PRomotion des Initiatives Sociales en Milieux Educatifs

In les Cahiers Pédagogiques – Le livre du mois du n° 511, février 2014 :

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Pour l’auteur et les différents contributeurs du livre, l’autorité n’est pas innée, elle ne relève pas du charisme, elle s’élabore au jour le jour et reste, de façon permanente, « ?en construction? ». Une orientation générale qui va à contrecourant d’un certain esprit ambiant en quête d’une restauration de l’autorité d’hier pensée comme l’attribut quasi sacré de ceux qui la possèdent.

Si ce mode d’autorité, légitimé par un principe de transcendance, a pu fonctionner dans des sociétés patriarcales marquées par une organisation hiérarchique, « ?le mouvement d’émancipation critique de la modernité? » rappelé par Eirick Prairat le rend inopérant en ce qu’il « ?ne cesse de faire l’éloge de l’égalité? ». Une analyse partagée par François Dubet pour qui « ?la crise de l’autorité est la conséquence fatale de la modernité, qui rationalise et désenchante le monde? » et par Daniel Marcelli qui souligne, lui aussi, que « ?dans une société démocratique, fondée sur le principe d’égalité des individus, […] il n’est plus possible de conserver une définition de l’autorité qui s’appuie sur une hiérarchie implicite et inégalitaire? ».

Quels peuvent donc être alors les ressorts de l’autorité aujourd’hui ?

Pour Dubet, « ?dans une société démocratique, on obéit à une loi parce qu’on la pense juste? » et, ajoute-t-il, « ?il nous faut donc construire l’autorité et sa légitimité en la faisant découler de la justice scolaire et en l’inscrivant dans un art de vivre ensemble des sociétés démocratiques? ». Les nombreux témoignages et récits d’expériences de praticiens (souvent appuyés sur la pédagogie institutionnelle) lui donnent raison en montrant l’intérêt d’associer les élèves à l’élaboration collective des règles de fonctionnement et à leur contrôle.

Mais on pourra aussi mettre l’accent sur quelques traits saillants qui nous paraissent particulièrement pertinents, bien que peu inscrits dans les mentalités.

D’abord (et cela ressort à la fois dans les récits d’expériences et les propos de chercheurs), l’adulte qui a de l’autorité est, comme le rappelle Mireille Cifali, consistant, certes, mais « ?avec ses fragilités? ». Sa consistance s’appuie sur ses valeurs, ses convictions et son aptitude à assumer la dissymétrie des places dans la relation éducative. Mais elle n’est pas rigidité : elle reste vulnérable aux failles inhérentes à la condition humaine, aux erreurs toujours possibles et aux affects qui traversent toute relation. Ne pas l’accepter peut mener à confondre pouvoir et autorité.

Or l’autorité, nous dit Daniel Marcelli, loin d’être une manifestation de domination de l’autre, est un « non-acte? » de qui a su « ?renoncer à son pouvoir de contrainte ou de soumission par la force ou par la séduction? ». Et c’est parce qu’il n’a pas été contraint de se soumettre que le plus faible peut accepter d’obéir et reconnait l’autorité de celui qui respecte l’éventualité de sa désobéissance et de sa transgression. Penser l’autorité comme une attitude de retenue (de la force ou de la séduction) là où il est fréquent de la penser sur le mode unique de l’intervention, ouvre des perspectives tout à fait intéressantes.

Une des conditions de l’autorité réside bien dans « ?l’engagement personnel, l’autorisation d’être partie prenante d’une relation, avec et parfois au-delà de notre statut? » (M. Cifali). Un engagement qui ne va pas sans risque : celui de toute relation qui cherche à être authentique. Si les jeunes ont besoin d’un cadre sécurisant et contenant pour se construire, ce cadre n’est agissant qu’au travers des adultes qui l’investissent.

Une autre piste est particulièrement féconde : le « ?collectif? ». On ne fait pas autorité tout seul. Les dynamiques collectives d’établissement facilitent l’exercice de l’autorité de chacun, mais travaille-t-on suffisamment sur leur mise en œuvre ?

Tout est bon à prendre dans cet ouvrage précieux, tant du côté des références théoriques que des récits d’expériences et des principes d’action. Les voix croisées de chercheurs et d’acteurs diversement situés dans le champ éducatif (enseignants, chefs d’établissement, formateurs, conseillers principaux d’éducation, parents), loin de diluer le propos, lui donnent au contraire consistance et crédibilité.

Formulons le souhait que sa lecture en soit largement conseillée dans les ESPÉ et dans les établissements scolaires, qu’elle contribue à modifier les discours simplistes et réducteurs sur l’autorité et la tenue de classe et qu’au-delà de « ?trucs pour agir? », elle fournisse aux éducateurs des outils pour penser. Car on aura compris que pratiquer une autorité qui se veut éducative consiste moins à tenir une classe ou assujettir des élèves qu’à trouver collectivement les voies d’une relation et d’une organisation qui les aident à se mettre en mouvement pour apprendre et grandir.

Nicole Priou

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Categories: 4.2 Société

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