PRomotion des Initiatives Sociales en Milieux Educatifs

In Vie Publique.fr – le 1er juillet 2013 :

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Sommaire

La politique de l’éducation prioritaire est une réponse aux difficultés sociales et scolaires concentrées dans certains établissements. En 2009, elle s’appliquait à environ 21 % des collégiens. Mise en place il y a 30 ans, elle a donné lieu à des dispositifs successifs, dont la mesure emblématique est la création des zones d’éducation prioritaire (ZEP). L’accumulation de mesures est parfois sévèrement critiquée d’autant que l’échec scolaire qu’elle voulait circonscrire, demeure trop important en France, selon le rapport 2012 du Haut Conseil de l’éducation.

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Mise en place et relance de la politique d’éducation prioritaire

Avec la montée du chômage des non qualifiés et les besoins croissants en main-d’œuvre diplômée, les pouvoirs publics décident de rompre avec l’égalité de traitement de tous les publics.

Mise en place dans l’urgence en 1981, la politique de l’éducation prioritaire va s’inscrire durablement dans le paysage. Elle se fixe comme objectif, selon les termes de la première circulaire qui la fonde, en juillet 1981, de contribuer à corriger l’inégalité sociale par le renforcement sélectif de l’action éducative dans les zones et les milieux sociaux où le taux d’échec scolaire est le plus élevé et, pour cela, de subordonner l’augmentation des moyens à leur rendement escompté en termes de démocratisation de la formation scolaire. Elle crée les zones prioritaires (ZP), devenues par la suite, zones d’éducation prioritaires (ZEP). A la rentrée 1982, les 363 ZP créées scolarisent 10,2% des collégiens. Cette politique connaît une première relance avec la circulaire du 1er février 1990, signée par Lionel Jospin, alors ministre de l’Éducation nationale. Cette circulaire crée la fonction de coordonnateur de ZEP et inscrit la politique d’éducation prioritaire dans la politique de la ville. En même temps est mise en place une indemnité de sujétion spéciale pour les personnels affectés dans les ZEP (décret du 11 septembre 1991). En 1999, à la suite de la remise du rapport Moisan-Simon sur les déterminants de la réussite scolaire, l’éducation prioritaire est relancée : la carte des ZEP est revue et les réseaux d’éducation prioritaire (REP), constitués d’écoles et de collèges, sont créés. Ils mettent l’accent sur les établissements et non plus sur le territoire et s’appuient sur le "contrat de réussite" mis en place à partir d’un diagnostic identifiant les causes de réussite et d’échec. D’une durée variable selon les académies (un à quatre ans), il comporte des objectifs précis et des engagements mutuels pour la réussite des élèves. Plus de 700 établissements sortent de la carte des ZEP, notamment les établissements ruraux, mais 1 559 écoles, collèges ou lycées y entrent.

Avec la circulaire du 30 mars 2006, l’objectif de réussite scolaire se concrétise dans le cadre du socle commun de connaissances et de compétences. De nouveaux réseaux sont constitués en remplacement des REP : les réseaux ambition réussite (RAR) et les réseaux de réussite scolaire (RRS). Chaque collège devient l’unité de référence du réseau qu’il crée avec les écoles élémentaires et maternelles dont sont issus ses élèves. Les RAR bénéficient d’une priorité dans l’affectation de moyens (enseignants, assistants pédagogiques, principal adjoint, infirmiers) car ils accueillent les publics les plus en difficulté. Un accompagnement pédagogique est prévu : deux heures hebdomadaires de travail personnalisé en classe de sixième, des programmes personnalisés de réussite éducative destinés aux élèves en difficulté, des stages de remise à niveau à l’entrée au collège pour les élèves aux acquis les plus fragiles. En fin de cinquième, un point d’étape des acquis des élèves en français et mathématiques est expérimenté en 2012. En 2009, sont créés les internats d’excellence destinés à promouvoir l’égalité des chances pour les élèves et les étudiants d’origine modeste, issus des quartiers de la politique de la ville et de l’éducation prioritaire. Ces internats prévus par le programme Plan espoir banlieues de 2008 sont finalement créés dans le cadre des arbitrages sur le grand emprunt et les investissements d’avenir.

La circulaire de juillet 2010 institue le programme Clair (collèges et Lycées pour l’Ambition, l’Innovation et la Réussite) qui renforce les moyens attribuée à moins d’établissements. Le programme n’est plus axé sur les difficultés scolaires. Le terme "échec scolaire" n’apparaît pas dans le texte. En revanche, sont pointés le climat scolaire et la violence. A l’issue des états généraux sur la sécurité à l’école, Luc Chatel, ministre de l’Éducation nationale, crée les établissements de réinsertion éducative (ERS) qui s’adressent à des élèves de 13 à 16 ans ayant fait l’objet d’au moins une expulsion définitive, et proposent une scolarité aménagée avec un hébergement en internat, pour un an minimum. Depuis la rentrée 2011, le programme Écoles, collèges, lycées pour l’ambition, l’innovation et la réussite (Éclair), qui s’est substitué au RAR, est devenu le centre des politiques de l’éducation nationale en faveur de l’égalité des chances.

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Des résultats peu satisfaisants, de nouvelles pistes explorées

Les politiques d’éducation prioritaire ont contribué à contenir les inégalités scolaires mais leur efficacité est remise en question de plus en plus fortement.

