PRomotion des Initiatives Sociales en Milieux Educatifs

Nous, chercheurs, enseignants dans le champ de l’animation socioculturelle, nous prenons la parole pour dire que l’absence des acteurs de l’animation socioculturelle dans les débats sur la réforme des rythmes scolaires ne doit pas être assimilée à une absence de réflexions des acteurs du champ. La circulaire du 20 mars (circulaire n°2013-036 du 20 mars 2013) ne nous satisfait pas.

L’occasion de la réforme des rythmes scolaires fait apparaître en creux une certaine façon de concevoir le champ des acteurs de l’animation socioculturelle. Les animateurs et animatrices semblent devoir suivre les évolutions prévues et sans avoir voix au chapitre. Le champ de l’animation socioculturelle apparaît comme une variable d’ajustement permettant de répondre aux besoins de l’école, des parents et des communes. La parole de notre champ professionnel n’est ni entendue, ni même écoutée. Pourtant des travaux de recherche existent, des praticiens travaillent quotidiennement pour rendre ces temps d’animation pertinents au regard de la personnalité de chaque enfant.
Nous souhaitons être entendus, nous souhaitons que les acteurs de l’animation socioculturelle (chercheurs, acteurs, formateurs…) soient associés au débat actuellement en cours. Plusieurs raisons abordées ci-dessous expliquent notre engagement.

Le temps périscolaire n’est pas du temps scolaire

Le curseur qui permet de désigner ce qui relève du temps scolaire de ce qui l’entoure est un véritable enjeu. S’il s’agit d’occuper les enfants avec diverses activités quasi-scolaires réalisées dans des lieux scolaires, alors nous allongerons le temps de l’enfant dans la logique scolaire et, uniquement, collective. S’agit-il de faire de l’école mais autrement ? La question du rôle de ces activités doit être envisagée à partir d’un débat plus complet portant sur la formation à ces activités et sur la pédagogie mise en place durant ces temps. Les simples questions d’organisation du temps de travail des animateurs-animatrices, des taux d’encadrement(s) et d’un temps de présence à l’école pour les enfants sont bien trop restrictives.
Si l’intégration d’activités culturelles dans le cursus scolaire est une bonne chose, la possibilité pour les enfants de sortir de la logique scolaire, hors du temps de l’école, est un enjeu social important. Les enfants doivent avoir la possibilité de ne rien faire, de jouer dans la rue ou de fréquenter une autre structure. Il faudrait alors une réflexion sur notre conception du territoire et sa façon d’accueillir les enfants en son sein.
L’animation socioculturelle n’a ni pour objet de faire à la place de l’école, ni de faire ce que l’école ne veut pas faire. Elle a pour vocation de permettre à chaque enfant d’être auteur de son temps, de lui donner les outils pour être acteur de sa cité, ou de sa commune, et de développer son individualité et sa personnalité.
La question du « décrochage scolaire » ne se posera pas dans les mêmes termes s’il existe autour de l’école des dispositifs « raccrocheurs sociaux ».

Les animateurs ne font pas de la garderie

Si l’animation socioculturelle n’est pas un suppléant de l’école, elle n’est pas non plus un mode de garde pour les parents. Nous pensons que les animateurs et animatrices proposent des activités aux enfants parce que celles-ci sont l’occasion de construire les citoyen.ne.s ou d’ouvrir les enfants à des réalités qui en feront des citoyen.e.s du monde. Nous pensons que les pratiques d’animation ont un effet en lien avec un projet de société partagé, que l’animation socioculturelle est un vrai métier qui n’est ni sous la domination de l’école, ni au service exclusif des parents, ni un service public obligatoire comme les autres.

Peut-on refonder l’école sans refonder ce qui l’entoure immédiatement ? Nous pensons que la question de la formation des animateurs-animatrices est une clé essentielle. L’ampleur de la réforme des rythmes scolaires entraine un problème d’organisation de la formation des professionnels sous différents aspects. Quels sont les modèles de formation possibles pour engager l’évolution des compétences des animateurs-animatrices ? Quels types d’activités devront-ils/elles réaliser ? Quels seront les modèles de direction (des animateurs-animatrices) et les compétences nécessaires pour les diriger ? Les animateurs-animatrices du périscolaire doivent-ils rester des personnes faiblement formées, précaires et aux conditions de travail et d’emploi problématiques ? Et ceci malgré leur fonction socialisatrice et leur capacité à réinscrire des enfants ballotés dans une logique d’insertion.

