PRomotion des Initiatives Sociales en Milieux Educatifs

In IFRAP – le 6 juin 2013 :

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Si la politique éducative suédoise se caractérise aujourd’hui par sa déconcentration et son adaptabilité aux besoins locaux, voire par une politique du cas par cas, il s’agissait dans les années 1970 d’une politique très centralisée. Tous les gouvernements suédois successifs ont réformé le système éducatif pour une plus grande flexibilité et une responsabilisation des échelons locaux [1]. Les élèves sont le cœur même du système suédois qui est allé jusqu’à mettre fin au statut de fonctionnaire des enseignants, lui préférant un système de rémunération à la performance dont les montants sont fixés suite à des négociations entre syndicats et municipalités. La liberté de choix des élèves et de leurs parents est également assurée par la montée de l’enseignement privé, gratuit car sous subventions municipales, où des méthodes alternatives sont proposées par des associations ou des sociétés privées qui se sont lancées dans la création de chaînes d’écoles indépendantes.

Depuis les années 1990, la politique éducative du pays renoue avec la préférence pour la gouvernance locale de la Suède. Les 290 municipalités et leurs établissements assurent le fonctionnement et le financement du système éducatif avec, comme seule contrainte, le respect des grandes lignes du programme national, tout en veillant à proposer un enseignement adapté aux conditions locales et aux besoins des élèves. Si une formation n’est pas proposée par une municipalité, celle-ci a le devoir de trouver une place dans une commune voisine à l’élève demandeur.

Une responsabilité nationale assurée par les municipalités et les écoles

La responsabilité globale du système suédois incombe au Parlement (Riksdag) et au gouvernement qui fixent les buts et les grandes lignes de la politique éducative du pays. Une spécificité du système suédois réside dans les effectifs réduits des ministères, environ 150 personnes, qui délèguent ensuite la gestion des politiques publiques à des agences nationales et aux municipalités.

Concernant la politique éducative suédoise, 4 agences nationales sont responsables :
- L’Agence Nationale pour l’Éducation Suédoise, la plus influente, veille à la conduite de l’éducation publique, l’évalue et verse les subventions aux municipalités. Elle organise également la formation des enseignants.
- L’Agence Suédoise pour l’Éducation Spéciale est responsable de la formation des étudiants souffrant d’un handicap ou de difficultés d’apprentissage.
- L’Agence Nationale pour l’Éducation Supérieure se préoccupe des activités universitaires.
- L’Agence Nationale des Services à l’Université et aux Collèges Universitaires supporte l’Agence Nationale pour l’Éducation Supérieure en organisant les finances et l’administration des universités.

Vient ensuite le niveau local, puisque depuis 1991 les municipalités et les comtés gèrent la politique scolaire. Les 21 comtés suédois (Iän ou régions) assurent l’éducation des adultes en difficulté d’apprentissage (särvux) et gèrent les écoles spécialisées dans l’agriculture, la sylviculture et l’horticulture. Les 290 municipalités suédoises, quant à elles, gèrent les activités scolaires au quotidien et sont très libres quant aux choix des moyens pour atteindre les objectifs nationaux. Chaque mairie doit cependant exposer un plan scolaire (local skolplan) où elle présente les mesures misent en place pour parvenir aux objectifs pédagogiques nationaux. En plus de devoir assurer un enseignement adapté aux besoins locaux, les municipalités sont aussi responsables de l’enseignement spécial (enseignement des enfants sourds ou souffrant de problèmes d’audition dans des établissements spécialisés, des enfants souffrant de difficultés d’apprentissage, de l’éducation des enfants sámi [3] dans des écoles réservées et de l’enseignement du suédois aux immigrants).

Les écoles sont aussi libres d’adapter leurs méthodes de travail aux besoins de leurs élèves afin d’assurer une meilleure éducation pour chacun. Le choix de la méthode éducative est laissé aux enseignants qui doivent s’accommoder des spécificités locales. Chaque établissement doit également rédiger un plan de travail mettant en lien ses méthodes de travail et le programme officiel, ainsi qu’en présentant les priorités locales en matière d’éducation. Ces plans sont remis et évalués par les agences nationales concernées.

