PRomotion des Initiatives Sociales en Milieux Educatifs

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"Prenons un exemple : la réussite scolaire est, on le sait, liée au milieu social des parents, au niveau d’éducation des mères en particulier. Si on donne un avantage en points ou un nombre de places (quotas) à l’ensemble des membres d’un groupe minoritaire (défini par la couleur de peau ou la caste) socialement hétérogène, on peut rompre gravement l’égalité des chances entre les groupes. Cela est légitimement mal vécu par les membres du groupe majoritaire socialement défavorisés.

Une véritable politique de reconnaissance implique de réduire l’inégalité d’accès aux biens de base entre les groupes. Le problème des critères de délimitation des groupes qu’on veut discriminer positivement est complexe.

La notion de race, bannie de notre vocabulaire pendant des décennies, fait retour, parfois entourée de guillemets, éliminant au passage la question de savoir comment décrire et délimiter les entités sociales qu’il y aurait à reconnaître.

Faut-il réparer un stigmate posé par la période coloniale ? Les immigrés d’origine turque, par exemple, qui ne portent pas le stigmate colonial, ont besoin d’actions de soutien pour la réussite scolaire alors qu’inversement les immigrés du Sud-Est asiatique n’en ont pas besoin. En tout cas, la culpabilité est mauvaise conseillère.

Les critères qui permettent de définir des discriminations comme la couleur de la peau ou le sexe ne sont pas forcément les plus appropriés pour définir les politiques de réduction des inégalités et d’accès aux biens de base (logement, éducation, santé). De ce point de vue, la France a privilégié une approche territoriale (ZEP et ZUS) qui renvoie indirectement à des critères ethnoculturels, puisque les immigrés et les descendants d’immigrés constituent souvent la majorité dans ces zones.

Le surcroît de moyens donnés n’est pas alors associé à une couleur de peau ou à une origine culturelle, mais au fait de vivre dans des quartiers pauvres, dépourvus d’émulation sociale. Ainsi, on a évité les effets pervers des quotas définis sur des critères ethnoculturels ou la couleur de peau. Les limites des politiques menées sont pourtant patentes. On envisage de les abandonner aujourd’hui en pensant que les principes qui les régissent sont la raison de leur échec.

Ces limites ne tiennent pas aux principes mais à l’opacité, aux incohérences de la délimitation des zones urbaines sensibles (ZUS) et des zones d’éducation prioritaires (ZEP), elles résultent aussi du fait que les avantages ou les dotations supplémentaires accordées à ces zones ont été très faibles.

Ces politiques, comme les transferts monétaires, impliquent une clarté dans la définition des critères d’attribution et un engagement fort des pouvoirs publics : les deux ont manqué.

Depuis 2006, on n’a plus eu d’attention que pour la diversification des élites. Certes, l’initiative de Sciences Po a eu un effet salutaire en donnant une visibilité nouvelle aux actions visant à diversifier les élites. Mais de telles actions n’ont de portée en termes de politique publique que si, parallèlement, elles sont accompagnées d’actions d’égalisation des chances visant à réduire le gouffre qui sépare cercles de l’élite, fût-elle diversifiée, des établissements et quartiers ordinaires.

La reconnaissance de la différence, nécessaire à une politique d’inclusion tolérante, ne doit pas conduire à concevoir la fragmentation sociale comme un état définitif."

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Categories: Généralités

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