PRomotion des Initiatives Sociales en Milieux Educatifs

SOMMAIRE
Introduction
 
Partie 1 – Cinq objectifs à dix ans
 
1. Répondre à des besoins en constante évolution
2. Expliciter les priorités et leur allouer les moyens nécessaires
3. Appuyer la modernisation du pays
4. Rendre des comptes
5. Impliquer les agents publics
 
Partie 2 – Cinq leviers pour agir
 
1. Sélectionner et définir les missions
1.1. Systématiser les évaluations indépendantes et garantir leur transparence
1.2. Mettre en œuvre les meilleures pratiques internationales de revue des missions
1.3. Assigner à chaque entité ou service une mission précisément définie
1.4. Aller au bout de la logique de décentralisation
2. Clarifier les rôles
2.1. Distinguer les responsabilités politiques et managériales
2.2. Redonner à la LOLF son rôle de pilotage stratégique
2.3. Mieux distinguer les responsabilités de conception et de mise en œuvre des politiques publiques
2.4. Mieux ancrer les AAI sectorielles dans notre paysage institutionnel
3. Mettre les gestionnaires publics en situation de responsabilité
3.1. Généraliser les contrats d’objectif et de gestion
3.2. Former les gestionnaires publics au management

3.3. Donner aux agents publics les moyens de la performance
3.4. S’assurer de l’exemplarité des hauts responsables publics
4. Diversifier l’offre de service public
4.1. Adapter l’offre à la variété des situations
4.2. Co-concevoir et coproduire les politiques publiques avec les citoyens
4.3. Mobiliser les agents publics
5. Innover et investir pour transformer
5.1. Promouvoir l’émergence et la diffusion de l’innovation au sein de la sphère publique
5.2. Développer l’expérimentation et assurer son évaluation
5.3. Doter l’État d’un budget pour l’investissement dans la transformation de l’action publique
 
ANNEXES
Annexe 1 – L’action publique de demain : quelles missions pour quels besoins ? Mise de jeu pour l’atelier de lancement le 12 novembre 2014
Annexe 2 – La démarche : champ du rapport et ateliers de
concertation
 
INTRODUCTION

Les attentes des Français à l’égard de l’État – et de l’action publique en général1 – sont considérables, mais aussi ambivalentes. D’un côté, les citoyens continuent d’attendre beaucoup de l’État, en matière de protection notamment. Ils lui assignent des responsabilités étendues, virtuellement illimitées : la France est un pays où dire que « l’État ne peut pas tout » fait encore scandale. D’un autre côté, les Français  critiquent la bureaucratie, la solidarité ne suscite plus la même adhésion que par le passé, et la société civile revendique une plus grande autonomie. Cette attitude contradictoire trouve sa traduction dans la coexistence d’un niveau de dépenses publiques très élevé et d’un consentement à l’impôt aujourd’hui très faible 2, dans un contexte de forte défiance envers les élites et les responsables politiques 3.
Cette ambivalence est le fruit d’une histoire particulière. La France s’est construite autour de l’État, à la fois garant et ciment du pacte social. La demande d’une République forte perdure, comme l’ont montré les réactions aux événements de janvier 2015, mais elle s’accompagne d’une exigence renouvelée d’exemplarité de la République et d’une volonté de voir les valeurs communes s’inscrire concrètement dans la vie des citoyens.
Le rôle de l’État a profondément changé au cours des dernières décennies, sur fond de mutations économiques, technologiques et sociales. L’action publique s’est trop souvent adaptée à ces transformations avec retard, et en prenant une posture défensive.
Il lui faut aujourd’hui anticiper la poursuite de deux évolutions majeures : elle doit en premier lieu ajuster son champ et ses modalités d’intervention au double mouvement de décentralisation et d’européanisation 4 de l’action publique ; elle doit également intégrer pleinement les conséquences de l’ouverture économique et des mutations technologiques, qui avivent la concurrence entre États nationaux mais aussi entreacteur publics et privés. La transformation numérique conduit en outre à une profonde évolution