La réalité de l’échec scolaire reste patente, comme le soulignent plusieurs rapports dont ceux du Haut conseil de l’éducation (2010 et 2012). 15 % des élèves ont des acquis insuffisants et 25 % ont des acquis fragiles, tant en fin d’école primaire qu’en fin de collège. En 2009, seuls 50,6 % des collégiens scolarisés dans un des 254 réseaux ambition réussite maîtrisaient les compétences en français, contre 81,1 % dans les autres collèges publics. Une note d’information du ministère de l’Éducation, datée de mai 2013, établit que depuis 2007, on constate une baisse des compétences pendant la scolarité au collège. Le taux de retard à l’entrée en sixième est de 20 % en Éclair et de 17% en RRS, contre 11 % hors éducation prioritaire. Toutefois, l’éducation prioritaire ne concentre qu’une minorité des élèves en retard : 9 % des élèves de sixième en retard sont scolarisés en Éclair et 19% en RRS. L’insuffisance de pilotage de cette politique, le saupoudrage de mesures et l’insuffisante évaluation sont régulièrement pointées.

La politique d’éducation prioritaire devait être, à l’origine, dérogatoire et provisoire. Mais les 363 zones prioritaires de 1981 sont devenues quelques 1000 réseaux sans compter les réseaux ambitions réussite (RAR), au risque de faire perdre son sens à un dispositif lorsqu’il est appliqué à un trop grand nombre d’établissements. D’ailleurs, la définition de l’éducation prioritaire a varié dans le temps et dans l’approche, comme le rappelle le rapport de 2011 établi par Olivier Nau au nom du Conseil économique, social et environnemental (CESE). Elle est tantôt axée sur les territoires marqués par des inégalités économiques, sociales et culturelles, tantôt centrée exclusivement sur les établissements scolaires, et plus récemment sur les individus avec des dispositifs consistant à exfiltrer les meilleurs élèves (internats d’excellence, cordées de la réussite, assouplissement de la carte scolaire).

Les mesures prises manquent souvent de lisibilité. D’après un rapport du Sénat de 2008 sur la lutte contre la pauvreté et l’exclusion, les zonages ont été empilés sans cohérence (zones d’éducation prioritaires, zones sensibles, zones violences) et les critères de classement en ZEP ont été très hétérogènes dans les académies. Manque de pilotage, politique sous-administrée, c’est ce que relève le rapport 2006 des inspections générales de l’Éducation nationale sur la contribution de l’éducation prioritaire à l’égalité des chances des élèves. L’éducation prioritaire n’est que peu visible dans les différents organigrammes administratifs, ministériels, académiques ou départementaux. Enfin, les destinataires des aides ne sont pas toujours ceux qui en ont le plus besoin.

Quant au surcoût de l’éducation prioritaire, il est difficile à déterminer en raison de la forte déconcentration de la gestion du dispositif et de l’absence de suivi spécifique de cette politique. La masse des dépenses supplémentaires engagées dans les établissements prioritaires est loin d’être négligeable mais elle est principalement composée de primes accordées aux enseignants. Les moyens affectés directement aux élèves se réduisent à quelques heures d’enseignement supplémentaires. Le nombre d’élèves par classe n’a été que faiblement réduit.

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De nouvelles pistes à explorer

Le Comité interministériel des villes, réuni en février 2013, a engagé une réflexion sur le devenir de l’éducation prioritaire. Alors que la concertation sur la refondation de l’école s’est conclue sur l’idée qu’il fallait en finir avec le zonage, le Comité interministériel revient sur l’idée de territoires. La géographie prioritaire de la politique de la ville est en phase de redéfinition. Fondée sur des critères objectifs, tenant à la concentration géographique d’habitants en situation de pauvreté, cette géographie renouvelée sera concentrée et mise en oeuvre en 2014 lors de la signature des prochains contrats de ville. Les contours de l’éducation prioritaire seront eux définis au terme au terme d’une évaluation prévue par le Comité interministériel de modernisation de l’action publique en décembre 2012, et portant sur le zonage, sur l’allocation des moyens humains et pédagogiques au service des jeunes les plus en difficultés (Vincent Peillon). En effet, pourtant souhaitée dès le début de la mise en place de l’éducation prioritaire, l’évaluation de l’impact des dispositifs n’a été que partielle. En outre, le système d’allocations de moyens doit être revu afin de donner plus à ceux qui en ont véritablement besoin et de favoriser la mixité sociale et scolaire. Cela passe par le rétablissement de la sectorisation du recrutement des élèves et en affectant dans les territoires en difficulté des enseignants expérimentés et si possible, volontaires.

Parallèlement, le projet de refondation de l’école en 2013 maintient l’objectif que tous les collégiens parviennent à maîtriser un socle commun de compétences repensé. À ce titre, le dispositif d’initiation aux métiers en alternance pour les jeunes âgés de moins de 15 ans (DIMA) est suspendu. Des approches pédagogiques diversifiées sont encouragées, à condition que celles-ci ne masquent pas une présélection ou une pré-orientation des élèves qui les détournerait de l’objectif de maîtrise du socle commun. Dans ce cadre, les programmes insuffisamment articulés avec le socle commun doivent être réécrits, et le socle commun doit être repensé dans sa conception et ses composantes. L’éducation artistique et culturelle doit participer pleinement de la lutte contre les inégalités sociales, culturelles et territoriales. Un parcours d’éducation artistique et culturelle pour chaque élève doit être mis en place, tout au long de la scolarité, de l’école primaire au lycée. Pour garantir la cohérence d’un tel parcours, notamment entre l’école et le collège, les approches pédagogiques doivent être diversifiées, en recourant davantage à la démarche de projet et aux partenariats. Une circulaire précisera le contenu et les modalités d’organisation de ce parcours. Plus récemment, annoncé par le président de la République, un parcours d’information, d’orientation et de découverte du monde économique et professionnel a été évoqué. Ont été aussi annoncées la création d’un référent décrochage scolaire et la réforme du processus d’orientation scolaire.

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