PRomotion des Initiatives Sociales en Milieux Educatifs

 

Transcription Vendredi 8 Juillet 2011

UE Prisme


 

Atelier «  En quoi la prise en compte des compétences citoyennes des jeunes favorise-t-elle leur bien-être?


 

Nathalie Rossini, Sociologue


Nathalie Rossini :

En guise d’introduction, je me permettrai de faire un retour sur l’intitulé de l’atelier qui nous rassemble…Quelle étrange question, au final, non ? Comment passer de la notion de compétence à celle de bien-être et surtout, pourquoi l’a-t-on centrée sur ces compétences-là et pas d’autres ?

 

Est-ce que les compétences citoyennes, ou du moins les champs où elles se travaillent, sont tout ce qu’il nous reste pour penser cette notion, non seulement au travers de performances à atteindre, mais comme vecteur d’épanouissement et de bien-être ? Il y a de quoi méditer…

 

 

Je n’ai donc pas proposé personnellement ce titre d’atelier, mais si je suis ici pour le travailler avec vous, c’est parce qu’il fait écho à certaines de mes préoccupations professionnelles et aussi, parce qu’il est le fruit de bien des réflexions que nous avons pu avoir à Prisme, notamment lors d’une de nos missions autour d’un PEL.

Je fais aujourd’hui fonctionner une structure qui s’appelle BENISTA qui a pour objectif de développer les réflexions sur la façon de penser et produire un bien-être social, dans des espaces de vie différents et avec les acteurs concernés, qui peuvent nous amener tant sur le champ des politiques publiques notamment éducatives locales, ou dans le contexte d’espaces de travail.

Par ailleurs, dans le cadre d’une mission menée avec Prisme pour une collectivité qui nous avait demandé de l’aider à élaborer son PEL, nous avons travaillé le sujet en rassemblant tous les acteurs éducatifs locaux et tout le monde, a un moment donné, s’est posé la question du bien-être des enfants et des jeunes au travers de ce projet ; le souhait final était que ce PEL permette aux jeunes de devenir ce qu’ils ont envie d’être, en vivant tout cela le mieux possible, quelque soit le mode de réussite in fine.

Or, il faut l’avouer, il y a peu de monde pour s’occuper du bien-être aujourd’hui, du moins en en faisant un sujet sérieux, opératoire et producteur de connaissances. De fait, cette question est peu posée dans notre quotidien institutionnel (bien-traitance des institutions, bien-être au travail, même si ça évolue) mais rejaillit plutôt dans les échanges informels. Il n’est pas venu à l’idée de grand monde, de réfléchir ou mesurer par exemple, les indicateurs de bien-être d’un enfant à l’école, ou d’un jeune dans une association, ou un centre de loisirs, pour ne parler que du jeune public.

 

C’est donc parfois en traitant d’autres sujets, comme celui des expériences citoyennes des jeunes par exemple, que l’on peut trouver matière à parler de bien-être.

 

C’est donc par là que la question a été prise pour cet atelier et elle pose déjà un contexte : le bien-être est donc ailleurs que tout ce qui fait notre quotidien, ou celui d’un jeune, dans le cadre institutionnel.

Si l’on commence par aborder la question du bien-être, comme ça dans l’absolu, on se retrouve dans un domaine extrêmement vaste, flou et l’entreprise de sa définition en devient colossale. Ne serait-ce que d’un point de vue philosophique, le sujet est de taille et pas forcément bien délimité. D’ailleurs, on assiste aujourd’hui plutôt à une tentative inversée où ceux qui travaillent sur le bien-être, ont tendance à tenter de poser des indicateurs de celui-ci qui, à eux tous, pourrait tendre à le définir, au lieu d’en poser une définition générique de départ.

Il y a donc aujourd’hui une vaste réflexion sur les indicateurs du bien-être social, qui prend sa source dans le « mouvement des indicateurs sociaux » dans les années 60 et qui déjà, essayait de contrebalancer l’influence prédominante de la quantification économique sur les politiques publiques…

Si la première référence au bien-être que l’on peut trouver dans l’antiquité renvoie à l’idée de mener « une vie bonne » en respect de ses valeurs et en adéquation à notre environnement – c’est l’ajustement de ce que l’on pense être bien et de ce que l’on fait-  sa définition reste bien complexe.

Depuis les réflexions autour l’indice de développement humain, tout le monde est convaincu que le PIB ne peut être un indicateur pertinent pour rendre compte de l’état d’un pays et qu’il faut trouver des indicateurs autres qu’économiques. Ainsi, L’OCDE travaille sur des indicateurs sociaux de bien-être pour essayer en les agrégeant de le définir. Le conseil de l’Europe a construit le programme  SPIRAL avec plusieurs indicateurs de bien-être, proposant ainsi des données issues d’enquêtes sur le sujet par pays, inscrivant cette démarche dans sa stratégie de cohésion sociale. Il invite chacun à se saisir de la méthodologie proposée et de la faire vivre.

