PRomotion des Initiatives Sociales en Milieux Educatifs

Invitée à participer à la table ronde « la grande école numérique » le 27 août à Ruralitic,   voici quelques réflexions suite aux propos échangés avec l’animateur François Constantin en amont du débat :

FC : Pourquoi les collectivités territoriales encouragent-elles la numérisation des écoles ?

ML : Les collectivités ont la nécessité absolue de mettre en place le numérique pour des objectifs sociétaux, politiques, économiques, culturels. Il s’agit de soutenir et de développer les valeurs démocratiques et des valeurs de la République. Et c’est le rôle des collectivités.

Voici quelques objectifs que les collectivités se sont assignés :

  • Simplifier les accès à l’information pour les citoyens et le fonctionnement administratif
  • Conserver de l’activité en zones rurales
  • Donner de l’attractivité aux territoires éloignés des métropoles
  • Conserver valoriser le patrimoine et diffuser l’information
  • Défendre à la fois l’accès citoyen et l’accès économique par la mise en place de médiations numériques et services
  • Replacer l’école au centre d’un écosystème éducatif et culturel
  • Assurer le maintien et le développement des valeurs républicaines.

FC : Dès lors que les contenus sont accessibles en ligne, hors les murs de l’école, quelle est la valeur ajoutée de l’école et de l’enseignant ?

Nous avons une difficulté à la mesurer encore aujourd’hui car la réussite nait de la pédagogie associée à la technologie et  que de nombreux facteurs entrent dans l’acte éducatif « réussi ».

Les bénéfices ne sont pas visibles dans les connaissances des élèves (ce que nous avons l’habitude d’évaluer) mais dans des compétences. Et les compétences nécessaires aujourd’hui dans un monde connecté se développent dans les interactions, les échanges et les partages, les pratiques collaboratives. Elles se perçoivent dans les façons d’appréhender l’information et les connaissances, de développer créativité et capacité d’innovation, de savoir publier et utiliser les réseaux découvrir des outils en adéquation avec ses projets, pouvoir s’auto-évaluer.

 La valeur ajoutée pour l’enseignant est du même ordre et il peut également poursuivre sa formation avec des contenus en ligne. Il peut utiliser l’espace virtuel hors de l’école pour donner aux élèves des contenus ciblés.

FC : Une pratique pédagogique émergente : la classe inversée.

 De quoi s’agit-il ?

« La classe inversée n’est plus une nouveauté aujourd’hui. Apparue aux Etats Unis il y a une dizaine d’année puis au Canada. Elle a débarqué en France il y a 3 ans. Pour rappel, la classe inversée consiste  à inverser le concept traditionnel de la classe, certes un peu caricatural : cours en classe, travail d’application à la maison ». http://www.educavox.fr/classes-inversees

Twittclasses, webdocumentaires, podcasts, geolocalisation, écriture collaborative, échanges e-twinning, cartes heuristiques, travail sur l’image numérique, activités de codage, réalisation de vidéos…autant d’activités qui apportent de nombreuses compétences et des possibilités de projets de création de publication et d’échanges. 

http://www.educavox.fr/dossiers/decouvrir

FC : Quelles sont les conséquences de la numérisation des supports et de la dématérialisation des contenus sur l’apprentissage ?

Voici quelques points de réflexion :

  • La position de l’école dans un écosystème numérique où l’information est disponible partout.
  • L’évolution des modes de pensée, du système hiérarchisé, de la position de l’enseignant dans cet écosystème
  • Les pratiques collaboratives
  • Les rapports à la lecture,  à l’écriture et à l’information
  • L’évolution des métiers et l’adaptation de l’école
  • La redéfinition des compétences indispensables au monde d’aujourd’hui
  • L’impérieuse nécessité d’une E-formation continue et d’un accompagnement des équipes enseignantes.
  • Une des conséquences qui me semble particulièrement positive, c’est l’espoir de la mise en place progressive d’une certaine continuité éducative.

Nous plaidons à l’An@é depuis des années sur l’idée qu’on ne peut créer sans arrêt des ruptures au sein de l’école : ruptures politiques brutales, gestion les structures et les équipements de manière différente par les collectivités, approches pédagogiques …Le numérique offre la possibilité de liens au sein de la communauté éducative. C’est un sujet que nous développons actuellement au sein de l’association et nous recueillons des expériences en ce sens.

FC : En matière de supports et de contenus, quelles sont les attentes des enseignants ?

Les enseignants souhaitent avant tout l’interopérabilité des supports et des contenus accessibles transformables, adaptables à leur projet de classe, du temps de concertation, du temps de formation. Ils souhaitent un système scolaire apaisé, valorisant, se sentir en adéquation avec leurs valeurs éducatives et leurs formations reçues, ils souhaitent la confiance et l’encouragement à l’innovation, un cadre politique qui restaure la confiance des parents et de la société en leur Ecole.

