PRomotion des Initiatives Sociales en Milieux Educatifs

Manifeste

1. État des lieux

Nous observons qu’à l’heure actuelle, les élèves qui fréquentent l’école primaire ou secondaire sont, pour la grande majorité, nés au 21e siècle alors que leurs enseignants sont nés au siècle précédent. La société, au cours de ces décennies, s’est transformée, et ce, à plusieurs égards : les journaux ont modifié leur format, les drones sont utilisés en agriculture, la neuroéducation démystifie l’apprentissage, la musique s’achète en ligne, les disquettes et les CD ont cédé la place aux nuages. Nous évoluons désormais dans un monde qui offre des perspectives de personnalisation dans une panoplie de domaines, allant de la gamme des iBidules aux services à l’automobile, en passant par le commerce électronique qui permet le magasinage dans le confort de son domicile. Dans sa généralité, cette offre de services se caractérise également par son instantanéité, sa diversité ainsi que par ses divers degrés de personnalisation. Tout ceci est causé, entre autres, par l’accélération de l’évolution technologique.

De plus, ce qui s’inscrit dans notre quotidien a une durée de vie limitée et est appelé soit à disparaître, soit à évoluer significativement dans les prochaines décennies. Le citoyen actuel se voit en effet interpellé par une pléthore de stimuli qui envahissent son environnement immédiat. Devant cette abondance de possibilités, intensifiée par la technologie, il devient un consommateur éphémère, un espèce de zappeur de contextes et d’informations.

Alors, qu’en est-il de nos élèves dans tout cela ? Qu’est-ce qui les attend dans quelques années ? Nous savons que ceux qui passeront au secondaire en septembre 2015 seront diplômés au plus tard en 2025, qu’ils évolueront sur le marché du travail pendant approximativement les 35 années suivantes et qu’ils espèreront prendre une retraite vers 2060. Les carrières dans lesquelles ils se réaliseront, car on estime qu’ils exerceront tous deux, voire trois, professions au cours de leur vie, sont en majorité inexistantes en ce moment. En effet, selon le Département du Travail des États-Unis, 65 % des enfants actuellement sur nos bancs d’école, une fois diplômés, pratiqueront des métiers qui n’ont pas encore été inventés au moment d’écrire ces lignes ; il en va de même pour les technologies. Bref, le paysage de la société évoluera grandement et rapidement, ce qui nous laisse croire que l’école contemporaine se doit de développer des adultes qui se démarqueront par leur degré d’ouverture à la nouveauté, leur aptitude à gérer le changement et à s’y adapter ainsi que leur capacité à tirer profit de l’incertitude que tout cela génère.

À la suite de ces constatations, un questionnement incontournable nous anime : préparons-nous adéquatement nos élèves à ce qui les attend au cours du prochain demi-siècle ?

2. Comment préparons-nous les élèves en ce moment ?

Le modèle pédagogique que l’on qualifie de traditionnel, essentiellement magistral, a su répondre aux besoins de plusieurs générations, dont la nôtre. En dressant le portrait de la situation actuelle, force est d’admettre qu’il ne répond plus à la réalité des apprenants d’aujourd’hui. Voici quelques exemples que nous pourrions qualifier de fractures scolaires :

2.1 Première fracture : le butineur numérique ou le monopole de l’enseignant

L’élève vit dans un monde de surabondance d’informations qu’il tient au creux de sa main grâce à une foultitude d’objets branchés. L’accès au savoir ne passe plus par le guichet unique qu’est l’enseignant : il n’a jamais été aussi universel et mobile. Les possibilités de formations dépassent largement les murs de l’école ; d’où l’importance de développer un nouvel éventail de compétences informationnelles pour s’y retrouver et transformer ces savoirs en outils. L’élève doit être en mesure de trouver l’information, de discerner les bonnes sources des mauvaises et de s’approprier le tout pour l’utiliser dans des contextes variés. L’enseignant doit donc quitter son rôle de détenteur des savoirs et guider ses élèves dans l’acquisition et l’appropriation de ceux-ci.

À l’heure actuelle, l’organisation scolaire tout entière repose sur la prétention que l’enseignant est au centre de toute activité de nature pédagogique, alors que nous estimons que c’est plutôt l’élève qui doit être placé au centre de ses apprentissages. Nous constatons quotidiennement, non sans une certaine tristesse, que les enseignants sont actifs dans leur enseignement alors que les élèves sont passifs dans leur apprentissage.