L’enseignement supérieur et la formation professionnelle

L’enseignement supérieur est la responsabilité de l’État Suédois qui le finance à 88% (directement ou indirectement avec des systèmes de subventions aux autorités locales ou aux comtés). En moyenne, 50 milliards sont dépensés chaque année dans l’enseignement supérieur soit près de 1,67% du PIB [4]. Une des caractéristiques du système réside dans la subvention étudiante que perçoit chaque jeune inscrit à l’université, sans distinction aucune. En plus de prendre en charge les frais de scolarité, l’État verse une subvention de 1.050 SEK/mois à chaque étudiant pour couvrir ses frais de logement et d’alimentation [5]. Elle a pour but de soutenir la participation dans l’enseignement supérieur à temps plein. D’autres subventions particulières existent pour les étudiants en difficultés financières et demandent, cette fois, l’examen d’un dossier par les pouvoirs publics. Dès 2005, les Suédois affichaient une participation de 50% d’une tranche d’âge à l’université et un taux élevé de validation de doctorat (2,7%) [6].

L’État et les municipalités se partagent la responsabilité pour la formation professionnelle. Les municipalités se chargent de la formation professionnelle dans l’enseignement secondaire supérieur et de la formation professionnelle des adultes. L’État délègue sa responsabilité à l’Agence Nationale pour la Formation Professionnelle dans l’Enseignement Supérieur qui organise la coopération entre les acteurs publics et les acteurs privés. À ce niveau, la formation peut s’effectuer en entreprise, dans des établissements publics administrés localement ou à l’Université.

Un enseignement privé financé par les municipalités

L’une des spécificités du système scolaire en Suède concerne l’enseignement privé qui doit respecter le principe de gratuité de l’éducation suédoise. Tout le monde peut ouvrir une école privée sous condition de respecter les objectifs pédagogiques nationaux et d’accueillir tous les élèves désirant y étudier. Une fois agréée par l’Inspection Nationale des Établissements Scolaires, ces écoles indépendantes (fristående skolor) reçoivent obligatoirement de la part des municipalités, la somme que ces dernières auraient dépensées dans l’éducation de ces élèves en fonction de leur âge et de leur formation. Depuis l’entrée en vigueur de cette réforme en 1992, le pourcentage d’élèves inscrits dans l’enseignement privé, alors presque nul, est en hausse jusqu’à atteindre 10% en 2009 [7]. Enfin, les écoles indépendantes, accessibles à tous, semblent booster la performance des écoles publiques alentour, en favorisant la compétition et la comparaison, et améliorer le niveau général des élèves [8].

L’un des effets inattendus de cette réforme, est le développement de chaînes d’écoles indépendantes manageant plusieurs établissements à la fois. La plus grande, Kunskapsskolan, possède 28 établissements à travers le pays formant ainsi près de 10.000 élèves et employant plus de 800 personnes. Une fois qu’elles ont réussi à monopoliser un grand nombre d’élèves et donc de subventions, ces chaînes réalisent des bénéfices puisqu’elles engendrent un retour sur capital de 5 à 7% par an, notamment par une meilleure gestion de leur budget (choix de partenariats plus avantageux, dépenses réduites pour les locaux…). L’intérêt commercial de ces chaînes qui ont l’interdiction de faire payer des frais de scolarité supplémentaires, résident dans leur capacité à satisfaire les élèves et les parents sur le long terme afin de percevoir des subventions publiques tout en rationalisant leurs dépenses. Elles présentent ainsi un management de l’argent public alternatif qui peut être directement mis en comparaison avec l’enseignement municipal.

Un financement par le bas, majoritairement issu des impôts locaux

Le financement de l’enseignement suédois est majoritairement pris en charge par les municipalités à travers la perception des impôts locaux [9] qui représentent 68% de leurs revenus (voir graphique). En 2011, sur un budget local de 517 milliards de SEK, 40% étaient versés pour des dépenses d’éducation. En tout, le coût de l’éducation en Suède est assuré à 80% par les municipalités [10] qui distribuent les ressources matérielles et financières aux établissements, organisent leur fonctionnement et payent le personnel. Les aides de l’État aux municipalités viennent sous la forme de subventions générales (14% du budget total) et de subventions particulières (4% du budget total) pour une période donnée. Depuis 2005, le budget des municipalités est soumis au nouveau système d’égalisation des finances. Afin que les municipalités livrent des services de qualité équivalente à travers le pays, un rééquilibrage de leur budget public est effectué. Dans cette logique, les municipalités les plus riches payent une charge à l’État suédois qui redistribue cette somme sous la forme de subventions aux municipalités les plus pauvres.

Source : Département de l’Education (Skolverket) – Beskrivande data 2012 Förskola, skola och vuxenutbildning.

