PRomotion des Initiatives Sociales en Milieux Educatifs

 

 

Quand les sanctions à l’école affectent la vie de famille

 

 

 

Les sanctions

doivent

 

 

être éducatives

 

Poser une limite, un interdit, une obligation ou une loi est indispensable à l’enfant qui en a profondément besoin. L’acte d’autorité, disent les psychologues, est un acte d’amour. Mais partager cette mission avec l’école peut s’avérer compliqué.

Pour bien faire, enseignants et parents doivent décider main dans la main.

 

Le verdict est tombé. Léonard, qui est mineur, est exclu une journée de son lycée pour violence physique sur l’un de ses camarades.

Conformément au code de l’éducation, c’est le chef d’établissement qui a prononcé seul la sanction. Pour ses parents, les questions fusent: A-t-il été un juge impartial? Les faits sont-ils avérés? La sanction n’est-elle pas disproportionnée? Cette mise à l’écart changera-t-elle quelque chose? Quelque soit le niveau scolaire, les parents sont un jour ou l’autre confrontés à ce type de situation. Dès la maternelle, ils peuvent s’entendre dire par la maîtresse à la sortie de l’école que leur enfant a été puni. Mais, est -ce indispensable? « Les sanctions sont vitales", affirme la psychanalyste Claude Halmos, qui souligne que c’est « l’absence d’interdits et de sanctions en cas de transgression qui représente une grave violence à l’égard des enfants et des adolescents" .

Mais la sanction a-t-elle une vertu éducative ? De nombreux parents d’élèves commencent à en douter. Les sanctions au collège et au lycée, par exemple, semblent se durcir, sans pour autant enrayer le problème. Comme le raconte Béatrice Cabiten, mère d’un élève de 3" au collège Mescoat de Landernau (Finistère): « J’ai participé aux conseils de discipline pendant deux ans, jusqu’en septembre dernier, mais j’ai arrêté parce que ça me touchait trop, et parce que je me sentais inutile. D’autres parents d’élèves m’ont fait part du même sentiment d’échec. On décide le plus souvent l’exclusion définitive parce qu’on n’a plus le choix, faute d’avoir agi suffisamment tôt, ou avec les bons moyens. » Dans ce collège, pourtant, une gradation des sanctions et un accompagnement disciplinaire et pédagogique ont été mis en place. « Quand ils arrivent en conseil de discipline, ils sont marqués à la culotte et ne supportent plus l’autorité. Pour moi, leur exclusion est un ratage: la grande majorité ne sont pas des voyous, mais ils n’ont pas été bien accompagnés. Que faire? Je n’ai pas de réponse ". Ne pas vivre une sanction comme une injustice Claire-Marie Toth, membre du comité directeur de l’Association nationale des conseillers principaux d’éducation (ANCPE), propose de rappeler certains principes: « La sanction sera réellement éducative si elle prend appui sur cette valeur fondatrice qu’est l’éducabilité : tout enfant a droit à l’erreur et peut progresser. Et si elle est mise en œuvre en respectant les principes élémentaires du droit en ce domaine : le principe du contradictoire, le principe de proportionnalité, le principe d’individualisation et ,le principe de légalité ". Leur application permet à l’enfant de ne pas vivre une sanction comme une injustice et d’apprendre les règles et la responsabilité de ses actes. « Mais dans les établissements scolaires, aujourd’hui, la mise en œuvre de ces démarches éducatives n’est pas si aisée, précise Claire-MarieToth. Et la « protection" de la communauté l’emporte parfois sur l’éducation et la réhabilitation de l’enfant. En effet, devant l’ampleur des difficultés liées à la scolarisation d’enfants en grandes difficultés scolaires et/ou comportementales, la tentation est grande de privilégier le groupe et d’avoir donc recours à une logique d’exclusion et non d’éducation ».

