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In La Gazette – le 5 juin 2014 :

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Un mois et demi après une première version du projet de loi de réforme territoriale, la nouvelle mouture que se sont procurés le Courrier des maires et la Gazette des communes (disponible en téléchargement) apporte son lot de modifications. Les règles de modification de la carte intercommunale et les nombreux transferts de compétences vers les régions (ports, collèges, routes départementales) font partie des principales innovations de ce texte post-rédécoupage des régions.

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Acte III de la décentralisation : la réforme pas à pas

  1. Pour les intercos aussi, « big is beautiful »
  2. Ports : les départements à marée basse
  3. Aéroports : l’appel d’air de l’Etat
  4. Les routes départementales aux régions
  5. Les collèges aux régions
  6. Pouvoir réglementaire local : encore raté !
  7. Schémas prescriptifs : sur la bonne voie 

Pour les intercos aussi, « big is beautiful »

En six semaines, la perception par l’exécutif de ce que doit être la taille minimale d’une intercommunalité a tout simplement doublé : les EPCI devront comporter non plus 10 000 habitants, comme prévu par la précédente version du texte, mais 20 000, au lieu de seulement 5 000 aujourd’hui (article 14). Dans l’entourage de Matignon, on justifie ce changement de pied par le « nouveau contexte politique d’aujourd’hui » ; comprendre une carte à 14 régions au lieu de 22, « qui nécessite des intercommunalités plus grosses encore ».

Cette disposition est complétée par la création d’une « procédure dérogatoire au droit commun » permettant au préfet « de créer, modifier le périmètre ou fusionner » tout EPCI à fiscalité propre. Il pourra aussi proposer une modification non prévue dans le schéma après avis de la commission départementale de la coopération intercommunale (CDCI), à même de modifier le projet à la majorité des deux tiers.

En revanche, toujours pas trace dans le texte des dérogations promises par l’exécutif en matière de seuil minimal pour les zones de montage ou peu denses.

Autre modification sur ce volet de la réorganisation intercommunales : la disparition, dans la nouvelle version du texte, de la référence au 1er janvier 2018 comme date butoir pour atteindre aussi bien la multiplication par quatre du seuil minimal des intercos que la réduction du nombre des syndicats d’eau potable, d’assainissement, des déchets, du gaz, de l’électricité et des transports.

L’interco forcée fait son retour – Enfin, le texte prend acte de la décision du Conseil constitutionnel du 25 avril mettant un terme au rattachement d’office à un EPCI à fiscalité propre des communes isolées ou en situation d’enclave ou de discontinuité territoriale.

Un nouveau dispositif est prévu dans lequel l’EPCI auquel il est envisagé de rattacher la commune isolée, ses communes membres ainsi que la commune concernée sont d’abord consultés pour avis, la CDCI pouvant par la suite, si elle le juge pertinent, modifier le projet de rattachement à la majorité des deux tiers.
Une procédure qui « garantit la libre administration des collectivités territoriales concernées » assure l’exposé des motifs.

Le nouveau dispositif permet également aux communes membres de l’EPCI à fiscalité propre, y compris de la commune rattachée, de se prononcer sur la composition du conseil communautaire concomitamment à la consultation de l’EPCI sur le projet de périmètre, à l’instar de la procédure prévue dans les cas de création ou de fusion.

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Ports : les départements à marée basse

Deux compétences nouvelles, liées aux transports, apparaissent dans la dernière mouture du texte. D’abord celle sur les ports (article 11), dont la compétence relève aujourd’hui selon l’exécutif de trop nombreux acteurs locaux depuis que la loi libertés et responsabilités locales du 13 août 2004 qui permit une décentralisation sur la base du volontariat des ports non autonomes relevant de l’Etat.

« La souplesse du dispositif à la demande a toutefois eu pour effet de multiplier les interlocuteurs compétents en matière de gestion des ports », regrette le gouvernement dans son texte. Un constat qui avait déjà poussé le précédent Premier ministre à missionner une sénatrice sur le sujet, dont le rapport est désormais attendu d’ici juillet.

Pour répondre aux « enjeux économiques » et « d’aménagement foncier », le gouvernement veut « regrouper la gestion des ports décentralisés autour de la région et du bloc communal » et supprimer la compétence du département en la matière. A charge ensuite au nouvel appel à candidatures instauré de départager communes, EPCI et régions pour bénéficier du transfert, le rôle d’arbitre en cas d’absence ou de demandes concurrentielles pour obtenir la responsabilité du port revenant au préfet de région.

