PRomotion des Initiatives Sociales en Milieux Educatifs

Mixité

Faut-il parler de « co-éducation des sexes », « d’éducation des filles » ou de « mixité scolaire » ?

Le glissement terminologique n’est pas neutre « comme si le système scolaire ne cherchait pas tant,
dans la relation pédagogique, à éduquer qu’à conjurer la sexualité », Nicole Mosconi, 1989. Comme le
fait observer Claude Lelièvre, 1999, « la disparition de la dissociation institutionnelle entre l’école des
filles et l’école des garçons s’est faite sans véritable débat public questionnant les finalités de cette
évolution ». Pourtant toutes les révolutions pédagogiques du XXème siècle, la mixité (1957) est l’une
des plus profondes, mais en l’absence d’une réflexion sur la mise en oeuvre de cette mixité, l’école vit
dans « l’illusion d’un universel de l’éducation et du savoir et de la croyance conséquente à l’égalité des
chances entre filles et garçons » G.Fraisse, 1995.

En dépit de progrès récents, l’excellence scolaire (les filles sont plus nombreuses que les garçons à
décrocher le bac, depuis la fin des années soixante, plus nombreuses aussi à entrer à l’université) des
filles mesurées en termes de durée et de niveau moyen de scolarisation reste problématique. Si l’on
considère les orientations scolaires, on constate une persistance des orientations des filles vers le
littéraire et le tertiaire et des garçons vers le scientifique et le technologique industriel, avec un faible
taux de filles dans les dans l’enseignement supérieur va dans le sens d’un certain renforcement de la
ségrégation sexuelle. Autrement dit, « on a affaire non pas à un fait social mais à deux dont les
orientations sont différentes : une progression spectaculaire des scolarités féminines et le maintien de la
ségrégation entre filles et garçons au terme et au coeur des scolarités. « Guerre des sexes, au collège,
vocations distinctes dans l’enseignement général, verrouillage désuet du technique, orientation dans le
supérieur : les chemins de la réussite ne sont pas identiques. », Baudelot et Establet, 1992.

Les sociologues West C. et Zimmermann H., 1978, ont avancé l’idée selon laquelle il y aurait une
obsession sociale à maintenir la différences des sexes, dans une société segmentée en « territoires
sexués ». En effet, tout semble indiquer que la division socio-sexuée du travail, horizontale (ségrégation
forte des emplois) et verticale (faible présence des femmes au sommet de la hiérarchie), N. Mosconi,
1994. Autre aspect, plus méconnu, est la socialisation différentielle des sexes dans le quotidien de
l’école et de la classe, à travers tant les relations avec les enseignants qu’avec les pairs des deux sexes
qui produisent un curriculum caché : les garçons y apprennent à dominer et les filles à prendre une
place secondaire, dans la prise de parole et l’occupation de l’espace : « le message implicite est que les
garçons sont intelligents, mais qu’ils ne font pas assez d’efforts et que les filles, elles, font ce qu’elles
peuvent…Il est donc légitime de parler comme des exigences pédagogiques », Marie Duru-Bellat, 1990.
Les rôles de sexe masculins et féminins, c’est-à-dire le degré d’adhésion aux normes, aux prescriptions
sociales de masculinité et de féminité interviennent très précocement dans la socialisation (dès l’âge de
deux ou trois ans) et ces « prêts-à-penser » qui constituent les stéréotypes de sexe prennent
rapidement un caractère prégnant incontournable, censé être naturel ». Pour C. Marro, 1997, les rôles
de sexe sont « des modèles organisés, assignés dans une société donnée à l’ensemble des individus
d’un même sexe ».

Les sociologues Baudelot et Establet, 1992, montrent combien les garçons s’y entendent mieux que les
filles pour négocier leurs acquis scolaires ; « Avantage dans l’accumulation de l’énergie scolaire pour
les filles ; avantage dans la négociation de capital scolaire acquis pour les garçons ».

Aucun type d’études, aucune filière, aucune profession ne sont désormais interdites aux filles, tout au
moins dans les pays industrialisés. Pourtant la prise n compte de l’appartenance sexuelle comme
facteur de différentiation des parcours ne date que des années quatre-vingt. Dans Les Héritiers,
Bourdieu et Passeron, 1994, observaient que « la différence entre les sexes n’apparaît jamais aussi
manifestement que dans les conduites ou les opinions qui engagent l’image de soi ou l’anticipation de
l’avenir ».

En histoire et sociologie de l’éducation, les problématiques de la différence des sexes et de la mixité
sont des questions débattues depuis une dizaine d’années. Une politique globale pour l’égalité des
chances entre les sexes est possible. L’école doit se préoccuper des modèles, des attitudes, des
représentations qu’elle transmet dès la maternelle. On peut, par exemple, intégrer une réflexion sur les
rôles sociaux dans les programmes d’éducation civique, mettre en oeuvre une politique d’éducation à l’orientation qui intègre systématiquement la dimension sexuée, sensibiliser à la manière d’évaluer et
introduire cette problématique dans la formation initiale et continue des enseignants (Convention
interministérielle « pour la promotion de l’égalité des chances entre les filles et les garçons dans le
système éducatif », février 2000). Cette promotion impose la production de statistiques sexuées pour
améliorer la connaissance respective de la circulation des femmes et des hommes dans le système
éducatif et leur position respective.

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