2.2 Deuxième fracture : la réussite d’une évaluation statique ou le développement de compétences

Actuellement, nous préparons les élèves à réussir des évaluations trop souvent décontextualisées, axées majoritairement sur les connaissances, et pour lesquelles l’objectif premier est l’obtention de bons résultats. Une évaluation unique survient après une durée déterminée d’appropriation d’une liste de contenus précis et prescrits par le ministère. Toutefois, accroitre la culture des élèves tout en les outillant afin qu’ils développent leur sens critique et leur discernement, n’est-ce pas là l’un des devoirs fondamentaux de notre système d’éducation pour aider les jeunes à naviguer dans un univers surchargé d’informations ? L’évaluation, dans un contexte numérique, est donc à remanier. À quoi vont servir les quantités phénoménales d’informations dans lesquelles l’élève est plongé quotidiennement ? Pourquoi l’évaluer en lui posant des questions auxquelles Google pourrait si facilement lui répondre ?

Les objectifs poursuivis par la démarche d’évaluation sont nombreux : classer les élèves pour l’entrée dans des programmes contingentés, déterminer si l’élève a acquis suffisamment de préalables pour passer à l’étape suivante et, ce dernier étant souvent sous-estimé, offrir une rétroaction permettant à l’élève de rectifier le tir. Cette rétroaction agit comme baromètre chez l’élève et mesure bien plus que la pertinence de sa production. Elle lui permet de s’améliorer, de justifier, de faire des liens, mais aussi de forger son identité et de reconnaitre l’importance du partage des connaissances et des créations. L’évaluation est aussi et surtout un moyen de réguler la pratique enseignante. L’évaluation choisie amène un constat de l’impact de nos choix d’enseignement sur l’apprentissage des élèves. Ainsi, selon les résultats obtenus, l’enseignant peut interpréter les données recueillies pour choisir comment orchestrer la suite du trajet vers l’apprentissage visé.

2.3 Troisième fracture : une société technologique ou une école… déconnectée ?

Comme nous l’avons brièvement abordé en introduction, les technologies de l’information et de la communication envahissent littéralement notre société. Dans la majorité des cas, nous pourrions même prétendre qu’elles améliorent notre qualité de vie et qu’elles permettent un certain progrès. Nous n’avons qu’à parler des avancées médicales rendues possibles grâce à des technologies de pointe pour traiter diverses maladies ou pour sauver des vies menacées à la suite de malheureux accidents. On apprécie aussi que les avions permettent une liaison entre deux villes dans des temps toujours plus rapides, et que les pilotes puissent naviguer grâce à des instruments d’une extrême précision. Pensons enfin au domaine de la justice, où les avancées dans le domaine médico-légal permettent, entre autres, d’identifier et d’arrêter divers criminels qui menacent la quiétude de nos voisinages. Par l’entremise de ces quelques exemples, il y a lieu de se questionner à savoir pourquoi le milieu de l’éducation est-il aussi résistant face à l’intégration des technologies ? Si celles-ci ont su améliorer de si nombreux services, peut-on penser qu’elles pourraient avoir un effet semblable en pédagogie ?

Les élèves sont, pour la forte majorité, des natifs du numérique. La technologie a toujours fait partie de leur vie et elle s’intègre dans toutes les sphères de leur existence. Par contre, pour les professionnels qui les encadrent, elle est synonyme d’adaptation et de défi d’intégration, parfois presque contre nature. Nous sommes conscients qu’il s’agit d’une généralisation et qu’il existe, heureusement, de nombreuses exceptions, mais il n’en demeure pas moins que deux visions s’opposent : celle de l’ubiquité et de l’usager-opportuniste qui en embrasse la plus-value, contre celle du superflu qui justifie une certaine résistance par crainte d’une prétendue déshumanisation de l’éducation.

Selon nous, l’école occidentale, par son refus obstiné d’évoluer avec elle, n’est plus le reflet de la société qui lui a donné naissance. Bien que certains puissent dénoncer cet aspect utilitaire de l’éducation, il n’en demeure pas moins que l’une de ses missions est de qualifier l’élève, pour ainsi lui permettre d’accéder éventuellement à un emploi et de jouer un rôle actif dans cette même société. De plus, il est évident pour nous que l’école doit devenir un lieu où l’éducation intégrant les technologies peut faire, justement, une différence dans l’humanisation de celles-ci.

