PRomotion des Initiatives Sociales en Milieux Educatifs

Les attentats meurtriers perpétrés les 7, 8 et 9 janvier derniers au siège de l’hebdomadaire Charlie Hebdo, à Montrouge et Porte de Vincennes ont porté atteinte aux valeurs qui fondent notre République et notre École. Pour répondre aux besoins qui pourraient s’exprimer au sein des écoles et des établissements, un ensemble de ressources est d’ores et déjà à disposition des équipes pédagogiques et éducatives. Cette page en regroupe une sélection. Elles peuvent être mobilisées pour nourrir des débats argumentés et mener un travail pédagogique dans la durée.

Comment parler d’un drame de l’actualité aux élèves ?

Quelques principes

  • Moduler son attitude pédagogique selon l’âge des élèves : à l’école maternelle, du début à la fin de l’école élémentaire, au collège…
  • Accueillir l’expression de l’émotion des élèves, sans sous-estimer, y compris chez les très jeunes enfants, leur capacité à saisir la gravité des situations ;
  • Rassurer les élèves : l’école est un espace protégé ; l’évènement s’est déroulé dans un lieu et un temps circonscrit, même si les média en parlent et diffusent plusieurs fois les images ;
  • Etre attentif au « niveau de connaissance » que les élèves ont de l’évènement : certains élèves peuvent n’en avoir aucune connaissance ; d’autres ne disposer que d’éléments partiels, voire erronés, provenant de sources variées. Il faut aider à clarifier les termes entendus et répétés, pour que les enfants ne restent pas enfermés dans un présent dominé par la peur.
  • Respecter la sensibilité des élèves (le sentiment de peur, d’incompréhension, d’injustice, de révolte…) ;
  • Respecter l’émotion de la communauté éducative et s’appliquer à la mettre à distance ;
  • Construire une réflexion problématisée, par-delà le seul évènement, qui s’inscrive dans le cadre des programmes d’enseignement (enseignement moral et civique, littérature, histoire, arts…) ; définir en équipe pédagogique les actions envisagées, en prenant appui sur tous les acteurs de la communauté éducative.
  • Informer les responsables légaux, pour les élèves les plus jeunes, des actions pédagogiques entreprises.

Après évaluation de la situation et en cas de besoin, privilégier les co-interventions, notamment avec les personnels sociaux et de santé, afin de recueillir des paroles exprimant un mal-être et d’orienter le cas échéant, vers les espaces infirmerie, cabinet médical et bureau de l’assistant de service social des élèves ayant besoin d’une pris en charge médico-psychologique.

Pour aller plus loin : Aborder un événement collectif violent

Quelques repères pour agir à l’école primaire

Depuis le début des événements qui ont frappé le pays, les élèves ont été exposés, plus particulièrement du fait de leur vulnérabilité, à l’impact médiatique de la crise. Des images violentes, l’expression d’adultes en désarroi, des commentaires au contenu et au ton dramatiques, sur les antennes et dans la sphère privée, ont été le quotidien du plus grand nombre. Dans ce contexte, ils ont également éprouvé la force et la dignité des mobilisations solidaires de réprobation.

Les besoins et les difficultés qui s’expriment dans les écoles renvoient à ce que peuvent vivre les élèves dans des configurations beaucoup plus localisées, à l’occasion de drames, de crises violentes dans leur environnement scolaire.

Aujourd’hui, le périmètre touché est beaucoup plus important. L’appui aux élèves relève néanmoins des organisations développées pour prendre en charge les suites des drames plus localisés.

Distinguer les situations

Il faut distinguer, parmi les situations, différents degrés de proximité. Dans les quartiers ou/et pour un public directement confrontés aux violences (proximité, médiatisation), la place des cellules d’écoute sera importante. Les recteurs et DASEN, souvent en lien avec les cellules d’urgence médico-psychologiques (CUMP) auront à intervenir.
Il n’est pas exclu, que pour des raisons multiples (événements violents dans le proche environnement dans un passé plus ou moins lointain) certains groupes scolaires puissent également bénéficier d’un appui de cette nature.

Accueillir l’expression de l’émotion des élèves

Tous les enfants n’ont pas le même rapport à la mort (âge, expérience familiale, sujet évoqué ou non en famille, religion, sujet tabou ou non…) tous, au-delà de la diversité de leurs expériences, ne s’exprimeront pas de manière similaire.

