PRomotion des Initiatives Sociales en Milieux Educatifs

In Le Monde – le 27 février 2013 :

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Dans un chat sur Le Monde.fr, Christian Forestier, copilote de la concertation sur l’école organisée par Vincent Peillon, explique pourquoi il est favorable au raccourcissement des congés d’été et à la semaine de 4,5 jours.

Christian Forestier, inspecteur général de l’éducation nationale, ancien coprésident du comité de pilotage sur les rythmes scolaires mis en place en 2010 par Luc Chatel et actuel copilote de la concertation sur l’école organisée par Vincent explique pourquoi il est favorable au raccourcissement des congés d’été et à la semaine de 4,5 jours.

DonDiego : N’aurait-il pas été plus judicieux d’enclencher le raccourcissement général des vacances d’été pour l’ensemble du système scolaire avant d’imposer la semaine de 4,5  jours au premier degré ?

Christian Forestier : Je ne le pense pas même si les deux réformes sont effectivement liées. La première urgence était de remettre une semaine normale. Je rappelle que dans le monde seule la France a une semaine scolaire sur quatre jours uniquement. Il était donc urgent de revenir à la situation d’avant 2008.

Le retour à 4 jours et demi ne permet pas d’alléger suffisamment la journée scolaire. Si on veut conserver le même nombre d’heures de cours annuelles, on est obligé de faire des journées d’au moins 5 heures et demies de cours. Ce qui est beaucoup trop. D’où la nécessité de rajouter deux semaines de cours. Ce qui permettrait de revenir à un maximum de 5 heures de cours par jour.

paprika : Avec cette réforme, combien d’heures durera une journée type d’un élève de primaire ?

Il faut distinguer deux choses : le temps de présence à l’école et celui de l’apprentissage. Ce dernier ne devrait pas dépasser 5 heures. Mais tant qu’on ne touchera pas aux vacances, il va rester à 5 heures et demies.

Par contre, il faut assurer un accueil des élèves le plus large possible, d’une part pour que le maximum du travail demandé soit fait en milieu scolaire, et, d’autre part, pour diminuer le temps où l’enfant est seul, sans encadrement adulte. On est mieux à l’école que dans une cage d’escalier.

Franck : Toujours en cas de passage de huit à six semaines des vacances d’été, quelles seraient les organisations envisagées ? Allègement de la semaine scolaire ou augmentation du temps de services des enseignants et donc augmentation de la rémunération ?

Le premier objectif est l’allègement du nombre de cours par semaine tant dans le primaire qu’au collège et au lycée et ceci peut se faire sans augmenter le nombre d’heures de cours des enseignants. De plus, on peut même améliorer leurs conditions de travail s’ils ont des élèves moins fatigués.

Il n’en reste pas moins que, à charge constante, le problème de la rémunération des enseignants, notamment en début de carrière, est posé. Mais la conjoncture aujourd’hui n’est pas favorable.

Oups : La première urgence n’était-elle pas – a minima – de revoir les programmes en même temps que les rythmes scolaires ?

Le passage à 4,5 jours ne nous dispensera pas d’une réflexion sur des programmes jugés unanimement trop lourd.

Jeremy : Vous êtes un haut responsable dans l’éducation depuis 1992. S’il était si urgent de réformer les rythmes dans l’éducation, pourquoi ne l’avez-vous pas fait avant ?

Je ne suis pas responsable de la semaine de 4 jours et si j’avais été en situation je m’y serai opposé car c’est une ineptie.

Visiteur : Les semaines de cours sont trop chargées et les jours de vacances trop nombreux. Au lycée, les programmes – lourds – définis pour 36 semaines, sont dans la pratique à réaliser en 30 semaines, compte tenu des examens communs, des bacs blancs et de l’arrêt des cours début juin !

Il est évident qu’aujourd’hui le temps consacré à la passation du bac est trop important. Il faut alléger la procédure.  

Clément : Quelles solutions pour l’organisation des examens de fin d’année pourraient être mises en place compte tenu de la mise en place d’un zonage ?

Il faut rappeler que juste en 1999, les sujets du bac étaient académiques. Qui n’a pas travaillé sur les annales du bac ? On pourrait très bien retrouver des sujets académiques ou interacadémiques qui permettraient le passage de l’épreuve à une ou deux semaines d’écart entre zones. D’ailleurs aujourd’hui, le sujet dit "national" qui est un élément de fragilité du bac ne concerne que la France métropolitaine.