Un système unique de versement des salaires des enseignants, local et individuel

Le versement des salaires du personnel enseignant suédois est unique dans la mesure où, au début des années 1990, suite à des négociations entre les syndicats d’enseignants et les municipalités, l’État met fin au système centralisé avec des échelons de rémunération fixes et abroge le statut de fonctionnaires des enseignants. Aujourd’hui, les rémunérations des professeurs se calculent localement et de manière individuelle, sans plafond mais avec un salaire minimum de base. L’idée était de responsabiliser les employeurs, lier salaire et performance ainsi que de stimuler l’efficacité, la productivité et la qualité du travail.

Les conditions d’emplois sont négociées par l’organisation des employeurs (SALAR) et les syndicats d’enseignants. Les salaires sont, eux, négociés entre chaque municipalité et les syndicats des professeurs, généralement tous les 5 ans afin d’établir un salaire minimum, l’étalement des augmentations et le montant des bonus pour les professeurs performants. Le dernier accord, négocié en 2010 [11], a rigidifié le système d’augmentation en liant davantage les résultats pédagogiques aux montants des rémunérations. Ce sont les chefs d’établissements qui évaluent la performance des enseignants d’un établissement, avec des entretiens en tête à tête, mais certaines municipalités sont en train de mettre en place un système d’évaluation des professeurs par les étudiants. Ce système explique les écarts de rémunérations des enseignants entre les municipalités, voire entre les établissements d’une même commune (voir tableau).

Salaires annuels à temps pleins des professeurs dans l’enseignement public en 2011.

  Salaire minimum Salaire maximum Salaire moyen
  SEK EUR SEK EUR SEK EUR
Pré-primaire 252 000 27 908 321 600 35 615 286 800 31 762
Primaire 261 600 28 971 363 600 40 267 312 000 34 552
Enseignement secondaire inférieur 261 000 28 971 363 600 40 267 312 000 34 552
Enseignement secondaire général supérieur 284 400 31 496 390 000 43 190 33 7200 37 343
Formation professionnelle 288 000 31 894 381 600 42 260

Source : OCDE, Teachers’ and School Heads Salaries and Allowances in Europe, 2011/12.

Conclusion

Après des années de réformes, le système éducatif suédois se présente comme l’un des plus atypiques avec sa micro-gestion au niveau municipal, autant dans la gestion matérielle que financière, et par l’abandon du statut de fonctionnaire des enseignants. Ces réformes successives ont permis une très forte adaptabilité des programmes, des formations et des méthodes d’enseignement, aux élèves qui sont placés au cœur du système scolaire. Les enseignants ne sont donc pas perçus comme une autorité contraignante mais plutôt comme des accompagnateurs. Ces particularités du système en Suède s’expliquent par l’approche différente que les Suédois ont de l’Éducation. Le but du système est de responsabiliser les élèves très tôt sur leur avenir, de réduire l’impact du milieu social sur les résultats, de mener les étudiants à valider des diplômes universitaires et d’effectuer le parcours le mieux adapté à leur personnalité.

 


[1] European Educational Research Journal, Volume 1, Number 4. Lisbeth LUNDAHL – From Centralisation to Decentralisation : Governance of education in Sweden. 2002.

[2] European Educational Research Journal, Volume 1, Number 4. Lisbeth LUNDAHL – From Centralisation to Decentralisation : Governance of education in Sweden. 2002.

[3] Les Sámis sont issus du peuple lapon, le plus grand groupe d’autochtones européen. Il se caractérise par une langue commune et vit au nord de la Suède, de la Norvège, de la Finlande et d’une partie de la Russie.

[4] Governement Offices of Sweden : Education and Research.

[5] En 2012, les subventions étudiantes s’élevaient à 22 milliards SEK pour l’État suédois, soit près de 2,6 milliards d’euros versés à 900.000 étudiants.

[6] The Swedish National Agency for Higher Education.

[7] Source : PISA 2009 Results : What Makes a School Successful ? Resources, Policies and Practices (Volume IV), Table IV.3.9.

[8] Source : Independent schools and long-run educational outcomes– evidence from Sweden´s large scale voucher reform. The Institute for Evaluation of Labour Market and Education Policy.

[9] Traditionnellement en Suède, et au nom de la gouvernance locale, les municipalités sont très autonomes et se partagent la collecte de l’impôt avec les comtés et le gouvernement. Les municipalités ne sont d’ailleurs pas sous le contrôle des comtés mais la coopération est privilégiée. De manière générale, les municipalités gèrent 70% de la dépense publique et emploient 1/4 des travailleurs suédois dans leurs services.

[10] Départment de l’Education (Skolverket) : Skolverkets lägesbedömning 2013.

[11] Source : OECD Review on Evaluation and Assessment Frameworks for Improving School Outcomes Country Background Report for Sweden – September 2010

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