PRomotion des Initiatives Sociales en Milieux Educatifs

L’histoire contemporaine est aussi l’histoire d’une inclusion de la classe ouvrière dans la vie politique : celle des partis communistes en général et du PCF en particulier.
Cette histoire a été marquée par l’élection d’une centaine d’ouvriers communistes à l’Assemblée nationale en 1946. Malheureusement, cette inclusion fut réalisée sous direction stalinienne avec donc les conséquences que nous connaissons aujourd’hui. Car pour nous, la critique et donc le combat contre le stalinisme furent nécessaires pour venir à bout de cette doctrine catastrophique. Mais les forces capitalistes et leurs alliées en ont profité pour entraîner les autres gauches à jeter le bébé avec l’eau du bain. Ces autres gauches en profitèrent pour, à la fois : combattre le stalinisme (ce qui nous paraît un combat juste) et engager l’exclusion de la classe ouvrière et employée de la vie politique (politique que nous condamnons).

La politique néolibérale ouverte dans les années 70 a donc éradiqué de la vie politique la seule force propulsive potentielle qui a un intérêt objectif, dans une période d’approfondissement de la crise comme actuellement, à mener conjointement la lutte contre les fléaux du capitalisme et in fine contre le capitalisme lui-même.
Mais l’histoire contemporaine est aussi l’histoire de l’exclusion ultérieure des ouvriers et des employés de la vie politique.

Un livre arrive à point nommé Le communisme désarmé du sociologue de l’INRA Julian Mischi (collection « Contre-feux » éditions Agone). Le sous-titre précise le propos : « Le PCF et les classes populaires depuis les années 70 ». Il montre les phases employées par le bloc dirigeant du PCF pour aller dans le sens de l’exclusion de la classe populaire ouvrière et employée (Julian Mischi parle lui des classes populaires pour parler des ouvriers et des employés) :

  •  d’abord la période d’abandon de la lutte des classes (exploités contre exploiteurs) au profit de la lutte des pauvres contre les riches (thématique prise dans la doctrine sociale de l’église) en faisant passer le PC de parti de la classe ouvrière en parti de l’unité du salariat (jusqu’au parti des « gens » de Robert Hue),
  •  puis la période « ouvriériste » qui remplace les cadres ouvriers forgés dans les luttes et les grèves par des permanents issus de la classe ouvrière mais qui n’ont eu comme seul employeur que le PC lui-même,
  • puis, l’arrivée massive des enseignants dans les cadres politiques du PCF,
  •  et enfin, devenir le parti des salariés de la fonction publique territoriale et de ceux qui travaillent pour les collectivités territoriales de gauche1.

Le livre cité offre une floraison de chiffres éloquente au niveau national et dans quelques départements dans lesquels l’auteur a épluché les archives des fédérations, des sections et des cellules. Par exemple, le secteur national « Vie du parti » montre que 23 % des adhérents de 2013 travaillent dans une collectivité territoriale (p. 90).

Ce livre illustre les déclarations de l’homme fort du PCF, Gaston Plissonnier, dans le passage d’une phase à l’autre et montre comment le Parti a supprimé les structures internes de formations longues (indispensables pour l’inclusion des ouvriers et des employés comme cadres politiques) pour s’en remettre aux couches moyennes intermédiaires et surtout supérieures formées par l’université néolibérale.

J. Mischi montre que si l’opinion publique n’a eu vent que des critiques et dissidences intellectuelles (qui ont une plus grande visibilité, par contre, dans la presse), la réalité interne a été principalement une contestation des cadres ouvriers eux-mêmes. C’est une des raisons du passage à la phase ouvriériste où le pouvoir est alors transféré à des ouvriers diplômés mais qui, à la sortie de leurs diplômes, ont été directement des permanents salariés du parti.

Résultat de ce processus, le PCF – comme les autres partis de gauche d’ailleurs2 – n’attire plus les ouvriers et les employés3, majoritaires dans la population active, et du coup le recul électoral est violent aux élections locales.

L’ouvrage de Mischi a aussi l’intérêt d’illustrer l’idée que la lutte des classes a été remplacé par la lutte pour la diversité des catégories (femmes, maghrébins, noirs, croyants communautaires, etc.). Cette politique du communautarisme catégoriel a aussi contribué à la marginalisation des cadres ouvriers.