Nous pensons que :

– Les enfants ne bénéficieront réellement de cette réforme que si les activités nouvelles mises en place dans le cadre scolaire sont encadrées par des personnels compétents ;
– Cette réforme est l’opportunité pour repenser les activités périscolaires comme un espace différent de celui de l’école permettant à celle-ci de ne pas occuper la seule place de socialisation légitime ;
– Ainsi, l’animation périscolaire ne doit être assimilée ni à une garderie ni à une pseudo-école et il est nécessaire de penser le temps périscolaire comme un temps d’animation à part entière où l’enfant peut décider du cadre qui lui convient ;
– Les animateurs et animatrices périscolaires doivent avoir les compétences et les conditions de travail et d’emploi nécessaires à l’exercice de leur métier ;
– Tous les animateurs et animatrices dans le périscolaire doivent être titulaires d’un diplôme au moins de niveau V dans le champ de l’animation (B.A.P.A.A.T. ou C.Q.P. A.P.). Il n’est plus possible de se contenter uniquement du B.A.F.A. (brevet non professionnel de l’animation). Les équipes des temps et activités périscolaires au sein d’une école doivent être dirigées par des personnels titulaires d’un diplôme de niveau IV (B.P.J.E.P.S.). Il n’est plus possible de se contenter uniquement du B.A.F.D. (brevet non professionnel de l’animation). La coordination à l’échelle de plusieurs écoles, et/ou en fonction de la taille du territoire, quant à elle, doit être au moins assurée par des titulaires d’un diplôme de niveau III (D.U.T. C.S. option A.S.S.C., ou des D.E.J.E.P.S.). Les fonctions de pilotage du dispositif au niveaux des villes ou des communautés de commune sont aussi à prendre en compte et être assurées par des titulaires d’un diplôme de niveau II ((D.E.S.J.P.S., Licence), tout comme les fonctions d’expertise, de recherche et d’organisation à des échelles plus importantes seront assurées par des titulaire d’un niveau I (Master) ;
– La situation actuelle est que la plupart des animateurs-animatrices périscolaires n’ont pas les compétences minimales requises. La réforme ne pourra se faire sans associer les représentants du champ professionnel de l’animation (praticiens, organismes de formation et chercheurs) à la réflexion préalable, tant sur un plan national que local ;
– Enfin, il faut aussi tenir compte des incidences sur les accueils collectifs de mineurs extrascolaires, notamment dans le cas de la scolarisation des enfants le mercredi matin.

Nous demandons à l’État :

– La réalisation d’une étude dès le mois de mai 2013 sur des communes ayant décidé de mettre en place la réforme en septembre 2013 ; en mettant à profit cette évolution pour repenser les articulations entre les temps scolaire et périscolaire ;
que cette étude soit poursuivie et que des conclusions puissent être présentées dès mai 2014 à l’ensemble des acteurs et actrices du champ ;
– De la même façon dès maintenant la réalisation d’une étude sur la formation des animateurs et animatrices périscolaires et qu’un plan de formation national soit développé dès septembre 2013 pour permettre la qualification des personnels en poste ;
– Que les crédits spéciaux alloués aux collectivités soient orientés en priorité vers les projets innovants, notamment sur le plan pédagogique, et que ces projets soient accompagnés, puis mis en valeur par des chercheurs du champ de l’animation socioculturelle. Au regard des changements importants qu’entraîne cette réforme, la réflexion pédagogique est nécessaire et ne peut être menée uniquement par l’école, les parents et les communes ;
– De construire la formation des enseignant.e.s avec des temps communs aux professionnels de l’animation. Il est utile de rappeler que de nombreuses avancées pédagogiques de l’école ont vu le jour dans les patronages, les colonies de vacances ou les classes transplantées.

Nous nous engageons à soutenir toute action de recherche sur le thème de l’animation périscolaire pour la mise en place et l’analyse de cette réforme.
Nous invitons les praticiens, les organismes de formation, les autres chercheurs mais aussi les enseignants, les parents d’élèves et leurs fédérations à nous soutenir en signant cette lettre ouverte sur le site "pétition publique" ou "lemuséedelacolo.fr"

Signataires : Jean-Pierre Augustin, Magalie Bacou, Jean-Marie Bataille, Laurent Besse, Baptiste Besse-Patin, Bernard Bier, Jean-Michel Bocquet, Véronique Bordes, Manuel Boucher, Olivier Brito, Jean-Gabriel Busy, Charles Calamel, Jérôme Camus, Marc Carletti, Eric Carton, Pierre-Yves Chiron, Christophe Dansac, Olivier Douard, Didier Favre, Jean-Claude Gillet, Luc Greffier, Jean Houssaye, Aude Kerivel, Francis Lebon, Philippe Marty, Jean-Marie Mignon, Thierry Morel, Paul Poggi, Mustafa Poyraz, Yves Raibaud, Sophie Ruel, Stéphane Tessier, Judit Vari, Daniel Verba

