PRomotion des Initiatives Sociales en Milieux Educatifs

In Le Nouvel Observateur – le 21 juin 2014 :

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La capitale des Vosges dépasse largement les ambitions de Vincent Peillon. Et propose des activités périscolaires vraiment ambitieuses.

A force d’entendre quelques maires répéter combien la réforme des rythmes scolaires est "onéreuse", "coûteuse", "exorbitante" – y compris des édiles de villes pas vraiment démunies comme Nice ou Levallois-Perret – on a presque fini par oublier que, sauf exception, le budget des communes relèvent d’abord d’un choix politique : celui de privilégier, ou non, les écoliers et leur bien-être.

Voilà 25 ans que ce choix, Epinal l’a fait avec une ambition qui dépasse même celle de Vincent Peillon, l’initiateur de la réforme des rythmes scolaires. Le chef-lieu des Vosges ne compte que 35.000 habitants et 43% de logements sociaux, mais depuis 1989, la moitié des écoles de la ville bénéficient en effet d’un emploi du temps aménagé et d’activités périscolaires volontaristes. Ceci, alors que la ville est "tenue" par l’UMP (tendance gaullisme social), preuve que les orientations scolaires outrepassent le clivage gauche-droite.

Pertinence de la réforme

Pour sa rentrée 2014, Epinal a sauté sur les "assouplissements" proposés par le ministre de l’Education nationale Benoît Hamon. Non pour regrouper le périscolaire sur une seule après-midi – une manière de vider la réforme d’une partie de sa pertinence, comme l’a fait Lyon – mais pour alléger le nombre d’heures travaillées par semaine.

C’est en effet une possibilité méconnue offerte par le décret Hamon : celui de réduire la semaine à 23 heures (au lieu de 24), ce qui représente trente-six heures en moins sur l’année. Lesquelles sont rattrapées par quelques jours de vacances raccourcis – en accord avec la communauté enseignante.

En l’occurrence, à Epinal, les cours démarrent un quart d’heure plus tard quatre jours par semaine. Ces minutes rognées sont rattrapées par une poignée de jours de congés en moins en juillet et une semaine en août. Cela a un double effet positif : alléger les emplois du temps des enfants, qui sont, de l’avis de tous les chronobiologistes, bien trop lourds en France comparés à ceux de nos voisins ; réduire la durée des congés estivaux, ces huit longues semaines auxquelles le ministre Peillon avait tenté – en vain – de s’attaquer.

Voile, golf, théâtre…

Si Epinal est parvenue à s’accorder avec la moitié de la communauté enseignante locale, "c’est parce que nous n’avons pas cherché à les convaincre : nous les avons d’abord écoutés, raconte Michel Heinrich, ancien adjoint à l’éducation et aux sports de Philippe Séguin, et maire depuis 1997. En 1989, la loi Jospin permettait d’aménager le temps scolaire, nous avons cherché ensemble l’intérêt des enfants."

Un intérêt qui consistait alors à concentrer les cours le matin (temps où la concentration des enfants est la plus importante) et à réserver les après-midi à des activités sportives et culturelles offertes par la ville : voile, golf, théâtre, kayak, escalade… Soit une semaine réduite à 22h30, ce qui a occasionné un rabotage de pas moins de trois semaines de vacances ! "Des semaines allégées et des activités périscolaires de qualité permettent aux enfants d’être moins fatigués et plus épanouis", soutient Michel Heinrich, satisfait d’avoir rallié à ses expérimentations les établissements les moins favorisés – conscients que c’est leur intérêt d’avoir, en classe, des élèves plus concentrés.

Effort budgétaire

Paradoxalement, c’est la droite aux affaires (la loi de 2008 instaurant la semaine des quatre jours) qui empêche de moduler les congés scolaires et coupe Epinal dans son élan, même si les activités périscolaires gratuites se poursuivent.

Aujourd’hui, les deux décrets Peillon et Hamon permettent à la vosgienne de renouer avec des bonnes pratiques, même si ils lui laissent moins de marge de manœuvre que par le passé. Bien sûr, ce choix a un coût : un million d’euros par an, ce qui représente un effort budgétaire important pour une commune de cette taille. Il n’a, en tout cas, pas empêché Michel Heinrich d’être réélu aux dernières municipales… dès le premier tour.

Arnaud Gonzague – Le Nouvel Observateur

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