PRomotion des Initiatives Sociales en Milieux Educatifs

ÉCHEC SCOLAIRE : Terme faisant partie du langage commun, le mot est chargé de sens différents. Il faut opposer, d’abord, l’échec à l’école et l’échec de l’école, mais il faut ensuite :

1. distinguer échec et retard, ce dernier pouvant être la traduction d’une situation d’échec (redoublement) ou ne pas l’être (retard du primo-arrivant non francophone) ;
2. distinguer l’échec à l’examen, de l’échec dans la poursuite d’un cursus scolaire ou universitaire (mécanismes de sélection et d’auto-sélection) ;
3. opposer l’échec par non-obtention d’un résultat et l’échec, sentiment d’échec par non-réalisation d’une ambition.

L’échec scolaire est apparemment un concept pratique, parce que facilement opérationnalisable à partir de l’analyse des « décrocheurs» ou "d’incidents critiques" dans le cursus scolaire : redoublement, abandon des études, passage dans une classe spécialisée ou dans une filière moins sélective, etc.

Mais ces critères officiels sont insuffisants. La tendance actuelle est au camouflage de la sélection, par exemple derrière des classifications pseudo-qualitatives, masquant des hiérarchies de réussite (ou d’échec) bien réelle.

L’échec scolaire est le produit d’une histoire de la scolarisation de masse. Sous la III’ République, A. Binet et F. Buisson employaient le terme, "déchet" pour distinguer les enfants qui ne réussissaient pas. Le vocable d’échec scolaire ne figurait pas dans les discours de cette période. Il apparaît seulement en 1960, dans le fichier analytique de la Bibliothèque nationale. Selon V.lsambert-Jamati l’«explosion» de la notion d’échec scolaire est un phénomène concomitant à l’explosion scolaire des années soixante : «Non seulement le retard, mais "l’échec" devient un "problème social", puisque le niveau d’études en question est devenu nécessaire pour participer normalement à la vie sociale, en particulier professionnelle. »

L’émergence de l’échec scolaire comme « problème social» pour l’école et la société a été étudié par les sociologues. Tout se passe comme si le système scolaire fonctionne comme une "colonne à distillation fractlonnée ». A. Prost. Bien que les portes de l’École aient été ouvertes au plus grand nombre d’élèves par-delà les statuts sociaux, la réussite scolaire reste liée très massivement au statut social de la famille d’origine c’est l’idée de « l’héritage culturel» de P. Bourdieu et J.e. Passeron, 1964. Les héritiers sont dotés d’un «capital subtil fait de savoirs, de savoir-faire et de savoir-dire». Généralement. les «héritiers» bénéficient en moyenne d’un cumul des avantages par opposition aux "boursiers" qui additionnent les handicaps (« effet Mathieu»; effet pervers désigné par les économistes américains en référence à la parabole des talents).

Le GFEN, 1974, refuse le fatalisme biologique comme le fatalisme sociologique. les jeux ne sont pas faits à six ans. les "dons" n’existent pas. Le maître d’école ne peut se résoudre à perdre la bataille contre les inégalités sociales. S. Royal. alors député, 1988, rappelait à l’Assemblée nationale qu’«un enfant de cadre supérieur ou d’enseignant possède un vocabulaire trois fois plus varié que celui d’un enfant d’ouvrier et ses chances d’accès à l’Enseignement supérieur sont vingt fois supérieures. », et plus récemment, J. P.laurens, 1992, estimait la réussite scolaire en milieu populaire à 1 sur 500. « Un enfant d’ouvrier n’a, en réalité, qu’une chance sur cinq cent d’accéder au titre d’ingénieur grâce à l’école : ils sont à peu près 376000 à naître chaque année au début de la décennie soixante, alors qu’ils sont environ 700 par an à sortir diplômés d’une école d’ingénieurs française en cette fin de décennie quatre-vingt ». Selon les enquêtes ministérielles de la direttion de l’évaluation et de la prospective, MEN, sur un plan statistique, l’échec scolaire semble avoir régressé ces dernières années. Mais cette évolution notable, positive, ne compense pas dans l’opinion les déceptions individuelles devant l’incapacité de l’école à réaliser l’ascension sociale. « L’ascenseur social» serait-il bloqué ?

On parle d’"échec" pour désigner une situation où un objedif éducatif n’a pas été atteint. Pour E.lansman et Y. Tournier, 1985, il se définit comme "un écart entre les résultats attendus et les résultats obtenus. Il se définit par rapport à un seuil, en dessous duquel il y a frustration pour l’acteur (l’élève), insatisfaction pour le formateur (maître, gestionnaire, parents) et un manque à gagner pour le système (école, société). Une manière d’apprécier la grandeur de l’échec individuel, peut être la distance qui sépare l’attente ou les demandes d’une part et les résultats obtenus d’autre part. "

Évoquant l’étude de Coleman, M. Cherkaoui, 1986, s’interroge sur les variables susceptibles de déterminer la réussite scolaire : l’ensemble des représentations des élèves eux-mêmes. Trois expressions des motivations des élèves ont été étudiées en rapport avec la variable dépendante : la première, est l’intérêt que l’élève accorde à l’école ; la deuxième, l’image qu’il a de lui-même ; la troisième, est ce que les auteurs de l’étude appellent "le sens du contrôle de l’environnement". C’est-à-dire que la réussite et inversement l’échec, semblent être très liés aux perceptions des élèves, à leur évaluation de l’environnement, selon qu’ils l’estiment transformable ou immuable.

