PRomotion des Initiatives Sociales en Milieux Educatifs

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Peter Gumbel, ex-correspondant de "Time Magazine" à Paris, enseigne à l’école de journalisme de Sciences Po Paris. Il est l’auteur de l’ouvrage "On achève bien les écoliers" (Grasset, 2010) |

Votre plaidoyer pour une école "en empathie" avec les élèves repose sur votre expérience personnelle. Quelle est-elle ?
J’ai vécu ce que ressentent tous les étrangers qui franchissent l’Atlantique et découvrent l’école française : un choc culturel. Mes filles et moi avons quitté Los Angeles, où l’aînée venait de terminer l’école maternelle. Une école misant sur l’épanouissement de l’élève, dont elle rentrait barbouillée de peinture, le sourire aux lèvres. Il nous a fallu nous acclimater à une école qui met l’accent sur les consignes, où il ne faut pas dépasser les lignes… La différence entre les deux modèles confine à la caricature. L’un valorise l’élève, parfois à l’excès ; l’autre met systématiquement en avant ce qui ne va pas.

 

Le sentiment d’échec scolaire est-il une spécificité française ?

 

Une profusion d’enquêtes comparatives montre que les élèves français, à la différence d’autres enfants, dans les pays anglo-saxons ou nordiques, manquent de confiance en eux. Ils ont peur de l’échec, sont anxieux, au point d’hésiter à parler en classe, même lorsqu’ils savent leurs leçons. Ce qui frappe l’étranger que je suis, c’est la "culture de la salle de classe", impitoyable, qui décourage, enfonçant les plus fragiles, et qui peut se résumer en trois mots : "Tu es nul."

 

La faute à quoi ? Ou à qui ?

 

Si, en un demi-siècle, l’école s’est démocratisée, l’enseignant, lui, n’a pas fait sa révolution. Ou pas suffisamment. Son rôle se limite encore à la transmission des savoirs. Il fait autorité, mais reste retranché dans sa classe, rejetant les autres aspects de la vie scolaire. La formation des enseignants – ou son absence – y est pour beaucoup. En Finlande, pays cher à Luc Chatel, la formation dure cinq ans, comme en France, mais elle aborde la gestion de classe, toute la vie scolaire, la psychologie de l’élève. De toute façon, le système centralisé à la française ne donne pas aux enseignants les moyens de changer la donne. Ailleurs, comme au Canada ou en Australie, on leur reconnaît une autonomie ; on les valorise, y compris sur le plan salarial. En France, ils sont un peu comme des pions d’une chaîne de production industrielle.

 

Comment changer la donne ?

 

Il faudrait supprimer les outils de "torture pédagogique" que sont la notation et le redoublement. La France conserve un taux de redoublement (38 %) trois fois plus élevé que la moyenne des pays de l’OCDE. Et elle n’hésite pas à distribuer des 0/20, voire des notes négatives, mais rarement un 20/20. Secundo, renforcer la formation des enseignants. Le bien-être, le plaisir à l’école sont des outils pédagogiques, et doivent être reconnus comme tels, pour participer pleinement à la progression, à l’épanouissement des enfants.

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