Exit les cadres ouvriers masculins remplacés par la diversité culturelle des couches moyennes intermédiaires mais surtout supérieures. Voilà ce qu’a développé la prégnance néolibérale. Car bien sûr, on ne remplaçait pas les ouvriers masculins par des ouvrières ou employées féminines ! Inutile de dire que si on est une femme, ouvrière ou employée et maghrébine, cela devient la triple peine. Comme si la lutte des classes n’existait pas dans les catégories de la diversité ! On comprend mieux pourquoi la parité hommes –femmes dans les municipalités et les régions n’a eu aucun effet par rapport aux besoins des femmes ouvrières et employées, par exemple sur le manque de plus de 400.000 places de crèches collectives ou familiales ou sur les difficultés accrues des femmes pour l’accès à des centres IVG publics !

Sociologiquement, l’Autre gauche est malheureusement en cours de rattrapage de la sociologie des solfériniens socialistes ! Alors qu’en 1946, le PCF avait réussi à faire élire une centaine d’ouvriers à l’Assemblée nationale !

Le résultat est donné par l’étude du Centre d’études de la vie politique française (CEVIPOF) réalisé par le chercheur du CNRS Luc Rouban. Avec les élections 2011-2014, près du tiers des conseillers généraux et régionaux sont issus des couches supérieures. Ce chiffre monte à 81,5  % pour les députés. Ce chiffre est porté à 93 % pour les maires des villes de plus de 100.000 habitants ! Alors qu’ils ne représentent que 15  % de la population. Le nombre de députés émanant des couches populaires est de 0, 2 %. Pourquoi ne parle-t-on jamais de parité sociale ? N’est-ce pas une forme de lutte de classe, entre la classe ouvrière et une bourgeoisie intellectuelle qui a pris son essor avec le développement de l’enseignement supérieur dans les années 60, et qui a évincé la classe ouvrière de la représentation dans la République ?

Nous savons bien sûr qu’il y a de nombreuses autres causes qui ont participé à cette exclusion de la classe populaire ouvrière et employée : désindustrialisation, évolution des forces productives, « révolution informationnelle », suppression des usines bastions, chômage et précarité, etc. Mais nous savons aussi que le « communisme municipal » a poussé l’appareil du  PCF à s’auto-reproduire dans la consanguinité, après que la passerelle PCF-CGT qui fournissait des cadres ouvriers au PCF fut progressivement fermée.

Disons-le tout à trac : sans processus culturel, économique et politique pour lutter contre l’exclusion politique des ouvriers et des employés majoritaires dans le peuple4, il n’y aura pas d’alternative au modèle politique néolibéral que ce soit dans sa forme « droite », ou dans sa forme « gauche », ou dans sa forme « droite et extrême droite » comme dans les années 30.

Jamais dans l’histoire, les couches supérieures n’ont défendu les intérêts de la classe populaire ouvrière et employée sans que celle-ci soit représentée dans les responsabilités politiques. Quel que soit l’enthousiasme militant autour des nombreuses initiatives qui fleurissent ici et là.

Mais ce processus est-il irréversible ? Nous pensons que non, si une prise de conscience a lieu qu’il n’y a pas de transformation culturelle, sociale et politique possible sans représentation de la classe populaire ouvrière et employé dans un parti qu’elle perçoit comme étant le sien.

Nous appelons les responsables politiques de gauche à faire de la parité sociale une priorité en s’ouvrant à nouveau aux militants issus du monde du travail et en favorisant leur effective intégration aux structures politiques, à tous les niveaux. Nous appelons aussi les responsables syndicaux à réinvestir le champ politique en s’engageant durablement dans les structures de la gauche politique pour contribuer à leur transformation.

Errare humanum est, perseverare diabolicum (L’erreur est humaine mais persévérer serait diabolique).

Article original via Respu

  1. Le Front de gauche thématique « Ville Habitat » est de ce point de vue intéressant à étudier
  2. En particulier le parti socialiste, ex « Section Française de l’Internationale Ouvrière », qui n’a plus d’ouvriers dans ses cadres depuis longtemps, la génération des enseignants étant même en cours de remplacement par des diplômés de Sciences Po et de l’ENA.
  3. 70 % des ouvriers et des employés, des moins des jeunes de moins 35 ans, des couples gagnant moins de 20.000 € par an, des chômeurs, se sont abstenus à l’élection européenne de mai 2014.
  4. Il est étonnant de voir que le manque de visibilité des femmes (qui représentent 53% de la population active) dans les instantes dirigeantes est pris en compte dans les discours des gauches mais pas celle de la classe des ouvriers et employés (qui représentent aussi 53 % de la population active, pour les deux sexes) qui elle n’existe plus dans les instances dirigeantes !
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