Des élèves peuvent exprimer des interrogations, de la peine (un gros chagrin), des inquiétudes, des angoisses en relation avec des situations de stress. Certains peuvent tenir des propos précis et directs (mais ainsi révéler l’événement à d’autres, épargnés jusqu’alors par ces images).

Il n’appartient pas aux enseignants de faire effraction dans les représentations des élèves : des élèves de l’école maternelle, ou parfois du début de l’école élémentaire, pourront avoir une « pensée magique » : les morts se relèvent, ils sont endormis, ils ont fermé les yeux… Ces élèves n’en restent pas moins sensibles au climat de danger et perméables à l’agressivité.

Eviter d’insister : s’inscrire dans des moments brefs et de ne pas interroger les élèves au-delà de leur propre disponibilité et volonté d’expression.

S’appuyer sur le collectif

Il est important que les adultes puissent accueillir ces expressions, et sachent, collectivement, adapter leurs conduites. Les enseignants eux-mêmes peuvent craindre de ne pas pouvoir aborder sereinement toutes les questions. Dans ce cas, une organisation particulière de l’école pourrait permettre de répondre et d’accueillir les élèves qui le souhaiteraient (à la récréation ou dans une organisation particulière de l’école). Le RASED peut être associé à la préparation du travail avec les élèves.

Les IEN et leurs conseillers pédagogiques sont mobilisés pour répondre aux questions d’organisation des équipes pédagogiques ou, le cas échéant, intervenir en appui des ressources du département (réseau de crise, groupe d’appui). Les équipes mobiles de sécurité (EMS) peuvent également être sollicitées.

En aucun cas, confrontés à des élèves montrant une difficulté plus particulière, les personnels ne multiplieront les questionnements : ils informeront le médecin scolaire, l’IEN et, surtout, préviendront les parents de l’enfant.

S’appuyer sur les organisations habituelles de l’école

Le sens de l’école et des apprentissages scolaires, les routines, les repères de l’emploi du temps et surtout, le contact d’adultes rassurants dans leurs conduites et leurs propos sont susceptibles d’aider à dissiper les inquiétudes et à revenir à un quotidien apaisé.

Souvent, l’accueil, en maternelle ou à l’école élémentaire, s’accompagne de rituels (découverte du calendrier, de la météo du jour), expression sur les événements du week-end, tour de parole des élèves (« quoi de neuf ? »). Parfois, l’actualité – à l’école élémentaire – est systématiquement commentée. Ces moments pourront être investis pour répondre, avec une précision adaptée à l’âge du public, aux évocations spontanées des élèves à propos des événements.

Adapter le propos à l’âge des élèves

Les enseignants auront, par la mise à distance, un rôle protecteur et pourront, le cas échéant, revenir sur le déroulement des faits.

L’âge des élèves, la nature et la forme de ce qu’ils expriment, le caractère et le moment de cette expression – plutôt individuelle, plutôt collective – peuvent guider les personnels sur les conduites à tenir, de même que l’organisation habituelle des moments de dialogue entre élèves et avec les adultes, dans l’école ou la classe.

À l’école maternelle : Parfois, la référence à l’apaisement, au retour à la normale suffiront à rassurer les élèves. Des jeux de coopération, des activités en groupes restreints, peuvent être l’occasion d’expression des élèves que l’enseignant saura prendre en compte (reformulation). Par le dessin libre, les enfants pourront exprimer ce qu’ils ont perçu de l’actualité et leurs préoccupations. Le cas échéant ils pourront, avec l’adulte, commenter leur dessin.
En cas d’émergences agressives et/ou émotionnelles, les enseignants aideront les élèves à poser ses mots sur ce qu’ils ont perçu, sur ce qu’ils tentent d’exprimer. L’enseignant s’adressera aux élèves en utilisant des formulations générales et simples, notamment en référence aux valeurs fondamentales (le bien/le mal, le juste/l’injuste, le respect de la personne…).

À l’école élémentaire : Les élèves peuvent avoir intégré le concept de mort et associer aux actes leurs conséquences. L’irréparable étant commis, c’est autour de la réprobation générale, de la force de la Loi, de la protection du public, du rôle de protection qu’ont les adultes à l’égard des enfants que pourraient se développer les échanges avec eux.

