PRomotion des Initiatives Sociales en Milieux Educatifs

Comment s’est construite la laïcité à la française ? Vendredi 27 novembre, l’IREA accueillait en ouverture de son colloque deux historiens, Antoine Prost et Claude Lelièvre, pour évoquer la naissance de la laïcité en France. Une double réflexion qui sert finalement à éclairer l’action présente…

La laïcité pratique sociale…

« Les martyrs chrétiens sont les premiers laïcs ». Antoine Prost ouvre sa conférence sur ce paradoxe apparent en expliquant que le christianisme sépare pour la première fois l’Etat et la religion. Quant à la laïcité contemporaine, elle nait au 19ème siècle du combat des républicains pour une nouvelle société. Car, rappelle A. Prost, l’Eglise se déclare à l’époque contre la société moderne. Par exemple, l’Encyclique de 1864 condamne toute idée d’adaptation de l’Eglise au monde moderne . Elle invite à résister à l’autorité venue de la nation. Le combat des républicains est donc un combat de société. Ils construisent une société moderne, laïque, appuyée sur l’école.

C’est tout le travail de J. Ferry que de laïciser l’Ecole à une époque où nombre de maitres des écoles publique sont des religieux. C’est l’objectif de la loi Goblet de 1886. En même temps Ferry rassure les parents. Les tribunaux condamnent les excès de chaque camp. Ainsi en 1908, un instituteur qui avait traité, en classe, les croyants d’imbéciles est condamné. Mais l’Amicale des instituteurs fait aussi condamner un archevêque qui assimile l’école publique au diable…

Faut-il aller plus loin ? La question se pose au tournant du 20ème siècle avec l’affaire des congrégations. On passe alors à une nouvelle étape avec la tentation pour l’Etat d’imposer une doctrine laïque.  E Combes applique avec une dureté inouïe la loi sur les congrégations. 2 500 écoles libres sont supprimées du jour au lendemain. Il veut interdire l’enseignement aux anciens congréganistes. Mais il se heurte à Clémenceau qui dénonce le monopole de l’Etat en éducation. « Quelle concile de pions définira la doctrine du jour ? », demande-t-il. « On a détrôné le pape. Vive l’Etat pape !  » L’Etat pape ne verra pas le jour. Pour Antoine Prost, l’Etat abandonne alors toute idée d’imposer une doctrine.

Le modèle de société laïque l’emporte jusqu’à aujourd’hui. « Aujourd’hui l’enjeu est à nouveau un modèle de société », explique A. Prost. « On à nouveau des types de religions qui différencient les pratique sociales ce qui n’était pas le cas du temps des laïques et des anti-laïques ». C’est de nouveau le modèle de société, le vivre ensemble qui sont attaqués.

Et combat politique

 Claude Lelièvre fait une lecture politique de la naissance de la laïcité. Pour lui J. Ferry prend garde de distinguer le catholicisme, pour qui il marque du respect, du catholicisme politique. Ce qui lui importe c’est la question politique pas la question religieuse. « Nous sommes entrés dans la lutte anticléricale. Nous avons voulu la lutte anticléricale mais la lutte anti religieuse jamais », dit-il.

Ainsi les « devoirs envers Dieu » restent dans les programmes officiels jusqu’à un arrêté de 1923 qui va les supprimer… pour les rétablir aussitôt. Finalement ils disparaissent sous Vichy dans les instructions de Carcopino. « Pendant 60 ans l’école républicaine a enseigné les devoirs envers Dieu » rappelle C Lelièvre.

De la même façon « l’enseignement du fait religieux » a traversé toute la Vème République alors qu’à plusieurs reprises on prétend l’instituer. Les programmes de 2008 par exemple instituent cet enseignement. Mais en 2010 une proposition de loi prévoit encore une fois de les « instituer ». Cela illustre le décalage entre les programmes scolaires et le discours politique, le combat politique sur la laïcité. Une recherche menée par une thésarde montre que les manuels proposent les mêmes têtes de chapitre et les mêmes documents tout au long de la Vème République.  « Si un instituteur s’oubliait assez pour instituer un enseignement outrageant pour les croyances religieuses de n’importe qui il serait sanctionné », avait écrit déjà Jules Ferry à la fin du 19ème siècle.

Mais en même temps, Ferry lutte contre la neutralité politique du corps enseignant.  L’Ecole doit faire aimer la République et Ferry attend des instituteurs un engagement républicain. Un combat poursuivi dans les générations suivantes. « La plus perfide manoeuvre des ennemis de l’école laïque c’est de la rappeler à la neutralité et de la condamner ainsi à avoir ni doctrine ni efficacité.. La neutralité serait une prime à la paresse de l’intelligence », dit Jaurès. Claude Lelièvre appelle à relever aujourd’hui ce flambeau des valeurs républicaines dans un combat politique qui soit aussi le combat de la science et de la raison.

François Jarraud

Le programme

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Categories: Laïcité