Oups : Dans quelle mesure le zonage de l’été tient-il compte de la réalité des familles séparées, recomposées… ?

Le fait que l’on zone uniquement les vacances d’hiver et de printemps introduit aujourd’hui des distorsions importantes au cours du deuxième trimestre qui peut être trop court ou trop long. La solution idéale serait soit de ne zoner aucune des vacances soit de les zoner toutes, sachant que pour l’ensemble de la société française, il y a deux périodes devant être sanctuarisées : celle qui va du 23 décembre au 3 janvier et celle qui va du 13 juillet au 16 août.

En dehors de cela, les vacances pourraient bouger pour se rapprocher le plus possible de ce qui est considéré comme le rythme le plus adapté aux élèves, soit des périodes de sept semaines d’enseignement suivies de deux semaines de vacances. On aurait ainsi quatre petites vacances de deux semaines (Toussaint, Noël, hiver et printemps) plus six semaines de grandes vacances.  Resteraient alors 38 semaines de cours réparties en cinq périodes. Dans la plupart des cas, les familles recomposées restent dans une zone géographique proche. Il n’y aurait que deux ou trois zones.

Champollion : Le zonage n’a aucun intérêt pour les élèves, mais pour le tourisme oui. Comment faire croire que l’intérêt des élèves et des familles est le premier intérêt ? Le problème se pose aussi pour les vacances de février et d’avril !

Le zonage n’a d’intérêt que pour le tourisme. Mais, en revanche, le zonage des seules petites vacances présente tous les inconvénients puisqu’il distord l’année scolaire, notamment au deuxième trimestre. Je rappelle par ailleurs que moins de 10 % des enfants partent aux sports d’hiver.

Alexis : Pourquoi laisser les municipalités décider de l’organisation de la semaine scolaire ? Est-ce que cela ne devrait pas être une prérogative de l’éducation nationale ? Ne fallait-il pas imposer le cadre plutôt que de le laisser aussi ouvert ?

Depuis Jules Ferry, les communes ont la responsabilité des écoles. En revanche, laisser l’initiative aux écoles seules peut conduire à des distorsions. La commune ou le groupement des communes paraît le bon niveau de cohérence. Ceci étant, si l’on veut avoir une approche globale, école-collège-lycée, il faudrait passer au niveau départemental puisque les départements ont la responsabilité des transports scolaires en zones non urbaines.

Visiteur : Que pensez-vous des municipalités qui allongent la pause méridienne à près de trois heures pour réaliser la réforme ?

Il ne faut pas tomber dans l’excès inverse. J’ai été frappé, lors de mes différentes concertations, sur le fait qu’on avait considérablement réduit dans beaucoup d’endroits, aussi bien à l’école qu’au collège, la pause méridienne. C’est pourquoi nous avions préconisé – en 2011 – qu’elle ne pouvait pas être inférieure à 2 heures.

Il faut rappeler qu’un petit tiers des enfants rentrent déjeuner chez eux à midi. Deux heures paraissent raisonnables, trois paraissent excessives.

Sébastien L.: Pas d’allègement des rythmes sans allègement des programmes… Sur quoi faire l’impasse au primaire ? L’histoire des arts ? L’anglais ? L’EPS ? L’éducation musicale ? Ou bien faire encore un peu plus l’impasse sur les fondamentaux que sont l’étude de la langue française et les mathématiques ? Est-il envisageable de "transférer" certaines disciplines (EPS, arts, musique…) aux municipalités dans le cadre des activités périscolaires ?

C’est une bonne question. Dans les pays où il n’y a école que le matin, l’après-midi est souvent réservée aux activités sportives et culturelles. Ce n’est pas le choix de la France. Mais on peut se dispenser d’opposer l’apprentissage de la langue maternelle et celui de l’histoire des arts. On peut aussi imaginer que dans un passage progressif de l ‘école au collège, comme à Paris, on trouve des enseignants spécialisés comme pour le sport ou pour les activités culturelles.

Heldren:  A Paris on trouve des enseignants spécialisés mais dans des petits villages ? Quelles structures, quels animateurs ? Quelle inégalité !

Christine: Comment les petites communes rurales pourront-elles offrir des activités de la qualité de celles qui pourront être proposées là où des structures existent déjà, où le personnel est déjà formé…? Ou devrons-nous nous contenter de proposer une "garderie" ?

