PRomotion des Initiatives Sociales en Milieux Educatifs

In La Gazette.fr – le 22 avril 2014 :

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Benoit Hamon a annoncé la tenue d’une concertation avec les enseignants, les parents et les élus, pour élaborer un nouveau cadre réglementaire à la réforme des rythmes, qui, toutefois, ne toucherait pas à ses fondamentaux. Levée du mystère dans une dizaine de jours.

C’est rien de dire que les annonces de Manuel Valls et Benoit Hamon, sur des « assouplissements », des « ajustements » et maintenant, un « nouveau » ou un « autre cadre réglementaire » pour la réforme des rythmes scolaires suscitent attentes, interrogations et craintes à foison ! Si la PEEP rêve de la réécriture du décret, la FCPE la redoute. Pendant ce temps, la fronde des maires UMP et autres affiliations politiques grandit, nourrie de petites phrases et de déclarations de non-application de la réforme.

« C’est une période trouble. Et c’est la pagaille sur le terrain, avec des maires qui disent « nous n’appliquerons pas la réforme » et un ministre de l’Education nationale qui martèle qu’elle s’appliquera à la rentrée 2014 » déplore Sébastien Sihr, secrétaire-général du SNUIPP. Et d’ ajouter : « Nous demandons au ministre de l’Education de faire entendre la voix de l’Education nationale sur le calendrier et la méthode, pour sortir du flou et donner à voir ce qui va se passer sur le terrain. Il faut des concertations partout où elles sont nécessaires, au sein des conseils d’école, car ces instances réunissent les enseignants, les parents et les élus ».

Tenir compte de la baisse des dotations pour les collectivités. Elus et techniciens des collectivités foisonnent d’idées pour adapter les rythmes scolaires et s’affranchir d’un cadre trop exigu, mais l’exigence première, aujourd’hui, vise le nerf de la guerre :

« Assouplissement et soutien financier » – « Nous attendons certes un assouplissement, mais surtout, un engagement financier fort. Nous venons de constater la baisse des dotations : or, la réforme s’impose à tous. Mais le prix du gasoil ou de l’heure d’animation n’est pas moitié moins cher dans les communes rurales ! tout ceci pèse sur l’organisation de la réforme » martèle Vannick Berbérian, président de l’AMRF, suivi par les villes moyennes et par Jacques Pélissard, président de l’AMF : « Nos attentes de souplesse demeurent identiques à celles que nous avons formulées la semaine dernière. En revanche, nous faisons face à une saignée de nos moyens, du fait du gel des dotations en 2013, de leur baisse de 3,5% en 2014 et des baisses à venir en 2015, 2016, 2017… Il faut absolument que le gouvernement pérennise le fonds d’amorçage et qu’il ajuste le décret organisant la réforme des rythmes pour garantir plus de souplesse ». L’AMF a envoyé une lettre à tous les élus dont la commune est dotées d’écoles, pour recueillir leurs demandes d’adaptation de l’organisation de la réforme des rythmes.

Lever le dogme des 9 demi-journées – De fait, c’est bien l’écriture d’un second décret ouvrant la porte à des expérimentations qui serait envisagée. Mais lesquelles ? Spécialiste de la question, Claire Leconte s’interroge et s’inquiéte : « il faut absolument supprimer la semaine de 9 demi-journées et parler de 5 jours. A l’heure qu’il est, les enfants ne bénéficient pas de cette réforme et les communes sont en difficulté pour l’organiser ». Cette même exigence se retrouve, de la PEEP à l’Andev, en passant par les syndicats enseignants. « Il faut faire sauter le verrou des 9 demi-journées et des 5h30 de cours par jour, qui constituent une aberration et bloquent l’organisation des communes » résume Valérie Marty. « Nous souhaitons la possibilité de mettre en oeuvre des expérimentations dans les territoires, avec une demi-journée libérée pour organiser des activités qui ont du sens. On peut partir en 2014, en prévoyant une montée en puissance progressive et en travaillant avec les DRAC ou les intercommunalités sur des notions de parcours de découverte » décrit Anne-Sophie Benoit, présidente de l’Andev.

Les autres attentes concernent :

