association de théâtre amateur : La Compagnie du Désastre.

En quoi consiste ce projet de théâtre-forum autour de l’égalité filles/garçons ?

Le théâtre-forum autour de la question de l’égalité entre les filles et les garçons a pour objectif de sensibiliser les élèves et de prévenir les violences sexistes (physiques et verbales) en utilisant une méthode plus participative et interactive qu’à l’ordinaire.

Les séances menées auprès de chaque classe durent 2h et se déroulent en 3 temps : – un premier temps d’échanges autour de définitions (homme, femme, discrimination, stéréotypes, sexisme, etc.). – un second temps durant lequel les élèves jouent des scènes partiellement écrites et en improvisent la fin. Ces scènes portent sur des dimensions particulièrement problématiques en termes d’égalité entre jeunes filles et jeunes garçons aujourd’hui (pratique d’un sport, accès à l’espace public avec ses ami-e-s, vie amoureuse, rumeurs, etc.). – suite à chaque scène jouée, un débat s’engage dans la classe et on rejoue la scène (des participants du public peuvent intervenir dans la scène) pour essayer d’arriver à une situation plus égalitaire.

Ce projet a initié un projet plus global dans lequel il s’inscrit à l’échelle de l’établissement : celui de « La semaine de l’égalité ».

Comment est née l’idée de faire ce projet avec des scolaires ?

Au sein du Collège nous constations une augmentation d’insultes ou de remarques sexistes et les séances de travail sur l’orientation révélaient des représentations stéréotypées du « genre des métiers » (« truc de fille », « truc de garçon »). De plus, suite à l’arrestation de garçons du quartier accusés de viol collectif il y a quelques années, des réactions et propos de jeunes ont été très violents à l’encontre de quelques filles, et faisaient porter une part de responsabilité aux victimes.

Les questions d’égalité hommes/femmes sont bien sûr au programme, notamment en éducation civique, en histoire ou en lettres. Mais les élèves n’étaient pas forcément réceptifs au message tant il leur paraissait loin de leur réalité (droit de vote, relations de domination, IVG, etc.). Pour promouvoir plus efficacement l’égalité, l’idée d’un projet plus ludique et partant de leurs visions et de leurs vécus s’est imposée ; c’est pourquoi j’ai mis en place du théâtre-forum. Cette animation à l’origine proposée à toutes les classes de 4ème s’est par la suite généralisée à tous les niveaux.

Quels acteurs ont participé au projet et comment ?

Suite à la bonne réception du théâtre-forum et de cette action en faveur de l’égalité, le projet a progressivement pris de l’ampleur et a donné lieu à « La semaine de l’égalité » au sein de laquelle d’autres actions ont pris place :
– Mise à disposition d’un « arbre de l’égalité » où chaque élève peut laisser sa feuille-message,
– Création d’affiches et plus largement de décorations,
– Quizz et photos mixtes,
– Ciné-débat,
– Expositions prêtées par des partenaires.
D’autres partenaires sont également intervenus (représentant-e-s du Programme de Réussite Educative, de l’Espace Santé Jeunes, éducateurs de rue, chargée de mission des droits des femmes de la collectivité, etc.)

Depuis que les séances de théâtre-forum sont proposées à toutes les classes, j’en assure l’animation tout au long de la semaine avec des membres de la Compagnie du Désastre (une association parisienne de théâtre amateur). J’ai réalisé un « déroulé » de séance qui sert de support aux différents temps : il présente les définitions essentielles (discrimination, préjugé, etc.), répertorie des exemples pour susciter la remise en question des a priori et contient également les amorces des scènes qu’il va falloir faire jouer aux élèves en fonction de leur niveau.

Le conseil général et la mairie de Gennevilliers, ainsi que des associations de quartier, ont également été partenaires du projet. Suite à des demandes de notre part, certains nous ont apporté des financements, d’autres du matériel.

Comment les jeunes ont-ils été impliqués dans le projet ?

Durant les séances, les élèves sont sollicités pour élaborer ensemble des définitions, ils débattent et confrontent leurs expériences et leurs représentations. Ils jouent également devant leur classe et sont invités à être des spectateurs actifs. Le côté interactif et participatif leur plaît beaucoup, et même si tous n’osent pas monter sur scène, ils prennent plaisir à regarder et à participer aux débats.

Dès la première édition, les élèves ont été demandeurs de nouvelles actions, c’est pour ça que le projet s’est développé et a associé des partenaires de la ville, du quartier et l’aide d’associations.

Les cours font écho aux ateliers de « la semaine de l’égalité », et les notions vues en théâtre-forum sont retravaillées à travers d’autres temps et d’autres animations de la semaine.

Que retenez-vous de ce projet ?

La première chose que je retiens de ce projet, c’est le plaisir que prennent les élèves à y participer malgré la sensibilité du sujet et le poids toujours prégnant des stéréotypes et de la détermination des rôles sociaux selon son genre. Quand des élèves ont demandé à renouveler le projet et à le développer ça a été la meilleure des récompenses !

Un autre point positif : nous avons eu des retours de parents représentants d’élèves qui ont dit que les élèves avaient parfois été choqués par certains propos de leurs copains/copines parce qu’ils n’avaient jamais eu l’occasion d’aborder le sujet ensemble. Nous savons qu’ils créent également le débat avec leurs parents.

Faire ce travail avec des jeunes, c’est travailler avec les citoyens de demain et semer des graines pour qu’ils développent leurs réflexions et leur libre-arbitre. De petites graines…

Quels conseils donneriez-vous aux personnes qui souhaitent monter un tel projet ?

Je crois qu’il faut cibler des problématiques locales pour que tout le monde y trouve du sens et adhère au projet. Ca permet également de trouver plus de ressources humaines et matérielles (auprès de la mairie, des partenaires locaux, des parents, des élèves…).

Je crois que le tissu associatif est aussi souvent moteur dans la menée de ce type d’atelier. L’idéal demeure de se former soi-même à la mise en œuvre de méthodes actives d’éducation comme le théâtre-forum et ainsi pouvoir les utiliser au quotidien selon les besoins.

Lydie Jehanno est conseillère principale d’éducation (CPE) au Collège Guy Mocquet de Gennevilliers (92). Elle mène des ateliers de théâtre-forum afin d’œuvrer pour l’égalité filles/garçons.

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