Ainsi, les sanctions peuvent avoir un rôle éducatif et de prévention,.en enrayant une évolution négative de certains élèves, pour les cas les plus difficiles, elles mènent plutôt à l’escalade. En particulier pour les garçons, qui reçoivent 80 % des sanctions selon l’étude menée à partir de quelque 6 000 cas par Sylvie Ayral,enseignante de collège, chercheuse et auteure de La Fabrique des garçons : « La sociabilisation des garçons, explique-t-elle, continue à être basée sur les défis, la transgression, la compétition, ce qui s’ajoute à l’injonction sociale à la virilité et à l’hétérosexualité. Quand un élève de 3e traite sa prof de "pute" ou fait des gestes obscènes dans son dos, il en sort renforcé vis-à-vis du groupe des garçons rebelles dominants ».

La sanction se révèle alors contre-productive.

« Quand on interroge les élèves sanctionnés, indique Sylvie Ayral, la sanction, pour eux, nourrit leur palmarès de virilité.

Certes, elle est douloureuse, mais cette souffrance participe au rite de passage vers un état réputé supérieur. Ils osent faire ce que les autres n’osent pas faire. Et en bout de course, on a des filles qui disent préférer les garçons rebelles ». L’étude de Sylvie Ayral comme l’expérience de l’ANCPE montre que l’immense majorité des sanctions sont données pour des motifs futiles: bavardages, chewing-gum, accumulation de trois observations, port de bermuda …Avec à la clé, dans chaque établissement, des centaines d’heures de retenue pas toujours faites, ou pour certains élèves de nombreux jours d’exclusion sans travail sur leur projet personne!.

« La sanction est devenue un outil doté d’une légitimité institutionnelle pour gérer des situations que l’on ne sait pas gérer autrement, analyse Sylvie Ayral!.

Avec des pratiques que l’on n’accepterait pas dehors». La circulaire du 19 octobre 2004, contre laquelle la FCPE a protesté, a par exemple relancé les punitions collectives, censées rétablir le fonctionnement serein de la classe. En dépit du principe d’individualisation des « peines ».

Impliquer les élèves dans une réflexion Les parents doivent -ils soutenir les enseignants qui sanctionnent, et s’ils ne le font pas, comment les enfants peuvent-ils vivre cette différence de jugement? « Il faut construire une co-éducation, explique Didier Blanc, administrateur national FCPE: sans construction d’une confiance réciproque entre l’école et la famille, rien n’est possible. Il faut donc que les mesures disciplinaires soient expliquées très complètement aux parents. Sans cela, le soutien des familles n’existe pas et la mesure perdra de son sens puisque les parents ne seront pas le relais du schéma éducatif qui est lié à toute sanction ».

Soutenir une sanction justifiée n’implique pas de sévir à nouveau, mais plutôt de parler, d’éduquer. « Lorsqu’il s’agit de violence, estime Sylvie Ayral, les parents peuvent expliquer que si on a le droit d’avoir toutes sortes d’émotions et de les exprimer, il faut les gérer autrement que par la violence ».

De son côté, l’institution, au lieu de jouer un rapport de force qu’elle ne gagne pas, devrait sans doute faire retomber la pression en faisant preuve de plus de souplesse, en réservant les sanctions aux comportements réellement graves comme les atteintes aux personnes et en favorisant le dialogue, pour impliquer les élèves dans la réflexion dans des groupes de parole sur certaines situations. C’est ce que l’on fait au primaire, mais plus au collège, là où c’est pourtant nécessaire.

La réduction du temps consacré à des activités artistiques, qui permettent à la transgression de s’exprimer autrement, est aussi un facteur aggravant. « Aujourd’hui, indique Claire-Marie Toth, nous regrettons que les équipes d’établissement manquent de formation, de temps de concertation, de moyens éducatifs et pédagogiques pour répondre aux enjeux individuels et collectifs liés à la notion de sanction comme partie intégrante du processus éducatif ». Face à la violence de certains élèves, qui reste une minorité, l’accroissement des moyens éducatifs est une réponse bien plus appropriée que le durcissement des sanctions, qui fait tous les jours la preuve de son inefficacité.

Dante Sanjurjo

 

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