des relations entre administrations et usagers, à un changement des attentes des citoyens et enfin à l’irruption de nouveaux acteurs dans des domaines d’intervention majeurs de la puissance publique, comme la santé et l’éducation.
Les attentes et les besoins à l’égard de l’action publique ont  également évolué. En matière d’accès aux ressources (éducation, santé, logement, transports publics, garde d’enfants, loisirs, etc.), les besoins ont changé parce que les modes de vie se transforment. Certains risques sociaux se sont accrus (vieillissement, dépendance,
fragilité sur le marché du travail), qui appellent des réponses adaptées. Il y faut ajouter la persistance, voire l’aggravation, de certaines inquiétudes collectives (sentiment d’insécurité intérieure et extérieure avec la menace terroriste, impression d’une altération de la cohésion sociale), lesquelles nourrissent des attentes fortes vis-à-vis du politique.
L’État fait face aujourd’hui à une double menace : les risques qui pèsent sur la soutenabilité financière des comptes publics s’accompagnent d’une inadéquation croissante de sa réponse aux besoins sociaux, qui sape le consentement à l’impôt.
Malgré un niveau élevé de dépenses publiques, la France n’obtient pas de meilleurs résultats que ses voisins sur bien des points, et nous avons laissé se creuser les inégalités dans l’accès à l’éducation, au logement, à la santé ou à l’emploi. Parce qu’elles touchent à des biens essentiels, ces inégalités d’accès sont plus choquantes que les inégalités de revenu monétaire – pour lesquelles la France n’est d’ailleurs pas mal classée. Leur aggravation témoigne d’une déficience cardinale de l’action publique.
Elle mine l’adhésion des citoyens au pacte républicain et leur disposition à contribuer par leurs impôts au financement des services publics.
La logique curative de la protection sociale évince l’action préventive et les investissements – en infrastructures, en recherche et développement, en éducation – nécessaires pour préparer l’avenir. Et la méthode du « rabot », largement utilisée jusqu’ici pour contenir la progression des dépenses, est peu efficace, voire contreproductive, car elle conduit à une paupérisation de la sphère publique, freine la modernisation des services publics et peut déboucher sur des reports de charges. Dans de nombreux secteurs, la fonction publique peine de plus en plus à attirer les talents, comme l’illustrent les difficultés de recrutement d’enseignants.
L’ensemble formé par les institutions de l’Union européenne, l’État, les organismes de sécurité sociale et les collectivités territoriales est perçu comme une machine illisible, handicapée par les doublons, incapable de mener à terme des projets et essentiellement occupée à gérer ses défauts d’organisation et ses conflits internes (entre administrations, entre ministères, entre directions, etc.). Les agents des services publics ne manquent pas de bonne volonté mais s’épuisent à essayer de surmonter le désordre des institutions : la multiplicité des acteurs, l’accumulation des niveaux de responsabilités et la succession des réformes, notamment en matière de décentralisation, sont contradictoires avec les attentes de transversalité, de simplification et d’individualisation du service rendu. Alors même que l’offre de services publics s’est améliorée dans de nombreux domaines, en particulier grâce à l’utilisation des nouvelles technologies 1, les usagers et les citoyens ne font pas crédit aux acteurs publics de ces progrès, qui apparaissent comme en retard par rapport à l’évolution des services privés.

Poursuivre sur cette tendance, c’est prendre le risque de voir enfler critiques et insatisfactions.
Les contribuables estiment en effet que les services fournis sont de moins en moins en rapport avec les impôts dont ils s’acquittent. Les usagers expriment également certaines impatiences : les ménages éprouvent un sentiment d’insatisfaction, voire d’exclusion, envers le service public, et les entreprises considèrent parfois l’État comme un obstacle au développement économique. Les citoyens regrettent de ne pouvoir faire entendre leur voix, ni exercer leur contrôle, tant l’action publique est fragmentée. Quant aux agents publics, ils éprouvent une perte de sens de leur action, ainsi qu’une défiance vis-à-vis des responsables de l’administration.
Or la France n’a pas, au cours des dernières décennies, procédé à un réexamen de ses priorités de dépenses publiques analogue à celui qu’ont opéré la plupart de nos voisins. Par choix délibéré ou sous la contrainte, ceux-ci ont passé en revue leurs programmes de dépense pour décider lesquels il convenait d’accroître, lesquels il convenait de réduire voire d’éliminer, et lesquels recelaient des gisements d’efficience inexploités. En dépit des ambitions affichées par la Révision générale des politiques publiques (RGPP) et la Modernisation de l’action publique (MAP), nous avons régulièrement reculé devant le choix. Quand, par exemple, l’Allemagne a décidé au début des années 2000 qu’elle devait dépenser plus pour l’éducation, et moins pour les transferts sociaux, nous avons choisi de ne pas choisir.
Sans transformation profonde, l’action publique sera fragilisée :
? par la compétition fiscale, conduisant, notamment pour les contribuables les plus mobiles, à une perte d’attractivité de notre territoire ;
? par l’incapacité de l’État à recruter ou à retenir les compétences dont il a besoin pour exercer ses missions cruciales pour le développement du pays ;
? par l’antagonisme entre certains groupes sociaux (potentiellement entre générations) et par diverses expressions de révolte sociale plus ou moins diffuses ;
? par l’illégitimité croissante d’une intervention publique qui serait perçue à la fois comme coûteuse, illisible et inefficace.