Au cycle 2, les explications données par l’enseignant seront un peu plus précises sur le déroulement de l’évènement, en s’attachant à ne pas laisser perdurer des représentations erronées. Attention toutefois à ne pas montrer des éléments bruts (et brutaux) relatifs au drame.

Au cycle 3, l’enseignant pourra revenir sur le déroulement de l’évènement en le présentant de manière factuelle et en élucidant certains termes, afin d’en faciliter la compréhension par les élèves.
Avec les élèves les plus âgés, les discussions pourront se développer autour des sujets relatifs à la devise républicaine, à la liberté d’expression, au refus des discriminations…

De manière générale,

  • s’appuyer sur les interactions adultes-enfants mais aussi entre enfants pour aider à comprendre, partager, mettre à distance, se projeter et ne pas subir ;
  • rendre les élèves actifs (dessiner, écouter/lire une histoire, dialoguer, débattre, écrire…) pour libérer la parole, tout en acceptant l’attitude d’un élève qui ne souhaite pas s’impliquer.

Dessins, textes peuvent permettre aux élèves de s’exprimer, leur donner l’occasion de contribuer au sens et à la reconstruction. Ces traces, qui doivent avoir un usage inscrit dans le temps permettent aussi, parce qu’on les commente, de montrer qu’il est autorisé de s’exprimer, y compris à propos de sujets aussi difficiles et perturbants, que les adultes peuvent accueillir cette expression.

Maintenir la vigilance

Les équipes resteront vigilantes relativement à la persistance de préoccupations chez certains élèves, manifestée par des comportements inhabituels (isolement, tristesse, agressivité…) et communiqueront vers les personnels spécialisés et les parents des élèves concernés.

Anticiper d’éventuelles réactions hostiles

Des élèves (et leurs familles) peuvent manifester une opposition à toute évocation à l’école de ces moments dramatiques. Les personnels pourront rappeler la nécessité :

  • de rassurer les élèves par rapport à des événements qui ont un impact national et les rendre ainsi plus disponibles aux apprentissages scolaires ;
  • de préciser le cas échéant la neutralité de l’école ;
  • de rappeler la différence entre un délit pénal (appel à la haine, antisémitisme, apologie du terrorisme) et le droit à l’expression critique, même impertinente.

Des enfants peuvent tenir des propos manifestement hostiles ou inacceptables, légitimant, par exemple, l’agression de certaines personnes victimes des attentats. La référence à la réprobation collective, nationale et internationale, à l’autorité de l’Etat pour permettre le « vivre ensemble » doit alors être évoquée, sans entrer en discussion polémique avec les élèves concernés. Les parents sont alertés, leur attention attirée sur la gravité des propos ou des attitudes de leurs enfants. Ils sont reçus par l’enseignant, le cas échéant accompagné d’un collègue et la situation rapportée aux autorités de l’école.

Aborder les principes fondateurs de la République à l’école primaire

A l’école maternelle, c’est dans les comportements quotidiens que se développe la connaissance de soi et des autres.

L’activité ludique met à jour les conceptions des jeunes enfants, leurs représentations sociales et culturelles sur lesquelles le maître prend appui pour verbaliser les émotions et les sentiments, dans le cadre sécurisant et structurant du « faire semblant ».

Dans les histoires racontées ou lues, les jeunes enfants mobilisent leurs expériences personnelles, leurs visions du monde et leurs connaissances de la littérature pour comprendre le comportement des personnages.

Tous les événements de la vie scolaire sont propices à des prises de conscience des différences et des ressemblances et au respect de l’intimité de chacun, de son intégrité physique et psychique, non seulement dans les actes mais aussi dans les paroles qui sont échangées entre adultes et enfants ou entre enfants.

A l’école élémentaire, l’enseignement moral et civique, la littérature (albums, romans, BD, contes, poésie, théâtre), l’histoire, les arts visuels, la musique, sont autant de domaines d’enseignement qui permettent d’aborder les valeurs et les symboles de la République, le respect de l’intégrité de la personne humaine, l’importance de la règle et du droit, le refus des discriminations de toute nature et les enjeux de la solidarité nationale.

Les œuvres de littérature pour la jeunesse, quelles soient classiques, patrimoniales ou contemporaines, sont des ressources précieuses pour aborder les principes et les valeurs de la vie en société.