  • Le respect des organisations locales qui préexistaient à la réforme des rythmes et fonctionnent bien : « Le terrain fait remonter plusieurs cas de situations locales qui ne rentrent pas dans le cadre du décret du 24 janvier 2014, alors que les démarches ont recueilli l’assentiment de la communauté éducative locale et que ça fonctionne bien, comme à Epinal, Munster ou Lomme. Notre premier souhait est donc de ne pas casser ce qui fonctionne » résume Christian Chevalier, rejoint par l’Andev.
  • La FCPE appelle à respecter une régularité dans l’organisation des apprentissages scolaires
  • L’ouverture des expérimentations validées par une concertation locale. « Nous sommes favorables à des expérimentations issues de la concertation avec la communauté éducative locale, validées à minima par le CDEN, encadrées par un comité local et national et évaluées, avec une durée de vie limitée dans le temps » avance Paul Raoult. Pour le SNUIPP, c’est au sein des conseils d’école que cette validation doit se sceller.
  • L’encadrement et l’évaluation des expérimentations : « Nous sommes favorables à un texte qui ouvre la porte aux expérimentations, comme de libérer toute une après-midi pour organiser des activités, pour une durée de 3 à 5 ans, suivie d’une évaluation des apprentissages et des coûts » illustre Christian Chevalier, du SE-UNSA, rejoint par la FCPE.
  • La possibilité de conserver une semaine de 4 jours, avec 5h30 de cours par jour, en contre-partie d’une réduction des vacances scolaires. « Si, dans certains endroits, on ne peut pas étaler les cours sur 24h, alors on réduit les vacances scolaires, en reprenant le calendrier annuel dans son ensemble, mais sans réduire les vacances de la Toussaint » estime Paul Raoult. « Je rappelle qu’avant 2008, dans le cadre du décret de 1990, 75% des enfants avaient une semaine de 4,5 jours et 25% une semaine de 4 jours et des vacances plus réduites. Et les organisations se construisaient dans le consensus ! » avance Sébastien Sihr.
  • Les avis divergent sur les maternelles : « La réforme n’apporte rien aux maternelles, il faut les en exclure, ce qui permettrait de dégager des moyens financiers pour organiser quelque chose d’intelligent en élémentaire » estime Valérie Marty à la PEEP, tandis que Paul Raoult, à la FCPE, soutient la régularité des apprentissages même en maternelle. Sébastien Sihr pointe, quant à lui, la difficulté d’évaluer l’apport de la réforme telle qu’elle a été mise en oeuvre, car l’organisation en maternelle a trop souvent été calquée sur celle du primaire.

Focus

Un maire peut-il refuser d’appliquer la réforme des rythmes scolaires ?

A l’instar des maires de Meaux, Nice, Chartes, ou Toulon, Manuel Aeschlimann, revenu au pouvoir à Asnières-sur-Seine à la faveur du dernier scrutin municipal, a tenu à faire figurer parmi ses premières annonces, celle du refus d’appliquer la réforme des rythmes scolaires à la rentrée 2014. Abandonnant donc l’organisation des nouveaux rythmes préparée par les services municipaux sous la mandature précédente.

Mais que recouvre, au juste, un « refus d’appliquer la réforme des rythmes scolaires » ?

Un maire, nouvellement élu, peut-il s’affranchir d’un projet éducatif de territoire déposé par son prédécesseur auprès du DASEN et refuser de l’appliquer ? A priori non. Pourquoi ? Parce que le PEDT comporte l’emploi du temps des enseignants. « Le décret du 24 janvier 2014 énonce deux choses : l’organisation du service des enseignants, qui sont fonctionnaires d’Etat et les conditions dans lesquelles il est possible de mettre en place des activités péri-éducatives non obligatoires. L’éducation n’est pas territorialisée, le maire n’est pas l’employeur des enseignants et ces derniers sont obligés de suivre le rythme de la semaine des 4,5 jours » rappelle Christian Chevalier, secrétaire-général du SE-UNSA.

La réforme des rythmes scolaires vise en effet l’étalement et la réorganisation des apprentissages scolaires sur 9 demi-journées : un maire ne pourra pas empêcher que les cours s’étalent sur 4,5 jours.

Que se passe-t-il si, n’ayant pas encore soumis de proposition d’organisation du temps au DASEN, le maire refuse de le faire?

« Mon bureau est ouvert mais je tiens à avertir les élus qui, par pure provocation politique, comme M. Copé, affirment qu’ils refuseront d’appliquer la réforme, qu’ils se mettraient alors dans l’illégalité » avertit Benoît Hamon. Sur le terrain, certains DASEN ont déjà apporté une réponse pragmatique : à Gap, c’est le CDEN et le DASEN qui ont décidé des horaires des cours, en lieu et place du maire réfractaire.

Un maire nouvellement élu peut-il proposer un nouveau projet d’organisation des temps, si celui de son prédécesseur ne lui convient pas ?

Le cas de figure n’est pas envisagé par l’Education nationale, mais les avis divergent sur la question : « la date-butoir du 31 janvier 2014 ne concernait que les horaires des cours, par le contenu des activités périscolaires et ce qui fait la substance du projet éducatif de territoire. A mon sens, un nouveau maire peut décider qu’il a une autre vision du contenu de ces activités et arguer que le contenu change la durée des activités pour proposer un nouveau projet éducatif de territoire » estime Jacques Pélissard.

Au final, quelle est la marge de manoeuvre la plus simple, pour les maires opposés à la réforme des rythmes scolaires ? Refuser d’organiser des activités périscolaires au moment où les enfants terminent leur journée de classe. Et… l’expliquer à leurs administrés.

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