PRomotion des Initiatives Sociales en Milieux Educatifs

In Educavox – le 24 juin 2013 :

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A la veille de l’ouverture du congrès national de la Ligue de l’Enseignement (à Nantes, du 27 au 30 juin), alors que la refondation de l’école peine à se mettre en place, il est temps de relancer le débat sur la place de l’éducation populaire dans une conception moderne, nécessairement globale, de l’éducation.
 
Les arguments s’accumulent depuis des années en faveur d’une refondation de l’éducation populaire, des plus pragmatiques aux plus politiques et philosophiques.
 
Le premier des arguments relève du bon sens. Pourra-t-on encore admettre longtemps que les investissements considérables, le plus souvent des collectivités locales, en termes de construction, d’équipement, d’aménagement de sites informatiques, de bibliothèques, de centres de documentation, de laboratoires, ne soient utilisés que 110 jours par an et 6 heures par jour dans les meilleurs des cas, quand l’année scolaire n’est pas amputée ? Cette évidence devient de plus en plus insupportable dans un contexte de réduction drastique de la dépense publique. La transformation des écoles, collèges et lycées en maisons de l’éducation, en centres de culture de la connaissance, avec des activités intergénérationnelles, des échanges réciproques de savoirs, des rencontres avec des professions, des débats, est, bien au-delà des aspects économiques, une exigence pour l’avenir de l’éducation tout au long de la vie.
 
Un autre argument est l’évolution des savoirs de l’humanité et de leur diffusion, et la diversification et la multiplication des acteurs éducatifs. C’est une banalité d’affirmer que l’école n’est plus, depuis longtemps, le seul lieu de diffusion du savoir et que le savoir ne peut plus se réduire aux disciplines scolaires cloisonnées et figées, dont ni les élèves ni leurs parents ne comprennent le sens. Les élèves apprennent désormais plus hors de l’école qu’à l’école et l’école ne sait pas prendre en compte les savoirs extérieurs, même quand ils ont un rapport avec les matières scolaires. Pour l’école, depuis toujours, l’élève ne sait pas et il est là pour écouter, mémoriser, restituer à court terme pour être évalué et passer le bac.
 
Un troisième argument touche aux enjeux sociétaux du futur : faire société, vivre ensemble, partager des valeurs, exercer des responsabilités dans sa vie familiale, sociale, professionnelle, lutter contre le règne des experts. Il ne suffit pas, contrairement à ce que pensent des élus, notamment de gauche, de développer la convivialité, les fêtes des voisins et des vieux, les ducasses du Nord-Pas-de-Calais, les kermesses scolaires, pour réduire les fractures sociales. Il faut aussi que chacun soit reconnu comme une personne, avec des savoirs et des capacités intellectuelles, avec le goût d’apprendre et de savoir, d’échanger… Pour faire vivre ensemble, apprendre ensemble dans le respect de chacun devrait être une priorité.
 
La création d’un ministère, les annonces faites au CAPE (collectif des associations partenaires de l’école), les discours officiels, les 45 minutes récupérées avec la réduction de la journée scolaire ne suffisent pas. En 45 minutes avec 10 minutes de mise en place, 20 parfois, et 10 minutes de rangement, la tendance sera à l’intervention de professionnels pour remplir les cases de nouvelles usines à cases, grande spécialité de l’Education Nationale depuis quelques années.
 
La solution ne peut se trouver que dans le projet éducatif de territoire, à la condition que celui-ci ne soit pas la juxtaposition d’activités « secondaires », à côté d’une éducation formelle impérialiste, comme des cerises sur un gâteau refondé ou sur un pain rassis immuable. Le projet éducatif ne peut avoir de sens que si chaque acteur, professionnel ou non, partage les mêmes finalités et si les responsables sont capables de mobiliser l’intelligence collective du territoire.
 
Ce n’est pas gagné, mais il n’est pas encore trop tard. 
 
Pierre Frackowiak
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