Aéroports : l’appel d’air de l’Etat

L’Etat juge aussi utile de se débarrasser désormais de « certains aérodromes d’intérêt local utilisés historiquement pour les besoins militaires [mais qui] ont perdu ou vont perdre cette activité », de même que certains aérodromes non transférés aux collectivités malgré la possibilité offerte par la loi du 13 août 2004.

Dijon, Montpellier, Nîmes ou Strasbourg sont particulièrement visés par une décentralisation qui serait ouverte à « toutes les collectivités territoriales intéressées », département compris donc, le tout après sortie de l’Etat du capital de la société aéroportuaire.

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Les routes départementales aux régions

La « dévitalisation » du conseil général, évoquée par le secrétaire d’Etat à la réforme territoriale André Vallini, se traduit dans le projet de loi par le transfert vers les régions des 381 500 kilomètres de voirie départementale. Il s’agit, par-là, de renforcer le leadership des régions en matière d’aménagement du territoire.

« Le transfert des routes départementales s’accompagne du transfert des moyens permettant leur gestion », assure l’exposé des motifs. Une opération qui prendra du temps, tant elle sera lourde sur le plan du statut des personnels, des finances mais aussi en raison de multiples considérations juridiques. « Plusieurs codes » seront « modifiés en conséquence », précise l’exposé des motifs.

Les collèges aux régions

Désormais la région a, seule, la charge de la construction et de l’entretien des établissements publics d’enseignement secondaire. Les collèges, attribués aux départements depuis les lois historiques de décentralisation de 1982-183, lui reviennent. Elle prend aussi à sa charge l’organisation et le fonctionnement des transports scolaires jusque-là assurés par le conseil général.

Une montée en puissance à rapprocher de ses prérogatives dans le domaine de la formation et de l’apprentissage. Elle pourrait s’accompagner, à terme, de nouvelles responsabilités, dans le domaine universitaire cette fois.

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Pouvoir réglementaire local : encore raté !

L’article 1er du projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République « affirme clairement le pouvoir réglementaire reconnu à la région dans le cadre de ses compétences », selon l’exposé des motifs.
Le gouvernement semble accepter de répondre aux récriminations nombreuses formulées à l’encontre de lois et textes réglementaires mal rédigés, trop détaillés ou inadaptés aux spécificités économiques, sociales, culturelles ou touristiques locales. Officiellement donc, un pouvoir réglementaire serait octroyé aux régions. La lecture du dispositif prévu par le projet de loi laisse dubitatif.

« Le pouvoir réglementaire de la région s’exerce dans le cadre des compétences qui lui sont dévolues par la loi », indique l’article 1 du projet de loi. Il lève ainsi les obstacles constitutionnels que pourraient opposer les défenseurs d’une République fondée sur l’égalité. Le professeur Géraldine Chavrier explique en effet que l’adaptabilité des normes au plan local pourrait se heurter, à cadre constitutionnel constant, à deux principes : l’unité de la République et l’égalité.

Mais l’instauration d’un pouvoir réglementaire local serait constitutionnel si chaque loi précise clairement la possibilité d’adaptation, dans un champ déterminé, et sous réserve de ne pas méconnaître une liberté publique ou un droit constitutionnellement garanti.

Pouvoir réglementaire ou de proposition ?

« Par délibérations concordantes, un ou plusieurs conseils régionaux peuvent présenter des propositions tendant à modifier ou à adapter des dispositions législatives ou réglementaires en vigueur ou en cours d’élaboration concernant les compétences, l’organisation et le fonctionnement de l’ensemble des régions », indique ensuite l’article 1.

C’est là que le masque tombe : il n’est plus question de pouvoir réglementaire. La région ne disposerait pas d’un pouvoir normatif quelconque, mais de la possibilité de faire des « propositions » sur des projets de texte en cours ou en vigueur.

Le juriste regrettera aussi, au passage, l’extrême confusion rédactionnelle : un « pouvoir réglementaire », qui permet de faire des propositions sur l’évolution des « lois », « en vigueur ou en cours d’élaboration ». Un peu comme si les rédacteurs du texte avaient oublié la distinction entre la loi et le règlement. A leur décharge, il est vrai que depuis plusieurs mois, recourir au terme générique de « normes » a permis (et entretenu !) toutes les confusions !

Un « pouvoir » filtré

Enfin, il est prévu que « les propositions adoptées par les conseils régionaux en application de l’alinéa précédent sont transmises par les présidents de conseil régional au Premier ministre et au représentant de l’Etat dans les régions concernées ».