Les inégalités existent depuis longtemps. Aujourd’hui l’investissement fait par les communes n’est pas homogène. Il dépend bien évidemment de la richesse des communes mais il dépend aussi des choix politiques faits par les municipalités. Le retour à 4 jours et demi ne créée pas plus d’inégalités qu’avant et le fond de compensation mis en place par le gouvernement – qui est une première – vise justement à réduire ces inégalités. Notre pays doit savoir s’il fait de l’école sa priorité. L’Etat montre l’exemple (création de 60000 emplois), tout le monde devrait suivre.

SOCRATE : Que pensez-vous du rôle éducatif du temps périscolaire (environ 20 heures semaine) ? Les enseignants ne devraient-ils pas participer de façon plus importante à ce temps éducatif ?

Je considère qu’il y a trois moments dans la journée en dehors du temps familial. Il y a le temps de l’apprentissage proprement dit qui doit se faire devant un maître formé pour cela. Il y a le temps du soutien, de l’accompagnement qui peut être confié soit à des enseignants formés, soit à des maîtres, adultes capables d’aider des élèves. Et puis, il y a le temps des activités périscolaires qui peuvent être confiées à d’autres personnels que les enseignants, mais il n’est pas interdit – bien au contraire! – d’associer des enseignants à ces activités. Quand j’étais petit élève, dans la banlieue de Clermont Ferrand, je retrouvais mes instituteurs le soir à l’amicale laïque pour faire du basket ou de la gymnastique.

actuel: Comment analysez-vous les résistances face aux réformes ? Corporatisme ou saturation devant une succession de réformes de droite puis de gauche?

Nous sommes quand même face à une profession en souffrance à laquelle on a manqué de considération les années passées. Leurs inquiétudes sont parfaitement légitimes. Cela étant, il n’y aura pas de refondation de l’école sans prise en compte des intérêts majeurs des enfants et sans une solidarité de la communauté des adultes, enseignants et parents. On peut même dire que la refondation de l’école est d’abord une affaire d’engagement et de mobilisation de tous plus que des réformes structurelles.

Instit en colère : Ce dont ont besoin les instit de ce pays c’est d’Etats généraux de l’école car il y a trop à dire. Nous avons été étouffés pendant cinq ans, nous avons besoin de reprendre la parole et vous ne nous la donnez pas. Pourquoi ?

Sur la partie rythmes scolaires, il y a eu deux concertations successives. La première a pratiquement duré une année complète. Et la seconde s’est étalée sur cinq mois. Donc, il est difficile aujourd’hui de dire qu’il n’y a pas eu de consultation. Sur les rythmes scolaires, j’affirme que sur les deux concertations il y avait un très large consensus, notamment sur les 4 jours et demi.

Je note d’ailleurs que lorsque j’ai rendu le premier rapport à Luc Chatel, en 2011, les collectivités territoriales de gauche ne se sont pas indignées. Aujourd’hui il y a malheureusement des positionnements qui semblent être d’origine politique.

Pierre M.:  Quand vous parlez de concertation, vous estimez que discuter avec les syndicats est suffisant. Pourquoi ne pas demander aux vrais enseignants ?

En démocratie il y a des partenaires sociaux légitimes. C’est dans l’éducation où les syndicats recueillent le maximum de voix. 

Visiteur : Donc grosso modo c’est une réforme pour avoir plus d’heures pour les enseignants par semaine, moins de vacances, et tout ça avec la même rémunération ? C’est donc le fameux travailler plus pour gagner moins?

Qui a dit qu’il y avait plus d’heures pour les enseignants ? Je vois un même nombre d’heures réparti différemment. Il s’agit d’ailleurs de revenir à la situation antérieure.

Je rappelle que les clignotants sont au rouge. Nous aurons cette année les résultats du PISA 2012. Ils iront certainement dans le même sens que les évaluations précédentes, c’est à dire une lente érosion des performances des petits Français. Nous allons commencer à voir les résultats de la semaine de 4 jours, nous les verrons d’ailleurs également en 2015, et je doute qu’ils soient positifs.

marc : Les enseignants ne sont-ils pas payés pour dix mois de travail étalés sur douze mois ?

Le salaire des enseignants est versé 12 mois sur 12. Seules les heures supplémentaires années (HSA) sont payées sur 10 mois.

sd : Est-ce qu’on peut vraiment s’attendre à une réduction des vacances d’été pour 2015 ?

La vision du ministre est cohérente. Il veut une réforme globale. Et il a raison. Ce qui nécessite une grande solidarité des adultes, enseignants et parents, pour le bien de l’enfant si l’on veut que notre école reparte d’un bon pied.

Maryline Baumard et François Béguin (chat modéré par)

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