3. Une pédagogie renouvelée, active et contemporaine

La pédagogie active se définit, selon le Dictionnaire actuel de l’éducation (Legendre, 2005), par une approche où « l’activité motrice et intellectuelle de l’élève est le principal catalyseur du développement et de la structuration de ses savoirs, de ses habiletés et de ses attitudes ».

Autrement dit, il s’agit de l’ensemble des stratégies pédagogiques qui mettent de l’avant le rôle central de l’élève dans sa propre démarche éducative. L’enseignant doit agir en amont, de façon à orienter l’élève dans ses recherches, à l’encourager à se questionner sur le processus, à l’obliger à négocier avec l’autre la pertinence de ses trouvailles. L’enseignant doit faire plus qu’accompagner : il doit ouvrir le chemin. Il met l’élève en action et le responsabilise face à ses apprentissages. En quelque sorte, c’est la fin de l’enseignement spectacle. Pour y parvenir, nous estimons qu’il y a six critères incontournables d’une formation contemporaine de qualité.

3.1 Facilitation du développement des compétences informationnelles

Ces dernières représentent « l’ensemble des aptitudes permettant aux individus de déterminer les moments où ils ont un besoin d’information et de trouver, d’évaluer et d’utiliser cette information » (CREPUQ, 2005). On veut donc permettre à l’élève de trouver ses propres réponses en accédant à l’immensité de la connaissance au moment où il en a besoin. Ces compétences informationnelles ouvrent la porte à la collaboration, au partage et à la construction des savoirs, en plus de favoriser une intégration durable des connaissances. Elles permettent également le développement d’un sens critique et d’une capacité de discriminer l’information pour en retenir l’essentiel et réaliser une tâche donnée. Cela rompt radicalement avec le rôle de l’enseignant qui donne toutes les réponses ou les solutions à des pseudo-problèmes posés en classe. L’ère du « prêt à ingurgiter » est révolue ! Pour paraphraser Montaigne, nous visons le façonnement de têtes bien faites plutôt que bien pleines !

3.2 Favorisation de la métacognition

L’urgence du quotidien scolaire met rarement en relief l’importance de prendre le temps de réfléchir à ses propres mécanismes d’apprentissage. Pourtant, les vertus de la métacognition ne sont plus à démontrer et permettent aux apprenants d’apprendre à apprendre. Il s’agit d’outrepasser la simple capacité de rétention de divers concepts pour se concentrer essentiellement sur les stratégies à employer afin de consolider les apprentissages et les rendre plus signifiants. L’élève devient, en quelque sorte, son propre enseignant, dans une perspective d’apprentissage continuel s’échelonnant tout au long de sa vie.

Les savoirs sont en mouvement et certains ont une date de péremption. Apprendre à apprendre, à structurer l’information, à la diffuser et à la transformer en connaissances est devenu essentiel dans notre monde en mutation.

3.3 Valorisation de la curiosité, de la créativité, de l’expérimentation et de l’innovation

Il semblerait que trois des aptitudes à développer en éducation contemporaine soient l’adaptation, la créativité et la capacité d’innover. Les élèves devront, sous peu, trouver de nouvelles solutions aux problèmes que nous leur aurons laissés et ils devront penser différemment de leurs parents. Probablement qu’au 21e siècle, seuls les plus créatifs pourront inventer et redéfinir les jalons du monde de demain.

Pour valoriser cette créativité, il faut décloisonner la classe et prendre conscience que l’éducation se vit aussi au-delà des frontières physiques du local. Il existe maintes façons d’apprendre et il y a lieu de considérer que l’apprentissage trouve sa pertinence, bien souvent, dans la relation éducative que les acteurs en milieu scolaire entretiennent. Il faut offrir la possibilité aux élèves de témoigner autrement de leur compréhension, sans toutefois perdre de vue les impératifs prescrits dans les programmes. Pour favoriser l’émergence du processus créatif, les enseignants doivent laisser les élèves les surprendre, leur faire confiance, accepter une certaine dose d’inconnu, voire d’inconfort, et être moins directifs.

