PRomotion des Initiatives Sociales en Milieux Educatifs

In Comment ça marche – le 12 mars 2013 :

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Quelle place assigner aux réseaux sociaux dans le cadre scolaire ? Au-delà des débats caricaturaux, ces outils dédiés à la communication peuvent trouver leur place en situation pédagogique, au côté des outils d’apprentissage dits « traditionnels ».

François Lamoureux, professeur des écoles et directeur de l’école rurale de Gaujacq dans les Landes, utilise depuis un an Twitter pour des travaux de production écrite dans ses classes de CE1 et de CE2.

Une utilisation qui accompagne le développement de certaines compétences à l’écrit, en adéquation avec les capacités d’expression des élèves de cet âge. Et qui s’entoure naturellement de certaines précautions.

Le retour d’expérience de François Lamoureux sur cette expérimentation sobrement intitulée « Twittclasse ».

CCM – Pouvez-vous vous présenter, et présenter les grandes lignes de votre approche du numérique appliquée à la pédagogie?

François Lamoureux – Je suis professeur des écoles depuis maintenant 7 ans. Je travaille dans la petite école rurale de Gaujacq dans les Landes, école dont je suis le directeur depuis 3 ans.

J’ai la chance d’avoir à ma disposition un vidéoprojecteur et 8 tablettes tactiles. J’ai choisi d’intégrer quotidiennement les outils numériques à mes pratiques pédagogiques en réponse aux attentes des programmes officiels, mais aussi, car ils apportent un plus aux apprentissages, notamment auprès des élèves en difficultés.

CCM – Vous avez récemment expérimenté l’intégration de Twitter dans la classe : pouvez-vous expliquer le fonctionnement de ce dispositif, et ses objectifs en matière d’apprentissage?

FL – Depuis maintenant un an, j’utilise le réseau social Twitter avec mes élèves de CE1 et de CE2 avec le compte classe @ce1_ce2_gaujacq.

Cette démarche, inspirée par d’autres enseignants notamment Laurence Juin (en lycée), Alexandre Acou (CM2) et Jean-Roch Masson (en CP), a démarré comme une expérimentation d’un nouvel outil et s’est vite révélée porteuse d’apprentissages et de plaisir à produire de l’écrit.

L’objectif premier de l’utilisation de Twitter en classe, c’est la production d’écrit et l’observation de la langue. Twitter est un simple outil qui vient se greffer aux outils traditionnels que j’utilise en classe.

« Twitter ajoute une dimension communicative à l’écrit et à l’étude de la langue »

Nous avons un compte Twitter pour la classe. Il est géré par un adulte (l’enseignant). Les élèves s’en servent pour publier de courtes productions, des photos (comptes rendus d’expériences) ou des liens vers des productions plus longues.

Twitter joue ainsi le rôle d’un blog de classe, mais il se révèle beaucoup moins chronophage. Car il faut bien l’avouer, les enseignants manquent de temps pour utiliser les outils numériques en classe. Avec les tablettes, Twitter nous permet de valider les compétences exigées par les programmes officiels au travers d’un brevet obligatoire à l’entrée de la sixième (le B2i) non pas en instaurant « l’informatique » comme une matière, mais en intégrant le numérique dans les apprentissages.

Twitter ajoute une dimension communicative à l’écrit et à l’étude de la langue. Les élèves comprennent vite l’intérêt de produire un écrit de qualité dans le but d’être compris. Ils savent également qu’ils vont être lus et que par conséquent, leurs productions doivent être totalement exemptes d’erreurs de français.

La production d’un tweet se fait en 3 étapes :

  • D’abord, l’élève rédige sa production au brouillon sur son cahier, il la retravaille, la relit, s’appuie sur des supports de classe pour en éliminer les erreurs.
  • Une fois la production rédigée, retravaillée et débarrassée de ses erreurs, elle est réécrite sur une grille de 140 cases pour vérifier qu’elle ne dépasse pas le nombre de caractères imposé (c’est rarement le cas à cet âge, mais si la production est plus importante, on la publie tout de même via un autre système).
  • Enfin, le tweet est envoyé depuis un ordinateur ou une tablette après vérification par l’enseignant.

