PRomotion des Initiatives Sociales en Milieux Educatifs

Les contrats de ville et les projets éducatifs territoriaux, pour la plupart en cours d’élaboration dans les territoires, se révéleraient opportuns autant pour les élus locaux que pour le gouvernement, pour permettre d’offrir un accompagnement individualisé aux personnes susceptibles de basculer dans la radicalité religieuse. C’est ce qui ressortait de la rencontre organisée par Najat Vallaud-Belkacem, jeudi 15 janvier, à laquelle toutes les associations d’élus ont répondu présentes. Patrick Kanner et Myriam El Khomri participaient également à la réunion.

« Nous sommes les fantassins de la République », a rappelé François Baroin, président de l’Association des maires de France, à la sortie de la réunion organisée par Najat Vallaud-Belkacem, dans son ministère, jeudi 15 janvier, avec l’ensemble des associations d’élus. Elles étaient toutes là : AMF, Association des régions de France, Assemblée des départements de France, Association des maires ruraux de France, Association des maires Ville & Banlieue de France, Association Villes de France (ex-Fédération des villes moyennes), Association des petites villes de France, Association des maires de grandes villes de France, Assemblée des communautés de France, Réseau français des villes éducatrices.
Tous leurs représentants se retrouvaient, unanimes, dans cette expression « fantassins de la République ». Et unanimes également autour des mots d’ordre de « fermeté », « intransigeance », « autorité de l’Etat » mais aussi « autorité des enseignants », « valeurs de la République », « vivre ensemble » et « laïcité ». Mais personne ne veut s’arrêter là et tous parlent de traduire ces incantations dans des mesures très concrètes.

Mise en œuvre des grands principes dans les services publics locaux

L’AMF est en train de constituer un groupe de travail « laïcité » qui rendra ses propositions « dans deux à trois mois ». L’AdCF fera également des propositions « dans les semaines qui viennent ». Villes de France lance une enquête auprès de ses adhérents… « Chaque collectivité a un rôle, aux côtés de l’Education nationale, pour accompagner la formation de notre jeunesse », insiste François Baroin, considérant qu’il y a « un immense travail de reconquête vers la connaissance, le maniement et l’application » de la laïcité et des valeurs républicaines.
L’AMF a d’ailleurs fait savoir, par voie de communiqué, qu’elle avait demandé à l’Etat « d’engager avec les élus une réflexion permettant de fixer un cadre commun et concret facilitant, au plan local et en articulation avec l’Etat, la mise en œuvre de ces principes dans les services publics locaux (restauration scolaire, sorties scolaires, tenues, autorisations d’absences, activités périscolaires, …) ».

Des politiques transversales

Une solution semble faire l’unanimité chez les élus locaux : l’accompagnement individualisé des jeunes (ou moins jeunes d’ailleurs) susceptibles d’être tentés par la radicalité pouvant amener à des actions terroristes, mais aussi plus largement à la rupture des valeurs qui fondent la République à la française.
« Le service public doit pouvoir offrir un accompagnement personnalisé, individualisé », a ainsi défendu Stéphane Troussel. Pour le président du conseil général de Seine-Saint-Denis, représentant jeudi matin de l’ADF, il faut apporter « une réponse globale » qui ne peut pas venir de « l’école seule » : les collectivités doivent être associées, ainsi que le monde associatif et notamment le réseau de l’éducation populaire.
« Des politiques très transversales », qui allient politiques éducatives, culturelles, sociales, sanitaires, sécuritaires, économiques… c’est aussi ce que souhaite Damien Carême, maire de Grande-Synthe, président de l’association Ville & Banlieue.
En fait, c’est ce que souhaite tout le monde, mais cela coûte cher. Et les élus se prennent à rêver que l’Etat désormais pourrait y mettre davantage de moyens. Par exemple au travers de deux dispositifs où collectivités et Etat sont partenaires : les contrats de ville et les projets éducatifs territoriaux (PEDT).

Un nouveau pilier « laïcité » dans les contrats de ville ?

Plusieurs élus ont rapporté que Myriam El Khomri, secrétaire d’Etat à la Ville, leur avait annoncé que les contrats de ville prendraient une autre orientation, après les attentats jihadistes des 7 au 9 janvier. Pour Frédéric Leturque aussi, maire d’Arras, représentant de l’association Villes de France, « le contrat de ville est un travail collectif qui est engagé et sera inévitablement requestionné par rapport aux évènements ».
Catherine Vautrin, députée, présidente de Reims Métropole, vice-présidente de l’Assemblée nationale, représentante de l’AMGVF à la réunion, propose que les futurs contrats de ville s’appuient sur un quatrième pilier qui pourrait s’intituler « citoyenneté et laïcité ».
Mais pour le sénateur Claude Raynal, vice-président du Grand Toulouse, et représentant de l’AdCF, le contrat de ville ne suffira pas dans la mesure où il s’appliquera uniquement dans les quartiers prioritaires. Lesquels quartiers qui, pour des raisons de contrainte budgétaire, explique-t-il, ont été « très très ciblés ». « Or si l’on veut travailler sur l’accompagnement individualisé, il faut que toutes les communes et toutes les intercommunalités puissent le faire ».