Un exemple de processus créatif, actif, motivant et ancré dans la réalité est l’exploitation à des fins pédagogiques des innombrables applications du Web 2.0, dites « sociales », qui incluent des aspects de communication bidirectionnelle entre la personne qui publie et ceux qui consultent les productions (texte, vidéo, son, image, animation, etc.). Par les échanges et la rétroaction qui s’ensuivent, un espace de motivation intrinsèque se construit, lequel génère des apprentissages signifiants et un sentiment d’accomplissement.

Lorsqu’on propose des défis scolaires stimulants, amusants et signifiants, les élèves sont motivés à accomplir une tâche dans le plaisir. Les enfants et adolescents sont profondément liés à la dimension hédoniste et émotive de l’apprentissage. Conséquemment, il est faux de prétendre qu’apprendre doit nécessairement être douloureux et ennuyant. Le pari contraire est à envisager : ludifier l’apprentissage et valoriser l’expérimentation est possible, voire nécessaire, car le jeu est lui-même porteur de leçons en termes de collaboration, de communication, d’organisation, de rétroaction, etc.

3.4 Intégration de différents outils technologiques

Comme précisé à quelques reprises, il est difficile de nier l’omniprésence des diverses technologies dans la société, le plus souvent mobiles, et ce, chez la grande majorité des individus. Chez nos élèves, ces outils sont plus souvent perçus comme des appareils de loisir et de communication. C’est ici que l’enseignant doit prendre conscience que certains apprentissages sont peut-être déjà faits et, surtout, qu’il peut aider l’élève actif à en réaliser et à en consolider d’autres.

L’intégration des TIC à la pédagogie permet l’établissement de réseaux au-delà des murs de la classe. La collaboration et la créativité sont ainsi enfin mises en valeur afin de permettre l’amplification de la qualité de l’apprentissage en pavant la voie à un incontournable en éducation : la rétroaction. Désormais, grâce aux TIC, la rétroaction permet à l’apprenant de bénéficier des commentaires constructifs de son enseignant, bien évidemment mais, surtout, d’un nombre croissant de ses compagnons de classe, ce qui permet l’émergence d’une réelle communauté d’apprenants.

Bien au-delà du simple gadget, terme péjoratif repris par bon nombre de détracteurs, les TIC sont de puissants outils offrant une latitude pédagogique insoupçonnée. Cependant, elles demeurent des outils laissant place à une intention pédagogique formulée par un expert en pédagogie. La technologie n’est donc pas une finalité en soi. Elle est indéniablement un outil au service de la pédagogie.

Tel que le suggérait le philosophe français Michel Serres dans son intervention au Rendez-vous des écoles francophones en réseau (REFER), en mars 2015, il ne faut pas avoir peur de la technologie : dès que l’on évacue le besoin de retenir une somme phénoménale de connaissances et qu’on laisse cette tâche aux machines, c’est alors que peut surgir le meilleur de la créativité et s’épanouir l’humanisme. Ça, la technologie ne pourra jamais le remplacer.

3.5 Encouragement de la collaboration

À l’ère des télécommunications interplanétaires, la collaboration n’aura jamais été aussi essentielle. Révolu le temps où chacun travaille en vase clos, où chacun développe ou apprend seul dans son coin. En ce 21e siècle, il faut tendre vers la collaboration sous toutes ses formes, et ce, tout au long du processus d’apprentissage.

Pour la majorité des élèves, encore aujourd’hui, le travail d’équipe se résume à colliger des données et à se diviser les parties d’un travail. Il faut changer les mentalités : il ne s’agit plus de se placer en équipe ; bien au contraire, il faut faire équipe. Chacun des membres doit s’investir et prendre part activement au projet. L’accès au numérique prend alors tout son sens puisque les élèves ont désormais la possibilité de travailler à plusieurs, et ce, en temps réel, ce qui leur permet d’avoir l’oeil sur le travail de l’autre, de le commenter, de le valider. La co-construction est alors largement facilitée et la rétroaction de l’enseignant et des pairs aussi.

Bien évidemment, l’enseignant doit soutenir activement ses apprenants dans ces nouvelles façons de faire. Avant de se lancer, il doit réfléchir à la meilleure structure à mettre en place dans sa planification afin de favoriser et de valoriser la rétroaction en mode continu et l’apprentissage par les pairs. Toujours dans le but avoué de les encourager à s’entraider, il devra nécessairement poser des défis, notamment en augmentant le niveau de difficulté et en proposant des tâches complexes et innovantes.

