PRomotion des Initiatives Sociales en Milieux Educatifs

In L’Expresso – le Café Pédagogique – le 11 juin 2013 :

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Professeur au STEF – ENS Cachan, Eric Bruillard est un expert reconnu du numérique. Son analyse est systémique. Pour lui le principal obstacle à l’appropriation des TICE par le système éducatif ce n’ets pas la résistance au changement. Mais le fait qu’il n’y ait pas d’accord sur un modèle de l’Ecole du XXIème siècle.

Vincent Peillon annonce un nouveau plan numérique. Le jugez-vous efficace ?

Si on regarde les plans précédents on voit qu’ils ont toujours eu des éléments positifs mais qu’ils ont été trop partiels. Mon point de vue c’est qu’il manque une vision claire de l’avenir de l’Ecole avec les TICE. Il y a eu beaucoup d’études. On sait que le système doit évoluer. Mais ce n’est pas simple. Va-t-on vers une refondation de l’Ecole ou vers un nouveau plan parcellaire ?

Quand on évoque le retard français on met en cause la forme scolaire, les problèmes de maintenance, d’équipement ou de formation. Quel est le noeud le plus important ?

Tous ces facteurs y participent. Mais dans un système on ne peut pas désigner un élément principal. Si on change un seul élément, le système se protège. Il faut intervenir sur le plan global.

Par exemple, le ministère et les collectivités locales mettent beaucoup de moyens depuis dix ans dans les ENT sans beaucoup de résultats. Comment expliquer cette persistance ?

Un des diagnostics c’est la complexité de ce système où les collectivités payent et n’ont pas de compétences  dans les usages. Ce n’est pas très efficace. C’est une difficulté pour les collectivités de payer et de ne pas avoir d’avis à donner sur les usages. Chacun renvoie la balle vers l’autre. Dans une refondation les choses devraient être clarifiées mais je ne sais pas s’il est prévu de donner plus de compétences aux collectivités territoriales.

Les rapports sur la Corrèze ou les Landes mettent justement en évidence le manque de coordination entre les services de l’Etat et les collectivités locales…

On le sait depuis 2001. Cela n’empêche pas qu’on renouvelle les mêmes types de situations. Le conseil général du Jura vient d’équiper les  collèges de tablettes. Il fait comme en 2001 dans les Landes : il se retourne vers l’Etat pour demander des ressources. Le système ne change pas.

Si un accord entre Etat et collectivités intervenait, les ENT atteindraient-ils leurs objectifs ?

Ce serait juste un verrou en moins.

Que peut-on attendre d’un usage renforcé des TICE par les enseignants ?

Ce qui vient de l’informatique modifie la manière de construire le savoir. On est donc à la base de l’institution scolaire. Comment reconstruire cette institution en tenant compte de cet impact ? On n’intégre pas un élément extérieur mais on s’approprie un élément qui change le système.

C’est donc un problème d’appropriation ?

C’est vraiment un changement en profondeur de l’Ecole. L’appropriation aura un impact sur la forme scolaire. Or il n’y a pas de pilotage par les technologies. Ce sont les organisations, les enseignants qui doivent se transformer. Il faut pour cela une vision de l’Ecole, avoir des idées sur ce qu’on veut à la fin, quel modèle culturel et éducatif. La difficulté est dans l’absence de consensus sur l’Ecole. C’est là qu’est l’enjeu de la refondation.

Propos recueillis par François Jarraud

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