PRomotion des Initiatives Sociales en Milieux Educatifs

Comment s’est développé un mépris combiné pour les classes populaires et pour le travail manuel. Une politique scolaire qui considérerait avec une égale dignité toutes les voies de formation adresserait un signal fort, socle d’une réconciliation dont chaque scrutin hurle l’urgence.

Les milieux populaires et les moins diplômés votent majoritairement FN – les élections départementales l’ont encore confirmé (1). De prime abord, ces faits peuvent paraître redondants : quoi qu’elles votent, ces deux « catégories », pour l’essentiel, n’en forment qu’une. Pour autant, les questions que cette équation pose au PS ne sont pas forcément de même nature; il existe une dimension strictement scolaire au divorce consommé, depuis un certain 21 avril, entre la gauche et les milieux populaires. 

La gauche semble pourtant n’avoir toujours pas compris que son discours tournait à vide, alors même que chacun a bien saisi que son catéchisme égalitariste (mixité sociale et diversité des talents) ne constituait guère qu’un storytelling destiné à souder, sur le terrain, les énergies qui peuvent encore l’être. Ces énergies, cette foi en la puissance émancipatrice du savoir, existent encore, çà et là, si bien qu’un tel discours conserve malgré tout une vertu, modeste mais authentique. 

Mépris pour la voie professionnelle

La réalité du système, elle, exsude un âpre cynisme. Un seul exemple, mais qui en dit tellement long : les critères de performance des académies, internes à l’administration, valorisent le taux de passage du collège vers le lycée général et technologique. En clair : moins vous orientez d’élèves vers le lycée professionnel, meilleur recteur vous êtes. L’Education nationale aura beau expliquer que toutes les voies ont la même valeur, l’une d’elles demeure moins digne que les autres : comme par hasard, celle qui concentre le plus d’élèves issus des milieux populaires… 

Le mécanisme est de même nature quand les bacheliers professionnels frappent à la porte de l’université : alors même que c’est un gouvernement socialiste (celui de Laurent Fabius, en 1985) qui, créant ce nouveau diplôme professionnel, a décidé de lui conférer le grade de baccalauréat, tout est fait, aujourd’hui, pour éviter que les récipiendaires de ce diplôme profitent du droit qui lui est attaché – entrer à l’université. Pourquoi ne pas admettre, si tel est le cas, qu’il y a eu erreur et que le bac pro est incompatible avec une poursuite d’études à la fac ?  

Ici encore, ce qui est donné d’une main, celle du discours aux intentions généreuses, est repris de l’autre, celle du mépris, qu’on voudrait croire inconscient, pour la voie professionnelle, qui est au fond moins une voie de relégation (nombre de ses diplômés tirent leur épingle du jeu) qu’une voie reléguée en ces confins de l’imaginaire où la gauche arrime la réussite scolaire. 

Divorce entre les partis modérés et les milieux populaires

Le dernier qui, au sein d’un gouvernement de gauche, s’est élevé contre ce mépris combiné pour les classes populaires et pour le travail manuel est aujourd’hui en rupture avec les socialistes : il s’agit de Jean-Luc Mélenchon, ministre délégué à l’Enseignement professionnel entre 2000 et 2002, dans l’équipe de Lionel Jospin. Depuis, le PS, par ailleurs déserté de longue date par les ouvriers, n’a jamais assumé la formidable hypocrisie d’un système qui, sous le couvert de démocratisation de la réussite scolaire, exige de ceux qui en sont le plus éloignés au départ de passer sous les fourches Caudines des codes éducatifs et sociaux donnant accès à la performance académique la plus traditionnelle. 

La droite, qui n’aime rien tant que brocarder le Parti socialiste des enseignants et des notables de la fonction publique pour avoir rompu avec les classes populaires, aurait tort de pavoiser : en matière électorale, ce qui vaut pour le PS vaut pour l’UMP et, dans une moindre mesure, pour l’UDI et le MoDem. En effet, l’augmentation du nombre d’électeurs en fonction de l’élévation de leur niveau d’études est encore plus forte à l’UMP qu’au PS. 

Une politique scolaire qui considérerait avec une égale dignité toutes les voies de formation ne suffirait pas à rétablir la confiance entre les partis modérés et les milieux populaires. Mais elle adresserait un signal fort, socle d’une réconciliation dont chaque scrutin hurle l’urgence. 

(1) Sondage Ifop/Fiducial pour Les Echos, 24 mars 2015. 

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Categories: 4.2 Société