PRomotion des Initiatives Sociales en Milieux Educatifs

In Libération – le 15 avril 2014 :

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INTERVIEW

Bernard Toulemonde, inspecteur général honoraire de l’Education nationale, explique les liens entre école privée, Eglise et Etat.

Bernard Toulemonde, inspecteur général honoraire de l’Education nationale, explique à Libération en quoi ce qui se passe à Gerson illustre la pression religieuse au sein de l’enseignement catholique, mais aussi pourquoi ce type d’événements devraient rester minoritaires.

En quoi cette affaire est-elle révélatrice ?

On assiste à une reprise en main de l’enseignement catholique dans le sens d’une recatholicisation, qui s’inscrit dans le cadre de la «nouvelle évangélisation» prônée par le pape Jean Paul II. Cela s’est traduit par le nouveau statut de l’enseignement catholique promulgué l’an dernier. Désormais l’organisme qui gère les établissements au niveau du diocèse est présidé par l’évêque en personne. Ou encore : le directeur diocésain est devenu un «délégué épiscopal». Des petits signes très symboliques qui montrent bien la pression religieuse et la volonté de redonner un «caractère propre» à ces écoles.

Dans quelle mesure les intégristes se sont-ils engouffrés dans la brèche ?

C’est très minoritaire. Des mouvements intégristes ainsi qu’une minorité d’évêques – le plus connu étant celui d’Avignon – estiment que l’enseignement catholique ne transmet pas assez le message de l’Eglise. Ils préconisent une rupture des contrats d’association signés avec l’Etat qui, selon eux, entravent ces établissements, et défendent des écoles hors contrat. Il s’agit d’une minorité agissante que l’on retrouve notamment autour de la Fondation pour l’école, qui milite pour une instruction «libre» et hors contrat.

Mais cela devrait rester marginal. Gerson, dans le XVIe arrondissement de Paris, accueille une population favorisée. Or les écoles catholiques sous contrat sont extrêmement diverses. Elles scolarisent par exemple des élèves musulmans dans les quartiers Nord de Marseille. Les familles se tournent en outre souvent vers le privé pour des questions autres que religieuses, notamment pour échapper au public où elle reviendront ensuite.

Ce qui s’est passé à Gerson n’est-il pas contradictoire avec le fait que l’établissement soit sous contrat ?

La loi Debré établit une distinction entre l’enseignement et la vie scolaire. Ce qui est sous contrat avec l’Etat, ce sont les classes et les enseignements qui sont pris en charge par l’Etat [qui paie alors les salaires des profs, ndlr] et par les collectivités locales. Les établissements doivent alors respecter intégralement les programmes de l’enseignement public, y compris par exemple sur la sexualité, selon un récent arrêt du Conseil d’Etat. La vie scolaire, avec les activités religieuses, est, elle, sous la responsabilité du chef d’établissement.

Mais au nom du service public, l’établissement sous contrat a deux obligations : accueillir tous les enfants sans distinction d’origine et de croyance, et respecter la liberté de conscience des élèves. Soumis à une certaine neutralité, il ne peut devenir un lieu de propagande religieuse ou philosophique. Les activités religieuses doivent être facultatives et, lors des réunions, tous les points de vue doivent pouvoir s’exprimer. Pas plus que dans le public, on ne doit endoctriner les élèves.

Véronique SOULÉ

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