PRomotion des Initiatives Sociales en Milieux Educatifs

In Huffingtonpost.fr – le 12 mars 2014 :

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Cris, pleurs, menaces, bouderies, cahiers qui volent à travers la pièce, privations, punitions, et parfois paires de claques…

Combien de soirées gâchées par les disputes autour de ces fameux devoirs, combien de scènes de ménage entre les parents en découlent quelques fois, combien d’accès de colère, d’angoisse et de culpabilité sont générés par ce rituel du soir dans les familles françaises ?

C’est un fait de société que les devoirs – très innocemment donnés par des enseignants qui souhaitent que les élèves gagnent en compétences et en confiance en soi, en s’appropriant les sujets abordés dans la journée – tournent hélas trop souvent au conflit dévastateur entre les parents et les enfants.

D’autant plus que les enseignants, pour beaucoup et voulant bien faire, ont le réflexe malheureux de s’adresser aux parents lorsqu’un élève ne fait pas ses devoirs, méconnaissant sans doute les dégâts relationnels qu’ils provoquent.

Or, comment peut-on imaginer qu’un enfant ou un adolescent construise la confiance en soi nécessaire pour prendre plaisir à ses apprentissages, lorsque les personnes qui comptent le plus au monde à ses yeux le regardent tous les soirs d’un air inquiet, furieux, consterné ?

C’est une évidence qu’on oublie trop souvent : la confiance en soi, socle du plaisir dans les apprentissages, est le résultat d’interactions valorisantes.
L’enfant cherche dans le regard et dans l’attitude de ses proches, et avant tout de ses parents, cette conviction qu’il est capable de réussir, et que s’il échoue il est capable d’en assumer les conséquences.
Cette conviction qu’il a en lui toutes les ressources nécessaires pour réussir ses apprentissages, du moins ceux qui ont du sens pour lui.

Or l’inquiétude parentale se matérialise trop souvent, dans les devoirs du soir, par une prise en charge déresponsabilisante et dévalorisante pour l’enfant, qui forme comme un écran de fumée entre lui et le monde, l’enfermant dans une bulle protectrice mais étouffante. Envahissant le territoire scolaire, qui devrait rester celui de leur enfant, combien de parents ne prennent-ils pas en main, pour le pire, la réalisation de cette corvée quotidienne, avec l’idée que leur enfant sombrera dans l’échec s’il ne revient pas à l’école avec ses devoirs bien faits ?

Nos entretiens avec les enfants nous montrent en outre que ceux dont les parents s’intéressent de trop près aux devoirs, ont tendance à moins se concentrer en classe. Pourquoi écouter attentivement le cours, lorsque je sais que maman va ce soir tout reprendre avec moi ?

Quant aux ados, anxieux de prouver leur autonomie, ils ne peuvent que se rebiffer lorsque jour après jour les parents leur répètent, implicitement, "tu n’es pas capable de t’en sortir si je ne te contrôle pas". Ne nous étonnons pas s’ils adoptent inévitablement les comportements qui nous font le plus peur…

Alors, ces fameux devoirs du soir, que faut-il en faire ?
Les laisser à la responsabilité des élèves, nous semblerait une bonne idée. Qu’on soit parent, ou enseignant.

Du côté des parents, cela impliquerait de laisser son enfant les gérer entièrement, sans lui demander s’il en a, s’il les a faits, s’il les a bien faits… tout en restant disponible si de lui-même il nous demande de l’aide, car il ne s’agit bien sûr pas de l’abandonner. Ce qui lui permettra d’assumer tout seul les conséquences de son éventuelle négligence – expérience responsabilisante, s’il en est.

Du côté des enseignants, cela pourrait impliquer de permettre aux élèves d’évaluer d’eux-mêmes ce qu’ils ont à réviser le soir, ce sur quoi ils doivent s’améliorer, ce qui les intéresse le plus… sans concessions pour autant sur les résultats. Certains pédagogues le font, avec succès.

Pour qu’enfin les soirées en famille ne soient plus le théâtre de drames néfastes, mais un moment d’échanges affectueux, stimulant et ressourçant, après une dure journée de travail pour tous.

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