3.6 Responsabilisation et octroi de latitude

Pour pouvoir aider l’élève à se responsabiliser, il importe de lui déléguer une part de contrôle. L’enseignant se doit d’être moins directif dans son approche. Parallèlement, pour exercer un contrôle sur sa propre progression, l’élève doit préalablement connaître l’intention pédagogique et les attentes inhérentes à la tâche. L’enseignant doit lui proposer différents moyens pour atteindre son but et, par la modélisation, lui suggérer des chemins par lesquels il pourrait passer. L’élève doit ensuite pouvoir s’exercer dans des contextes signifiants pour éventuellement être en mesure d’identifier les chemins le menant au succès. Offrir de la latitude aux élèves signifie alors leur apprendre à la gérer de sorte que cette nouvelle liberté ne devienne pas anxiogène, mais plutôt un puissant levier d’apprentissage.

4. Des pistes de solution…

D’abord et avant tout, il apparait impératif que tous les intervenants du milieu de l’éducation reconnaissent que l’école vit actuellement de profondes transformations. Il suffit d’observer et de s’intéresser aux nombreuses initiatives présentes sur le terrain pour se rendre compte que la volonté de changement est bien présente, et ce, dans plusieurs milieux. Évidemment, cette volonté rencontre une importante résistance et c’est pourquoi il importe que chaque agent de changement expérimente, partage, rayonne et, surtout, manifeste haut et fort son enthousiasme et son intérêt à redéfinir l’école. Chemin faisant, il deviendra plus aisé de mobiliser le plus grand nombre d’intervenants possible quant à l’urgence de varier les approches pédagogiques pour favoriser l’adaptation aux nouvelles réalités de l’école d’aujourd’hui.

Pour soutenir ces initiatives locales multiples, nous estimons qu’il y a quatre conditions essentielles à remplir.

4.1 S’assurer que la formation des maitres est en adéquation avec les attentes et les besoins du milieu et assurer une bilatéralité entre les milieux universitaires et scolaires

De grandes améliorations ont été apportées aux différents programmes de formation des maitres depuis une vingtaine d’années. Cependant, force est d’admettre que ces programmes doivent être constamment actualisés à cause des changements rapides qui animent le monde de l’éducation, notamment en ce qui concerne les nouvelles pédagogies et l’intégration des outils didactiques ou technologiques à l’enseignement.

Malgré la difficulté du milieu à les séduire et à leur permettre de perdurer dans la profession (rappelons que 20 % des nouveaux enseignants décrochent dans les cinq premières années de leur carrière), qui de mieux que les enseignants fraichement diplômés pour dynamiser nos écoles et y insuffler un vent de fraîcheur ? Dans la majorité des cas, c’est ce que nous constatons effectivement. Par contre, la dure réalité rattrape aussi plusieurs recrues, car la précarité de la profession, inhérente aux débuts de carrière en enseignement, a souvent pour effet de limiter la créativité, l’initiative et l’innovation pédagogique.

Enfin, il est nécessaire de maintenir un lien étroit entre la recherche scientifique en éducation et le milieu scolaire. Il ne faut pas négliger les enseignants qui ont cette faculté de rendre concrets les concepts théoriques mis de l’avant par les chercheurs. Bien qu’ils travaillent en complémentarité, le tout se vit malheureusement souvent en vase clos. Il est de l’évidence même que tous ont avantage à travailler de concert.

4.2 Établir une structure encourageant la formation continue et le réseautage

De la même façon qu’un médecin s’informe des dernières recherches dans son domaine d’expertise pour s’assurer de pouvoir guider le plus efficacement possible son patient vers la guérison, le pédagogue, lui, s’informe des nouveaux développements dans son champ d’enseignement, mais également dans ses domaines d’expertise : la didactique et la pédagogie. Y a-t-il des stratégies qui ont plus d’impact que d’autres sur l’apprentissage ? Où en est rendue la recherche ? Comment améliorer le transfert de connaissances et favoriser le développement des compétences ? Quelles sont les connaissances qui demeurent essentielles à assimiler dans une réalité où l’ensemble des savoirs est « googlable » ?

Continuer à apprendre, c’est revivre cet état de déséquilibre que provoque le moment où on ne sait pas, on ne sait plus ; c’est devoir déconstruire nos savoirs pour les reconstruire et, conséquemment, faire de même avec notre identité professionnelle. Pour être un bon enseignant, ne faut-il pas continuer d’être un apprenant, ne serait-ce que pour garder à l’esprit ce que cela signifie à l’ère du numérique et ainsi découvrir les possibilités infinies de ce nouvel environnement d’apprentissage ?