Je donne de nombreux exemples d’activités de production d’écrite sur mon blog (voir plus bas) :

CCM – De quelles précautions faut-il s’entourer pour intégrer Twitter dans des activités pédagogiques d’après votre expérience ?

FL – Je pense qu’il est nécessaire de bien informer les familles, mais aussi les enfants. C’est l’occasion de faire un point sur la gestion de l’identité numérique. Il est important de parler avec les enfants de ce qu’on peut mettre sur internet et ce qu’on ne peut pas.

En un an et demi, il n’y a jamais eu le moindre message malveillant adressé à la classe. Au contraire, de nombreux échanges bienveillants, notamment avec des collègues enseignants ou des parents d’élèves, ont lieu et donnent parfois naissance à des réactions originales et inattendues. Dans le doute, j’ai quand même configuré le compte Twitter de la classe sur mon smartphone et je le surveille de près.

L’utilisation de Twitter a également donné lieu à la rédaction par les élèves d’une charte d’utilisation qui est scrupuleusement respectée. L’occasion de réfléchir à notre rôle de citoyen numérique.

CCM – Les détracteurs de Twitter disent souvent que l’expression en 140 caractères est susceptible de pénaliser l’acquisition de certaines compétences langagières ou de certaines habiletés à l’écrit. Qu’en pensez-vous ?

FL – Effectivement si nous devions nous exprimer en permanence en 140 caractères, il y aurait de quoi s’inquiéter. C’est pour cela que nous multiplions au maximum les supports de production. Twitter en est un, mais nous publions des productions plus conséquentes sous la forme de liens insérés dans Twitter, mais aussi tout simplement et comme dans n’importe quelle classe sur leurs cahiers. La richesse est dans la diversité des supports.

« Les outils numériques et les outils traditionnels se complètent d’une manière étonnante »

Cependant, il faut bien garder à l’esprit qu’en CE1, on sait lire depuis moins d’un an et produire un écrit de 140 caractères est une tâche extrêmement complexe. C’est en cela que Twitter est particulièrement adapté à mes élèves d’un point de vue pratique.

Il ne faut pas tomber dans une espèce de fantasme courant qui consiste à penser que, parce qu’ils utilisent le numérique, les enfants n’écrivent plus sur du papier ou se renferment sur eux même. Twitter est un supplément à des méthodes « classiques » et dans la cour de récréation, mes élèves jouent au ballon, à cache-cache etc.

Les outils numériques et les outils traditionnels cohabitent à merveille et se complètent d’une manière étonnante. Enfin, une dernière précision : le correcteur d’orthographe est, bien entendu, désactivé.

CCM – Quelle a été la réaction globale des enfants, et leur progression sur les objectifs que vous vous étiez fixés ?

FL – De manière générale, c’est souvent un casse-tête pour les enseignants d’amener leurs élèves à produire de l’écrit : donner le goût d’écrire est un sacré défi. C’est cela que Twitter a aidé à régler dans ma classe. Les élèves aiment produire, s’appliquent, se relisent et mettent en oeuvre des procédures complexes pour produire des écrits de qualité. Ils aiment communiquer avec d’autres classes (certaines à des milliers de kilomètres de notre petite école).

Au-delà de cela, ce sont les élèves en difficultés, ceux qui, d’habitude, n’osent pas produire, ceux qui sont en conflit avec l’écrit, qui s’en trouvent motivés et qui trouvent en Twitter une envie d’avancer. Ils travaillent sans en avoir l’impression, tout en acquérant les compétences qu’on attend d’eux dans n’importe quelle classe.

CCM – Quels conseils donneriez-vous à des enseignants tentés par une expérience similaire ?

FL – Tout d’abord, il vaut mieux soi-même avoir expérimenté Twitter, pour en connaître les codes et les différents aspects. Ensuite, je conseillerais à ces enseignants de s’abonner à des comptes de Twittclasses ainsi qu’à ceux de leurs enseignants. Twitter est aussi le lieu d’échange de nombreux enseignants et acteurs de l’éducation. Il y a beaucoup d’échanges entre nous, des projets qui naissent, qui aboutissent, des expérimentations. Ça vaut le coup de rejoindre cette salle des profs virtuelle.

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Categories: 3.3 Compétences

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