Ce rapport veut souligner qu’il est possible d’inverser ces tendances et de redonner à l’action publique son sens et les moyens de son utilité.
L’action publique doit se transformer pour être – à nouveau – un facteur de compétitivité et le ciment de notre cohésion sociale 1. Cette modernisation est possible : les expériences réussies, en France comme à l’étranger, en sont la preuve. Elle suppose de favoriser l’innovation et de s’appuyer sur ces réussites.
Ce rapport cherche ainsi à identifier les lignes de force de l’action publique à dix ans, afin de « recouvrer une puissance publique qui redevienne puissance » comme le disait Thierry Mandon lors de l’atelier-débat organisé à Grenoble, le 23 janvier 2015.
Dans le prolongement du rapport Quelle France dans dix ans ?, remis en juin 2014 au président de la République, qui jetait notamment les bases d’une réflexion sur la refonte d’un État « entreprenant et économe », France Stratégie a voulu s’appuyer sur une démarche participative.
Il s’inspire donc très largement des enseignements recueillis lors des sept ateliers-débats thématiques 2 que France Stratégie a organisés à Paris, à Sénart, à Nantes et à Grenoble, et qui visaient à recueillir les réflexions, les témoignages et les retours d’expérience d’experts français et internationaux, de membres de l’administration, d’élus, de partenaires sociaux et d’acteurs économiques et associatifs. Il s’appuie aussi sur un séminaire qui a réuni des observateurs extérieurs, dont des responsables actuels et passés de l’administration publique.
Tous ces échanges ont permis de mieux mesurer l’ampleur des transformations à anticiper.
En effet, au-delà de la question du fossé qui s’est creusé entre l’action publique et son environnement au fil des ans, des bouleversements très rapides de l’économie et de la société apparaissent. L’un des plus manifestes est la transformation des modèles de création de valeur dans tous les secteurs de services, avec l’essor desplateformes numériques qui modifient profondément les interactions entre acteurs, leurs conditions d’intervention et leurs offres de services, sans cesse plus personnalisées et participatives. En outre, les individus, qui se vivent aujourd’hui à travers de multiples identités tout en partageant globalement les mêmes aspirations, n’ont plus le même rapport aux institutions. Les nouvelles formes de solidarité, d’engagement, notamment chez les jeunes, de rapport au travail et au savoir, et même de consommation, peinent à trouver un écho dans les politiques publiques.

Considérant l’action publique dans son ensemble (fonctions régaliennes, de régulation et de production de services ; politiques publiques et organisation des acteurs publics), le rapport propose une vision commune, nécessaire pour mobiliser tous les acteurs.
Elle doit permettre d’éviter la reconduction des déconvenues rencontrées avec des politiques de modernisation partant d’objectifs
louables et engagées avec ambition et volontarisme, mais qui, rapidement, soit s’enlisent, soit se trouvent bloquées. Pour cela, l’action publique a besoin de « boussoles ». Cinq objectifs nous semblent devoir guider la transformation de l’action publique à l’horizon de dix ans :
1) répondre à des besoins en constante évolution ;
2) expliciter les priorités et leur allouer les moyens nécessaires ;
3) appuyer la modernisation du pays ;
4) rendre des comptes ;
5) impliquer les agents publics.
Leur fil directeur est que la gouvernance de l’action publique doit se transformer radicalement, pour qu’elle cesse d’être une « machine à ne pas choisir » et devienne un « moteur du changement ».
Pour atteindre ces objectifs, cinq leviers d’action prioritaires ont été identifiés :
1) sélectionner et définir les missions ;
2) clarifier les rôles ;
3) mettre les gestionnaires en situation de responsabilité ;
4) diversifier l’offre de service public ;
5) innover et investir pour transformer.
 
(1) Par « action publique », on désigne ici l’ensemble des actions des acteurs publics que sont l’État central, les collectivités territoriales, les administrations de sécurité sociale, les entreprises publiques et les entités privées effectuant des missions de service public.
(2) En 2013, 43 % des Français rejetaient « le principe de l’impôt », selon une enquête Ipsos/CGI pour Le Monde, BFMTV et la Fondation internationale de finances publiques.
(3) Sondage IPSOS, janvier 2014.
(4) Qui se traduit à la fois par l’extension du domaine d’intervention de l’action publique conduite par les institutions de l’Union et par l’encadrement accru de l’action publique nationale par des règles communes, notamment en matière de finances publiques et de services publics.

(1) Le rapport 2014 de l’ONU sur les administrations numériques, « UN E-Government Survey 2014 », classe la France quatrième en termes de e-administration.

(1) Dans ses vœux aux corps constitués, le 20 janvier 2015, le président de la République soulignait que « l’État doit concentrer son action sur les fonctions régaliennes, mais aussi sur les missions de cohésion sociale, de lutte contre les inégalités et de projection dans le long terme. L’État doit être plus déconcentré, plus proche, plus rapide, plus confiant aussi dans ses relations avec les acteurs de la société. Cela suppose que l’État gère mieux ses ressources humaines. L’État a tendance à faire la leçon à tous, et notamment aux entreprises ».
(2) Leur description figure en annexe, ainsi que la liste complète des intervenants.
 
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Categories: 4.2 Société