L’importance capitale de ces variables est fortement soulignée par les auteurs de l’étude qui écrivent : "De toutes les variables mesurées dans cette enquête, y compris toutes les mesures relatives à l’héritage familial et à toutes les variables scolaires, ces attitudes ont la plus forte relation avec la réussite à tous les niveaux de l’étude considérés."

L’échec scolaire est multifactoriel, on y retrouve les inégalités d’ordre naturel (handicaps … ), les inégalités culturelles et le fonctionnement inégalitaire de l’institution scolaire. Parmi les théories interprétatives de l’échec scolaire, un courant de recherches analyse la distance culturelle des enfants de certains milieux par rapport à l’école et impute cette distance à une «orientation culturelle », caractéristique de tel ou tel groupe social qui peut se traduire au niveau de la structure de la personnalité (motivation à la réussite), au niveau d’un système de valeurs, au niveau des attitudes et des représentations. Après avoir rappelé que l’«échec scolaire» est un objet socio médiatique et qu’il vaudrait mieux parler d’élèves «en situation d’échec scolaire », B. Charlot, 1998, parle du« mystère» du lien entre l’origine sociale des enfants et l’échec ou la réussite scolaire. Peut-être l’histoire scolaire de l’enfant permet-elle d’éclairer une partie de cette interrogation.

Des travaux psychologiques ont étayé l’hypothèse que l’échec scolaire serait plutôt une suite d’interactions manquées. La bonne entente du couple, la disponibilité affective, l’encouragement à l’autonomie, la vigilance sur les horaires, les loisirs et le travail des enfants sont des comportements familiaux statistiquement liés à la réussite scolaire. Des problèmes de santé peuvent aussi être la source d’un déficit attentionnel en dasse.

L’insuccès concerne le fameux triangle Socio-pédagogique : enfant-école-milieu socio-familial et les mobilisations scolaires des différents acteurs de ce drame, "dont le texte n’est pas établi d’avance", A. Touraine. Si l’échec scolaire n’est pas une fatalité, il ne faudrait pas croire pour autant qu’on puisse faire reculer l’échec scolaire, jusqu’à supprimer l’orientation par l’échec. "Tel que notre système scolaire est construit, dans notre société telle qu’elle l’utilise, l’orientation est nécessairement une orientation par l’échec." A. Prost, 1985.

L’appréciation de l’échec scolaire est relative et évolutive. L’échec scolaire est-il une fatalité ? Pour A.Cordié, 1993, « les cancres n’existent pas». Pourtant c’est un phénomène sociologique à l’échelle de l’Europe, R.Rivière, 1991. L’échec se réfère implicitement à des normes scolaires propres à chaque pays : l’élève qui échoue, c’est celui qui n’a pas acquis dans le délai prévu, les nouvelles connaissances et les nouveaux savoir-faire que l’institution, conformément aux programmes, prévoyait qu’il acquiert. Le retard scolaire prend valeur de symptôme prédictif de l’échec scolaire, quand celui-ci se traduit par une orientation (sanction). Autrement dit, l’échec scolaire n’est pas simplement une absence de réussite, il est aussi une expérience à laquelle des élèves sont confrontés dans leur scolarité et leur rapport aux savoirs, A. Jellab, 2001.

"Le niveau monte" Baudelot & Establet, 1989, et avec lui, la perception de l’acuité de l’échec scolaire, en particulier pour les petits diplômés et les plus éloignés de la qualification, et l’on peut craindre que le nombre de ceux qui s’estimeraient "ratés" ne fera que croître. Ainsi un grand quotidien du soir, à la suite d’un rapport critique sur trente années de lutte contre l’échec scolaire et constatant que 15% des élèves ne maîtrisent pas les compétences de base, titrait "L’échec scolaire, défi majeur de l’éducation", (Le Monde du 7 février 2005).

Le Haut Conseil de l’évaluation de l’école, (HCEE, C. Forestier et C. Thélot, 2007), souligne l’inefficacité du "traitement de la grande difficulté scolaire" et du "redoublement dans les petites classes" et impose une nouvelle définition de l’échec "lourd" : aux 60 000 jeunes qui quittent l’école sans qualification, il faut ajouter les 70 000 à 80 000 élèves qui, chaque année, quittent l’école en ayant échoué au CAP ou au BEP, ainsi que les 30 000 élèves qui, eux, quittent le lycée sur un échec au baccalauréat général ou technologique. Soit un total de plus de 160 000 élèves, soit plus de 20 % d’une génération. 

La modernisation de notre société ne devrait pas conduire inéluctablement à un accroissement du nombre des exclus mais tout au contraire, permettre le développement des potentialités de chacun et la promotion du plus grand nombre.

Collège ; Décrochage ; École primaire ; Égalité des chances ; Évaluation ; lycée ; Normativité ;…

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