Autrement dit, il est simplement octroyé aux régions la possibilité de transmettre à l’Etat leurs propositions. Sans garantie que celles-ci soient prises en compte. Mais quelle différence entre ce « nouveau pouvoir » reconnu aux régions et la pratique bien établie qui consiste, pour les associations, à formuler leurs propositions et contre-projets, ou à initier des amendements ?

Sauf à ce que le débat parlementaire donne du corps à l’article 1 du projet de loi, il ne concerne en rien, en l’état, l’octroi d’un quelconque pouvoir normatif. Le projet de loi « affirme clairement le pouvoir réglementaire reconnu à la région ». Mais il est aussi très clairement loin de l’établir, voire de l’aborder vraiment.

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Schémas prescriptifs : sur la bonne voie

Le projet de loi est aussi marqué par la montée en puissance de la région en matière économique. Selon l’article 2 du texte, « la région est la catégorie de collectivité territoriale qui détient de plein droit la responsabilité de la compétence du développement économique régional ». Reste à savoir comment la région pourra imposer l’exercice de ses compétences aux autres collectivités territoriales. C’est le mécanisme du « schéma prescriptif » qui est choisi. Et les écueils constitutionnels semblent bien avoir été évités.

Plusieurs schémas – Selon l’article 2 du projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République, la région définit les orientations en matière de développement économique sur son territoire en adoptant un schéma régional de développement économique, d’innovation et d’internationalisation. L’article 6 prévoit quant à lui l’élaboration par la région d’un schéma régional d’aménagement et de développement durable du territoire (SRADDT), « document de planification majeur (…) ».

Ces deux schémas sont clairement doté d’une valeur « prescriptive ». Reste à savoir ce que recouvre cette notion.

Plus que le « chef de filât »… – Il faut en premier lieu se référer au cinquième alinéa l’article 72 de la Constitution : « Aucune collectivité territoriale ne peut exercer une tutelle sur une autre. Cependant, lorsque l’exercice d’une compétence nécessite le concours de plusieurs collectivités territoriales, la loi peut autoriser l’une d’entre elles ou un de leurs groupements à organiser les modalités de leur action commune. »

C’est cette disposition qui avait alimenté le débat sur le « chef de filât », perçu comme un moyen de rationaliser l’exercice des compétences enchevêtrées des collectivités territoriales. Sans définition juridique, le « chef de filât » est souvent considéré comme un pis-aller à une réorganisation structurelle.

Le projet de loi suit à la lettre la Constitution.

Selon l’article L. 1511-1 I du CGCT, le schéma régional de développement économique, d’innovation et d’internationalisation organise la complémentarité des actions menées, sur le territoire régional, par les collectivités territoriales et leurs groupements en matière d’aide aux entreprises. Et s’agissant du schéma régional d’aménagement et de développement durable du territoire (SRADDT), le projet d’article L. 4251-2 du CGCT dispose que « des règles générales sont énoncées par la région pour contribuer à mettre en œuvre les orientations et atteindre les objectifs fixés dans le rapport, utilement et sans méconnaître les compétences de l’Etat et des autres collectivités ni excéder les possibilités reconnues aux documents sectoriels auxquels le schéma régional d’aménagement et de développement durable du territoire se substitue. Ces mesures peuvent varier selon différentes parties du territoire régional. »

Une valeur « prescriptive » ! – L’exposé des motifs du projet de loi est clair : le « schéma régional de développement économique, d’innovation et d’internationalisation, à valeur prescriptive (…) ». De façon analogue, « Le SRADDT est doté d’effets prescriptifs à l’égard des documents d’urbanisme (schémas de cohérence territoriale – SCOT, plans locaux d’urbanisme – PLU) élaborés par les communes ou leurs groupements compétents.

La compatibilité à la rescousse – Pour parer l’obstacle d’inconstitutionnalité qui pourrait être opposé à la valeur prescriptive des schémas, au nom du principe de non tutelle d’une collectivité sur une autre, le projet de loi joue donc la carte du rapport de compatibilité (et non de conformité).

Une notion juridique éprouvée en matière de documents d’urbanisme. Ainsi, le nouvel article L. 1511-1 du CGCT prévoit que « « Les actes des collectivités territoriales et de leurs groupements en matière d’intervention économique sont compatibles avec ce (schéma régional de développement économique) ». De façon analogue, le nouvel article L. 4251-4 du CGCT prévoit que les chartes de parc naturel régional, les schémas de cohérence territoriale et, en l’absence de schéma de cohérence territoriale, les plans locaux d’urbanisme, les cartes communales ou les documents en tenant lieu, les plans de déplacement urbains ainsi que les plans climat-énergie territoriaux sont compatibles avec les mesures de caractère général du fascicule spécifique de ce schéma.

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