En l’occurrence, le Conseil de l’Europe retient plusieurs dimensions pour identifier le bien-être :

·         l’accès aux moyens de vie (emploi, santé, logement)

·         le cadre de vie (loisirs, rencontres, calme, bruit)

·         le contexte de vie

·         la relation avec les institutions

·         les relations humaines (famille, solitude)

·         les équilibres sociaux (inégalité, égalité, sécurité, insécurité)

·         les équilibres personnels (stress, disponibilité)

·         le sentiment de bien-être et de mal-être (tristesse, joie, honte)

·         la participation citoyenne

Derrière cette démarche se trouve posée l’idée de la co-responsabilité de chacun à essayer de construire collectivement ces indicateurs de bien-être social et donc, son contenu même.

 

On est bien dans une perspective de progrès social. Notons la différence entre progrès social et progrès sociétal, la dimension sociale étant ce qui nous concerne tous et dont nous sommes acteurs au quotidien, la dimension sociétale étant ce que la société met en œuvre pour permettre ce progrès ; on est donc d’un côté au niveau du citoyen et de l’autre du côté du politique.

 

Il y a aussi une ONG qui s’appelle PEKEA qui a essayé sur des petits territoires (Ile-et-Vilaine) de mettre en œuvre ces indicateurs, réfléchis, élaborés et testés avec les populations.

Passons à présent à la notion de « compétences citoyennes ». Il faut convenir que le pilier 6 du socle commun est dans une vision très limitée de la notion de citoyenneté : on apprend simplement à des jeunes à être de sages citoyens. Or, une compétence est a la fois de la connaissance, du savoir-faire et de l’éthique. Peu de lieux proposent à des jeunes les savoir-faire et savoir-être que cela suppose et à l’école tout est basé sur la connaissance.

Or, la question de l’enfant ou du jeune citoyen est traitée de manière plus intéressante par ailleurs, notamment dans la convention internationale des droits de l’enfant, où le jeune étant un citoyen potentiel, on lui reconnaît un droit d’expression et de participation.

Les jeunes qui ont participé à des espaces citoyens acquièrent des savoir-faire et des savoir-être qu’ils n’ont pas abordés ailleurs et annoncent eux-mêmes l’acquisition de compétences nouvelles, non travaillées à l’école, voire non reconnues d’ailleurs : il disent se découvrir eux-mêmes et découvrent les « Autres », ils apprennent à parler en public, à argumenter, à écouter. Ils apprennent que leurs idées valent quelque chose, les adultes les considérant aussi légitimes qu’eux. Ils servent à quelque chose et cela procure du bien-être. Cela leur a permis d’expérimenter, d’avoir une identité, de se sentir capable.

Le jeune socialement n’est rien (ou alors l’image qui lui est acollée est souvent négative) parce que l’on n’attend souvent rien d’autre d’un jeune à part qu’il se cantonne dans le rôle que les adultes et les institutions lui attribuent : être un élève (certains parlant même du « métier » d’élève auquel le jeune doit se cantonner), être l’enfant de ses parents…

Le citoyen en tout cas, est donc celui qui peut être reconnu avec des compétences et une utilité sociale.

Il y a une autre notion intéressante, qui nous aide à faire le lien entre ces compétences citoyennes et le bien-être, c’est celle de « capabilité » utilisée par A. Sen , et qui se traduit par un contexte ou une situation offrant le maximum de « possibles » aux gens,et leur permettant de multiplier les opportunités de faire ce qu’ils ont envie de faire.

Se penser compétent c’est pouvoir continuer à apprendre.

Aux travers des compétences citoyennes qu’apprennent et expérimentent les jeunes, se dégage un apport pour eux-mêmes, mais aussi un apport de ces derniers pour leur environnement car ils se posent comme des acteurs potentiels. On a bien un sujet qui se construit et qui partage l’idée d’intérêt collectif et d’objectif commun, et qui va faire se rencontrer l’individuel et le collectif.

En étant bien avec soi même, on travaille le bien être avec les autres. On peut être individualiste et humaniste tout étant aussi dans l’intérêt collectif.

Les compétences citoyennes sont bien dans l’acceptation et le développement de la « capabilité », elles permettent aussi de travailler en lien étroit le bien-être du sujet individuel et du sujet collectif.


Intervention de la salle :

·         On a l’impression de redécouvrir quelque chose qui existe déjà dans les classes primaires et ne se résume pas à de l’instruction civique. Les compétences citoyennes se fait à tous les moments de l’école (enseignante Freinet)


Nathalie Rossini :

Il y a un problème de mémoire; les mêmes questions sont posées 20 ans après. L’enseignement Freinet n’est pas ce qui régie la vie de tous les jours, pas même dans les écoles…


Jean Roucou:

On voit bien dans les établissements scolaires que l’on fait de la participation mais pas de la construction. Les adultes ne donnent pas l’exemple.


Intervention de la salle:

·         La non globalité de la prise en compte des jeunes est une violence faite aux jeunes

·         Ne pas confondre la civilité, le civisme et la citoyenneté

 

Jean Claude Guerin :

On doit arrêter de découper le savoir, on est sur la conception du savoir global, je ne connaîs personne qui fait sans penser, je ne connaîs personne qui pense sans faire. Le savoir est ce qui est constitutif de l’être et la compréhension de son savoir est un élément essentiel de la conscience de soi.

La citoyenneté est une affaire de pratiques réelles.


Nathalie Rossini:

C’est un apprentissage en faisant…


 

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