Présentation des signataires
Jean-Pierre Augustin
Professeur émérite à l’Université de Bordeaux ; UMR ADES du CNRS
Magalie Bacou
Docteure en sociologie, Chargée de recherche à l’IUT CS Toulouse 2-Figeac (LRPmip) ; Chargée de cours au département Sciences de l’éducation et de la formation de l’Université Toulouse 2 ; Membre associée au CERTOP-CNRS
Jean-Marie Bataille
Pédagogue, chercheur (ADES Bordeaux 3 et CREF UPON) et enseignant (UPON, UPEC) en animation socioculturelle
Laurent Besse
Maître de conférences en histoire, responsable formation d’animateurs, IUT de Tours
Baptiste Besse-Patin
Doctorant en sciences de l’éducation et praticien-formateur en animation
Bernard Bier
Sociologue, ancien chargé d’études et de recherche à l’INJEP
Jean-Michel Bocquet
Doctorant en sciences de l’éducation au laboratoire CIVIIC, université de Rouen
Formateur, directeur d’ACM, ancien directeur de centre social et chef de service éducatif
Véronique Bordes
Maitre de Conférences en science de l’éducation, UMR-EFTS université Toulouse 2
Responsable de la spécialité Politiques enfance jeunesse du master 2 sciences de l’éducation et de la formation
Manuel Boucher
Sociologue. Directeur scientifique (HDR). Président de l’association des chercheurs des organismes de la formation et de l’intervention sociales.
Olivier Brito
Chercheur en sciences de l’éducation, attaché au CREF
Jean-Gabriel Busy
Doctorant en sciences de l’éducation, responsable d’un service municipal de l’enfance dans les Hauts-de-Seine.
Charles Calamel
Chercheur en sciences de l’éducation, attaché au CREF.
Jérôme Camus
Maitre de conférences en sociologie – Directeur d’études en animation
IUT de Tours – Dpt Carrières sociales
Marc Carletti
Enseignant et Chef de Département Carrières sociales IUT Figeac Université Toulouse 2 Le Mirail
Eric Carton
Docteur en sciences de l’information et de la communication,
Enseignant à l’I.U.T. de Nice au Département Carrières sociales,
Pierre-Yves Chiron
CNRJ Sociologue – Doctorant en Sciences de l’Education Participation et projets collectifs – Politiques de jeunesse
Ancien directeur d’une association socioculturelle ; Formateur en Licence d’Animation, université d’Angers.
Christophe Dansac
Maître de Conférences en Psychologie, Coordinateur de l’équipe de recherche Organisations Non Orientées vers le Profit et Gouvernance (LRPMip) / Enseignant au Département Carrières Sociales de l’IUT de Figeac.
Olivier Douard
Sociologue, directeur d’études au Leris (Montpellier)
Didier Favre
Psychosociologue et consultant
Jean-Claude Gillet
Professeur honoraire des universités, Responsable scientifique du Réseau International de l’Animation (RIA)
IUT Michel de Montaigne – Université de Bordeaux
Luc Greffier
Maître de conférence en géographie
Responsable LP Intervention sociale ; coordinateur ISIAT, IUT Michel de Montaigne
Jean Houssaye
Professeur émérite en Sciences de l’éducation Université de Rouen
Aude Kerivel
Docteure en sociologie, Chargée de recherche LERFAS Tours
Francis Lebon
Sociologue, Maître de conférences à l’Université Paris-Est Créteil (UPEC)
Philippe Marty
Enseignant en second degré, Docteur en sciences de l’éducation.
Jean-Marie Mignon
Dr en histoire, ancien conseiller technique et pédagogique supérieur .
Thierry Morel
Sociologue, formateur-chercheur, ITSRA Clermont-Ferrand
Paul Poggi
Dr en psychologie, chargé de cours IUT de Menton et université de Nice
Mustafa Poyraz
Sociologue, enseignant à l’IUT de Paris 5 et à l’Université de Pars 8, formateur dans le secteur d’animation.
Yves Raibaud
géographe, Maître de Conférences HDR IUT Michel de Montaigne Bordeaux 3
Vice-Président du Conseil de développement Durable de la CU de Bordeaux
Sophie Ruel
Maître de conférences en Sciences de l’Éducation Université de Toulouse 2 Le Mirail IUT de Figeac Département
Carrières Sociales Unité Mixte de Recherche EFTS Toulouse 2 Chercheuse associée au LRPmip
Stéphane Tessier
Médecin de santé publique, docteur en sciences de l’éducation,
Président de REGARDS
Judit Vari
Sociologue, Maître de Conférences en Sciences de l’Education
Université de Rouen Laboratoire CIVIIC
Daniel Verba
Sociologue à l’université Paris 13,
Chercheur à l’IRIS (EHESS-CNRS-INSERM), directeur de l’IUT de Bobigny

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