PRomotion des Initiatives Sociales en Milieux Educatifs

Vincent Peillon a présenté sa « charte de la laïcité », qui sera affiché dans tous les établissements (lire La Croix du 27-08-2 013). Jacqueline Costa-Lascoux, sociologue, a été membre du Haut conseil à l’Intégration. En 2003, elle a participé à la commission Stasi, chargée de mener une réflexion sur la laïcité à l’école. Elle estime que cette charte constitue « un bon outil pédagogique ».

La Croix : En 2004, sur les recommandations de la commission Stasi dont vous faisiez partie, une loi interdisant les signes religieux à l’école a été votée. Cette loi est-elle insuffisante pour empêcher les entorses à la laïcité à l’école ?

J. C-L : Elle a été efficace concernant son objet, c’est-à-dire le port ostensible de signes religieux. Aujourd’hui, on constate une multiplication des atteintes à la laïcité, qui vont de la volonté de manger casher ou hallal à la cantine à la contestation des cours de biologie. J’appartiens à L’Agence de développement des relations interculturelles pour la citoyenneté (Adric), et à ce titre j’interviens dans des classes pour parler de laïcité et d’égalité entre les sexes. Au nom de leur religion, j’ai vu des élèves s’opposer à la théorie de l’évolution ou la lecture de Voltaire.

La Croix : Pourquoi, selon vous, observe-t-on une montée des revendications religieuses ?

J. C-L : C’est dû notamment à l’augmentation de la précarité dans beaucoup de quartiers. Il y a de plus en plus de familles monoparentales, avec des mères dépassées par l’éducation de leurs enfants. Pour ce qui concerne l’Islam, les Frères musulmans et les salafistes sont présents dans les quartiers. J’ai vu un imam intégriste faire du prosélytisme devant les portes d’un lycée de l’Essonne. Enfin, on observe une discrimination à l’égard des jeunes. Il s’opère alors un repli identitaire qui passe par le religieux.

La Croix : Cette charte vous semble-t-elle bénéfique ?

J. C-L : Ce n’est pas une norme juridique contraignante, mais c’est un engagement, un appel à faire vivre des valeurs communes. La démarche me semble très positive. Elle renforce l’idée d’une communauté éducative, qui implique les professeurs, mais aussi tous les personnels de l’école, ainsi que les parents. Je note également la récurrence du mot « respect ». C’est le respect qui permet la liberté d’expression de tous. Par ailleurs ce texte sera expliqué aux élèves. Il sera le support d’une pédagogie active tout au long de l’année.

La Croix : Sera-t-elle suffisante ?

J. C-L : Les établissements les plus touchés par les atteintes à la laïcité sont ceux où il y a peu de mixité sociale et religieuse. Cela va constituer la limite de la charte : pour que la laïcité soit respectée, il faut plus de mixité. Je connais par exemple un lycée de zone urbaine sensible (ZUS) où 82 % des élèves sont de culture musulmane. Il est hors de question de stigmatiser une communauté : il y a également des juifs ou des catholiques orthodoxes, mais ils vont généralement dans le privé et ne sont donc pas concernés par l’école de la République. Les enseignants sont souvent dans le désarroi. Il faut leur redonner espoir : quand on propose un débat respectueux de la parole des jeunes, la discussion est possible et on arrive à une définition de la laïcité compréhensible par tous.

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Categories: Laïcité

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