PRomotion des Initiatives Sociales en Milieux Educatifs

Alors que le Cnesco a remis ses recommandations sur l’apprentissage des nombres, retour sur la conférence qui s’est tenue les 12 et 13 novembre. Des experts s’étaient posé la question : comment mieux apprendre à calculer en primaire ?

La Conférence de consensus du Cnesco sur les maths en primaire s'est tenue les 12-13 novembre à Paris / Photo DR

Comment améliorer l’apprentissage des nombres et du calcul en primaire ? Pour répondre à cette question, le Cnesco avait réuni des dizaines d’experts, les 12 et 13 novembre, lors d’une conférence de consensus.

Ce 26 novembre, le “jury” de cette conférence, composé de chercheurs, d’IEN et d’enseignants a produit des préconisations, en direction des profs des écoles (PE).

Des performances en dents de scie

Lors de la conférence, Thierry Rocher, de la Depp, a exposé les résultats des dernières évaluations d’élèves. En citant d’abord l’enquête CEDRE : “à la fin du primaire, 42,4% des élèves n’ont pas acquis les fondamentaux”.

Ecole primaire en France, salle de classe / Licence CC Wikimedia / par Marianna

Pourtant, en début de CP, “on a constaté une augmentation massive des performances des élèves, depuis 1997”. Mais en CE2, soit 2 ans plus tard, Thierry Rocher remarque “une stagnation des performances”.

Selon Jean-François Chesné, directeur scientifique du Cnesco, les élèves rencontrent surtout des difficultés face à l’écriture des nombres, “à cause d’un système de désignation orale qui prête à confusion” (prononciation et écriture de 70, par exemple).

En ce qui concerne les nombres et le calcul, la “difficulté qui revient, c’est l’apprentissage des décimaux, notamment en raison d’une méthode d’apprentissage trop floue”, ajoute-t-il.

« Intervenir le plus tôt possible »

Michel Fayol, président de la conférence, a rappelé que “les inégalités apparaissent précocement, en fonction du milieu socio-culturel et de la préscolarisation – dès la maternelle, notamment en maths”. Et d’ajouter “qu’il est possible de lutter contre les inégalités, en intervenant le plus tôt possible”.

Pour Michel Fayol, il ne suffit pas d’apprendre les maths pour réussir. “Des études montrent que les difficultés de certains élèves sont liées à des capacités non-mathématiques, comme les habiletés spatiales, la mémoire à court terme ou les capacités langagières”, explique-t-il, estimant “qu’elles doivent être développées à l’école”.

Programmes de maths : « donner du sens aux nombres »

 Xavier Buff, du CSP, est revenu sur l’évolution des programmes de maths depuis 1995. Si le contenu est resté “globalement le même”, l’expert constate “une rupture”. Dans les nouveaux programmes, “l’idée est de donner du sens aux nombres et au calcul, via des situations et des résolutions de problèmes”.

En cycle 1, “la construction des nombres, et non leur récitation, est mise en avant”. En cycle 2, “la construction du sens à donner au nombre” est privilégiée, ainsi que l’apprentissage “de l’utilité des opérations posées, pour résoudre des problèmes”.

Pour Eric Roditi, professeur à Paris-Descartes, “les difficultés des élèves viennent aussi de la façon dont sont écrits les énoncés des problèmes”. Et d’ajouter : “il est impératif de préparer davantage les enfants aux tâches complexes, pour donner du sens aux opérations”.

Manuels à l’école primaire : « aucun prof ne va au bout »

Conférence du Cnesco sur la numération / Les Manuels de maths en primaire / Photos DR

Maryvonne Priolet, enseignante-chercheuse à Reims, a mené une étude sur la façon dont les enseignants “s’appuient sur les manuels pour mettre en place les programmes”.

Selon elle, le contenu des centaines de manuels disponibles est très inégal – selon que leurs concepteurs soient de simples enseignants, ou des professeurs accompagnés par des “spécialistes des maths”. Exemple en CM1, avec l’écriture fractionnaire / à virgule : “selon les manuels, ces notions ne sont pas introduites au même moment, et pas du tout de la même façon”.