FC : Formation des codeurs : le privé est-il en train de préempter le secteur ?

Si on observe le développement des écoles qui mettent le code informatique en promotion de leurs enseignements on voit bien que les métiers de l’informatique sont une voie d’avenir dont s’est emparé le secteur privé.

Cependant les collectivités et les associations mettent en place de nombreuses animations pour sensibiliser les jeunes  à la culture numérique dont le code fait partie.

Encore là l’école a pris du retard…Le problème est aussi lié à la mise en place des nouveaux temps scolaires. On s’est appuyé sur un consensus de temps à modifier, des études vieilles de trente années sans  y intégrer les évolutions technologiques.

Il était nécessaire d’avoir une démarche plus systémique, d’assurer un continuum éducatif avec les équipes enseignantes, assurer une égalité sur le territoire en matière culturelle sportive et numérique par un travail sur l’opérationnalisation des objectifs… bien sûr cela demande des moyens qui aujourd’hui se raréfient. On a aussi un peu « forcé la main des collectivités » ce qui bien sûr, crée des tensions. L’école est soumise aux idéologies ne l’oublions pas quoi qu’on en dise.

Il faut actuellement s’arrêter sur toutes les dispositions prises par l’Etat et laisser les équipes s’approprier les évolutions et les changements. Et il reste à souhaiter une certaine continuité dans la volonté de poursuivre les réformes engagées car les changements ne peuvent se mesurer que sur un temps long…Le processus de l’apprentissage est lent et nécessite le suivi d’une classe d’âge qui ne subirait pas de rupture majeure dans les orientations pédagogiques…

En ce qui concerne précisément la mise en place d’une culture numérique on voit bien quelles sont les objectifs à atteindre.

http://www.education.gouv.fr/pid29064/ecole-numerique.html?gclid=CJCQgL_TvscCFcSRGwod4DgMPQ

Et voici par exemple l’Arrêté du 17 juillet 2015 fixant le programme d’enseignement d’informatique et création numérique en classe de seconde générale et technologique

http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000030964520&dateTexte=&categorieLien=id

« A l’issue de cet enseignement, les élèves devraient avoir acquis et construit des repères sur :

  • une première approche de l’informatique, en tant que science du traitement automatisé de l’information : ses fondements, ses concepts, ses langages, ses dispositifs et ses productions ;
  • la place de l’informatique et des applications du numérique dans la société, les enjeux que porte l’informatisation dans l’accès aux connaissances et à la culture, dans l’innovation et la création, mais aussi dans le rapport à l’identité individuelle et au lien social. »

« Cet enseignement privilégie un apprentissage par la mise en activité et en projet des élèves. »

« Les enseignants peuvent encourager les élèves à recourir, dans une démarche autonome, aux ressources disponibles à l’auto-formation : tutoriels, e-learning, cours en ligne ouverts. Cela peut permettre de mettre en place des situations pédagogiques dans lesquelles les enseignants proposent des activités ciblées sur les problèmes de compréhension des élèves. De plus, en fonction du contexte de l’établissement, les enseignants peuvent travailler en collaboration avec des partenaires extérieurs : fab lab, centres de culture scientifique technique et industrielle (CCSTI), associations, collectivités, entreprises, etc. »

FC : Qu’est-ce que la e-citoyenneté, peut-on l’enseigner et si oui comment ?

L’E-citoyenneté c’est avant tout de la citoyenneté. Et on vit tous les jours les paradoxes à l’échelle mondiale, la difficulté de vivre ensemble et les enfants observent,  subissent,  voient des exemples quotidiens amplifiés par l’information télévisuelle…C’est là, particulièrement dans l’amplification, l’exposition aux médias et dans les réseaux sociaux que réside la e-citoyenneté. Elle s’enseigne par la pratique et non par la morale, par l’exercice d’une analyse critique du monde, par la mise en œuvre de projets de création, d’activités ludiques, de publications. La citoyenneté hélas doit s’exercer dans un monde où les valeurs sont bafouées …

D’où la nécessité d’une accélération nécessaire, pour nous tous, responsables, acteurs de l’éducation,  dans la mise en place de la grande Ecole numérique !

Pour aller plus loin :

http://www.educavox.fr/reportage-de-l-an-e/content/194-le-forum-des-auteurs-d-educavox-2014/

http://www.educavox.fr/democratie

http://www.educavox.fr/pratiques-collaboratives

http://www.educavox.fr/mooc-s

Michelle Laurissergues

Lire la suite : http://www.educavox.fr/accueil/debats/une-grande-ecole-numerique

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