La question de la laïcité « évidemment » au cœur des PEDT

Les PEDT, eux, concernent quasiment toutes les communes de France (en tous les cas les 23.000 qui ont une école). Pour Claude Raynal, comme pour Stéphane Troussel, ou encore Pierre-Alain Roiron, maire de Langeais, vice-président de l’APVF, il est « évident » que la question de la laïcité va revenir au cœur de ce dispositif.
L’AMF de son côté « appelle les maires à inscrire dans les axes des PEDT l’acquisition des valeurs républicaines, qui reposent sur des droits et des devoirs, et à exercer toute leur vigilance pour que les intervenants auprès des enfants et des jeunes connaissent la portée de ces principes, s’engagent à les transmettre et les appliquent fermement ». Elle « alerte » également les communes et leurs groupements « sur leurs pratiques de subventionnement des associations, notamment de soutien scolaire, afin de s’assurer qu’elles ne vont pas à l’encontre des valeurs républicaines ».

Un « PEDT d’urgence » à Brest

Marc Sawicki, adjoint au maire de Brest et président du Réseau français des villes éducatrices, a déjà engagé un « PEDT d’urgence » sur son territoire. Un PEDT existe déjà. L’idée est aujourd’hui d’en réunir les partenaires pour « s’interroger collectivement » sur « comment on parle aux enfants de ce qui vient de se produire » et « comment on parle aux enfants de la laïcité ».
Il s’agit aussi de voir par quelles actions concrètes cette réflexion doit se traduire. Il a déjà quelques idées : la charte de la laïcité affichée dans toutes les écoles et « incompréhensible pour les enfants et pour la plupart des parents » pourrait être complétée par la traduction tout en pédagogie réalisée par la Ligue de l’enseignement. Et ne pas s’arrêter là « bien sûr » mais « créer du débat autour, faire entrer des philosophes dans la classe… et dans les temps d’activités périscolaires ». Il l’assure, pour avoir testé la formule, « les enfants, y compris les tout-petits de maternelle, adorent la philosophie ! ».
Autre préalable pour le président du Réseau français des villes éducatrices : faire entrer les parents dans l’école. Même quand des parents sont voilés ? Le tout est que « l’enfant n’identifie pas la personne voilée comme une personne relevant de l’institution », répond Damien Berthilier, adjoint au maire de Villeurbanne et vice-président du Réseau français des villes éducatrices.

Et les internats de réussite ?

Contrats de ville et PEDT n’échapperont donc pas à une réorientation. Mais pas partout de la même manière. Frédéric Leturque, maire d’Arras, président de la commission Universités et carte territoriale à l’association Villes de France, insiste pour « que l’ensemble des actions se placent efficacement par rapport à la réalité de terrain ». Il milite pour que ces deux dispositifs soient suffisamment souples pour « s’adapter aux réalités des territoires – ruraux, urbains, métropolitains ».
D’autres dispositifs ont été cités. L’AMGVF engage ainsi une réflexion sur les internats de la réussite. Catherine Vautrin, députée, présidente de Reims Métropole, les verrait à destination non pas des élèves les plus méritants, ni de ceux qui relèvent de l’aide sociale à l’enfance. Mais des enfants dont l’environnement n’est pas propice à un bon accompagnement scolaire, soit parce qu’ils vivent dans le rural isolé, soit qu’ils vivent, par exemple, au sein d’une famille monoparentale dont l’urgence est concentrée sur la survie matérielle de la famille.
Henriette Zoughebi, vice-présidente du conseil régional d’Ile-de-France qui représentait l’ARF, a quant à elle évoqué les mesures en faveur de la lutte contre le décrochage scolaire et estimerait légitime que la collectivité locale ait son mot à dire sur les programmes, par exemple les programmes d’histoire…

Pas de mise sous tutelle de l’Etat

A signaler qu’aucun élu local, au sortir de la réunion avec Najat Vallaud-Belkacem, n’a relayé la demande de l’UMP au ministre de l’Intérieur faite le même jour d’être « tenus informés en temps réel de la présence d’éléments sensibles et plus particulièrement de la mouvance djihadiste sur le périmètre de leur commune ».
Rien non plus évoquant une « mise sous tutelle d’un certain nombre de zones par la gestion directe de l’Etat », évoquée par Malek Boutih, député PS de l’Essonne. « Surtout pas », répond Damien Carême. Car selon le président de l’association Ville & Banlieue, « les élus savent faire », comme ils l’auraient démontré lors des émeutes de 2005 durant lesquelles ils auraient réussi à « éviter que le phénomène ne s’amplifie ». Selon lui, l’Etat doit se contenter d’aider les élus locaux, et d’abord en partageant les politiques de droit commun pour qu’elles bénéficient davantage aux quartiers.
Une position en accord avec ce que le gouvernement prône aujourd’hui (et depuis la naissance de la politique de la ville, d’ailleurs, sans que cela soit véritablement appliqué). A ceci près que Damien Carême appelle plus largement à un nouveau modèle de société, écoeuré du modèle actuel qui valorise et développe « l’individualisme ».

Valérie LIQUET

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