4.3 Varier les outils et les approches

Il est important que chacun puisse bénéficier des outils dont il a besoin pour apprendre et pour évoluer tout au long de sa scolarité, et même après. Il est faux de prétendre qu’il n’y a qu’un seul modèle en enseignement. Bien au contraire ! La pédagogie à taille unique est révolue. La pléthore des ressources didactiques nous rappelle clairement qu’il existe des options pédagogiques nous permettant de diversifier nos approches et nos outils.

Cette diversification des outils et des approches dépasse donc largement la question du maintien de l’intérêt des élèves en classe pour veiller au rehaussement de la qualité des interventions éducatives dans un contexte de reconnaissance et de respect de la diversité des apprenants.

4.4 Le leadership

Le leadership est indispensable en éducation. Il regroupe de nobles aptitudes variant de la modélisation à la mobilisation en passant par la persuasion, l’adhésion et l’initiative. Il dépasse largement la question de la direction d’école et n’est pas le monopole du cadre scolaire. Bien qu’il implique une excellente compréhension des enjeux scolaires, il n’en demeure pas moins que tous les acteurs, incluant les élèves, sont appelés à affirmer leur leadership positif au sein de leur milieu.

En effet, l’élève est plus susceptible d’être rejoint et mobilisé lorsque ses enseignants, ses parents et ses intervenants immédiats assument leur leadership et que de cela émane un consensus. Par modelage, il s’investira à son tour dans sa démarche d’apprentissage et participera activement à la communauté d’apprentissage formée par les apprenants de son environnement immédiat ou élargi.

Pour une pédagogie renouvelée, active et contemporaine

Dans notre société hyperconnectée, laquelle favorise l’essor des faiseurs d’opinions galvaudées et tranchées, nous désirons nous imposer comme casseurs d’opinions négatives en éducation. Nous nous affirmons plutôt comme leaders du changement positif, lequel est orienté vers l’élève et, surtout, vers l’importance de le situer au coeur de toute démarche scolaire. Bref, nous valorisons l’apprentissage durable et approfondi comme étant l’élément central de toute stratégie d’enseignement.

L’information véhiculée dans les médias de toutes sortes fait fréquemment l’éloge de la primauté de la connaissance dans la démarche d’apprentissage. Cela témoigne de la méconnaissance de la complexité du développement des compétences. À cet égard, la pédagogie active est évidemment ancrée dans l’action et elle met les savoirs au profit du développement des compétences des élèves. Pour nous, c’est exactement ici que s’inscrit notre intervention pédagogique.

Nous tenions à clamer haut et fort l’importance que nous accordons à la pédagogie active et à la nécessité de rendre l’élève actif dans ses apprentissages, dans un contexte où tout est mis en oeuvre pour permettre à l’enseignant d’être moins directif et de jeter du lest en faveur de l’élève. Ainsi, il pourra assumer pleinement son rôle d’apprenant inscrit dans sa contemporanéité et dans une communauté d’apprentissage élargie.

Nous souhaitons que nos collègues, peu importe leur niveau d’intervention auprès des élèves, modernisent leurs pratiques, qu’ils embrassent certains outils didactiques et qu’ils diversifient leurs approches. Nous sommes conscients qu’il faille lutter contre une tradition et une culture scolaire qui tardent à prendre ce virage, mais nous insistons sur l’importance de l’ouverture du personnel scolaire. Ne l’oublions pas : un seul acquis permet de définir l’éducation, et c’est effectivement le changement ! Ainsi, l’école n’est pas un havre à l’épreuve du changement : elle en est l’incubateur !

L’éducation est la fondation de tout système démocratique. Elle doit être animée par une vision rassembleuse et ambitieuse sous-tendant un véritable projet de société qui dépasse largement les opérations comptables et les exercices financiers à court terme. L’éducation, c’est un immense investissement dans la jeunesse actuelle dans le but d’assurer le futur d’une société entière.

Enfin, pour citer notre estimé collègue néobrunswickois Jacques Cool, une société qui aura le courage de transformer l’éducation et ses institutions pour redevenir cohérente avec son temps saura se perpétuer.

Lire la suite : http://www.pedagogieactive.com

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