Quel usage les enseignants font-ils des manuels ? “Aucun prof ne va au bout de son manuel, laissant des notions de côté, par manque de temps. Beaucoup se tournent, à la place, vers des ressources en ligne, conçues par des collègues”, constate la chercheuse – pour qui il est important de “développer la formation à l’utilisation des manuels ”, ainsi que de “favoriser la diffusion d’une banque de ressources en lignes”.

Des instits non-scientifiques « très inquiets » face aux maths

Conférence du Cnesco sur les maths en primaire / Des profs "très inquiets" / Photo DR

Jean-Jacques Calmelet, IEN, a présenté une étude menée auprès des PE. Il explique que ceux-ci “sont très inquiets vis-à-vis des maths, surtout face aux élèves en difficulté”. Il décrit des instits (non-scientifiques) qui “enseignent les maths en ressentant une grande angoisse”, car “ils sont incertains sur le plan didactique”.

Revenant sur les manuels, Jean-Jacques Calmelet constate que les PE “sans culture scientifique, piochent dans les livres sans rechercher une vraie cohérence”, ou “vont sur Internet, à la recherche d’exemples de collègues”.

Pour Jean-Jacques Calmelet, les difficultés des enseignants s’expliquent surtout “par un déficit d’accompagnement, lors de la parution des programmes. Ce déficit pourrait être comblé “en les mettant en relation avec des chercheurs”, comme les spécialistes en ACE (Arithmétique et compréhension à l’école primaire).

Les 33 recommandations du jury de la conférence de consensus du Cnesco ont été remises ce 26 novembre aux enseignants. En voici une sélection: 

Recommandations générales :
* Les mathématiques doivent être présentées aux élèves comme des outils pour penser, résoudre des problèmes et faire face à des situations de la vie quotidienne
A l’école maternelle :
* La compréhension du concept de nombre s’appuie sur les compétences cognitives (verbales, visuo-spatiales, mnésiques…) qui doivent être développées en classe.
A l’école élémentaire :
* L’enseignement des nombres et des opérations nécessite de faire progressivement comprendre ce que sont les nombres et les opérations et à quelles questions ils permettent de répondre.
* Le système d’écriture des nombres décimaux est un prolongement de celui des nombres entiers. L’identification de cette continuité doit être présentée de manière explicite auprès des élèves.
La formation continue et initiale des enseignants :
* La conception des formations doit intégrer les différentes facettes des savoirs et savoir-faire à maîtriser par les enseignants. Pour cela, des équipes pluridisciplinaires de formateurs (chercheurs, formateurs et enseignants) doivent être mises en place.
Les ressources pour la classe mises à disposition des enseignants :
* Le ministère doit mettre à la disposition des enseignants des ressources riches et finalisées pour un usage possible en classe, alternatif ou complémentaire à l’utilisation de manuels et fichiers.
* La mutualisation et le travail d’équipe doivent être renforcés et reconnus, tant pour la conception de ressources que pour leur utilisation cohérente au sein d’une école ou d’un réseau écoles-collège.
Les programmes :
* Les programmes relatifs aux nombres et au calcul doivent contenir des éléments explicitant les intentions et justifiant les choix qui les fondent.
* Une évaluation systématique des programmes doit être mise en place.

Calcul@tice
> Parmi ses préconisations, le Cnesco recommande aux enseignants de prendre appui sur des « expériences innovantes » pour « apprendre les maths autrement ». Une initiative est particulièrement mise en avant, autour du calcul mental : Calcul@TICE.
> Cette plateforme permet aux enfants de s’exercer au calcul mental, à travers des jeux numériques, ou lors de « rallyes » qui opposent plusieurs écoles (classes contre classes). Une façon ludique de « faire aimer les maths » à certains élèves.
Pour en savoir plus, lisez notre article à propos de Calcul@tice.
 
 
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