La définition des règles de vie de la classe, si elle ne saurait à elle seule résoudre les problèmes de relations entre enfants, permet d’aborder un certain nombre de normes et de valeurs : respect d’autrui, tolérance, acceptation de la règle…

L’initiation au débat argumentatif permet d’aborder de grandes questions morales (le bien / le mal, le juste / l’injuste…) et de faire l’expérience d’une décentration de son propre jugement.

L’étude des œuvres d’art offre de faire l’expérience d’une émotion esthétique tout en abordant de grandes problématiques humaines qui ont traversé l’histoire.

À consulter  Les pages éduscol sur la Citoyenneté

Construire la réflexion et organiser le débat au collège et au lycée

Pour donner son efficacité pédagogique au débat argumenté, il convient de suivre les règles qui l’organisent et, s’il n’a pas été possible de l’inscrire dans un travail préalable, de le prolonger par des travaux d’élèves produits en commun à l’aide de ressources documentaires variées. Dans tous les cas, tout débat argumenté doit donner lieu à une réflexion rétrospective menée en classe. Le débat argumenté, qui fait écho au caractère délibératif de la démocratie et au principe du contradictoire dans la justice, constitue un exercice de citoyenneté à part entière.

Thématiques susceptibles d’être abordées 

Liberté d’expression

La liberté d’expression, principe fondamental à valeur constitutionnelle, est définie à l’article 11 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789 comme le droit à la « libre communication des pensées et des opinions », dans les limites fixées par la loi. L’article 19 de la Déclaration universelle des droits de l’homme du 10 décembre 1948 définit quant à lui la liberté d’opinion et d’expression comme « le droit de ne pas être inquiété pour ses opinions et celui de chercher, de recevoir et de répandre, sans considération de frontières, les informations et les idées par quelque moyen que ce soit ».

Apprendre aux élèves à mesurer la porté de la liberté d’expression et d’opinion passe notamment par la prise de conscience de la portée de leurs paroles et la confrontation de leur jugement à celui d’autrui. Les usages d’Internet peuvent être un champ fertile de réflexion sur ce sujet.

Liberté de la presse

La contribution essentielle de la presse au débat démocratique et les conditions de son pluralisme sont encadrées par la loi du 29 juillet 1881, texte fondateur de la liberté de la presse, les ordonnances du 2 novembre 1945 et les lois du 23 octobre 1984 et des 1er août et 27 novembre 1986. Ces textes fixent les règles et les procédures de nature à concilier liberté d’expression, respect des droits fondamentaux de la personne (droit à l’image, respect de la vie privée, de l’honneur et de la réputation, présomption d’innocence…) et protection de l’ordre public.

A consulter

Page « Je suis Charlie » sur le site du CLEMI avec notamment des ressources pédagogiques et des références bibliographiques

Pluralisme des opinions 

Laïcité 

La Charte de la laïcité à l’école, publiée en septembre 2013, est un texte qui explicite le sens et les enjeux du principe de laïcité, ainsi que sa solidarité avec les valeurs exprimées dans la devise de la République : la liberté, l’égalité et la fraternité. Ses quinze articles offrent une base de réflexion et d’action pour mener auprès des élèves une pédagogie de la laïcité. Toutes les initiatives mettant en oeuvre les valeurs et principes éthiques qui y sont énoncés, notamment la culture du respect et de la compréhension de l’autre, ainsi que le rejet de toutes les discriminations et de toutes les violences, sont encouragées.

Droits de l’Homme

La formation de la personne et du citoyen se fonde notamment sur la transmission des principes et valeurs inscrites dans la Constitution de notre pays, dans la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789 et dans l’ensemble des grands textes des droits de l’homme, européens et internationaux. Les droits civils, politiques, économiques, sociaux et culturels, inaliénables et indivisibles, font partie d’une culture commune et forment le socle de la vie dans une société démocratique. La connaissance, l’appropriation et le respect de ces textes et des droits qu’ils énoncent garantit la coexistence des libertés de tous, l’égalité considération des personnes et le refus des discriminations.

Dans une perspective de travail à moyen terme, les partenaires et associations agréées œuvrant dans le domaine de l’éducation aux médias et de l’éducation à la citoyenneté pourront également être sollicités.

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