PRomotion des Initiatives Sociales en Milieux Educatifs

Nos amis du Syndicat des Enseignants, SE / UNSA Education, publient dans le supplément n° 84 de leur journal (L’enseignant. Avril 2005), un excellent dossier sous le titre « Faire évoluer les pratiques d’évaluation ».

Ce document pourrait parfaitement figurer dans nos propres publications tant il pose des problèmes qui touchent à nos pratiques professionnelles et à l’avenir de l’école.

Il comprend un entretien avec Philippe JOUTARD, historien et universitaire, ancien recteur, qui souligne les incohérences dans les pratiques actuelles.

« Au lieu de chercher à mesurer les progrès faits, on met l’accent sur les erreurs et sur le chemin qui reste encore à parcourir. Ces pratiques révèlent un regard négatif, et non positif porté sur chaque élève. »

Il apporte son soutien à l’action engagée avec André ANTIBI (auteur de « La constante macabre »… le « tiers de mauvais » quels que soient la classe et le milieu) pour une évaluation plus juste du travail des élèves et des étudiants. Un article de Pascaline PERROT analyse avec pertinence les évaluations CE2 sous le titre « un rendez-vous raté », citant un de mes textes, « L’évaluationnite, le malheur de l’école », diffusé sur divers sites de mouvements pédagogiques (REVEIL, GFEN, La maison des enseignants). On lira aussi avec intérêt un texte de Claude KREPPER sur « la complexité de l’évaluation », des réflexions de Philippe NIEMEC, secrétaire national du SE, un exemple de pratiques différentes, des références utiles.

On y trouve également des extraits d’un rapport du Haut Conseil de l’Evaluation de février 2003, dont je m’étonne qu’il ne nous ait pas davantage interpellé: « On ne connaît pas assez bien l’effet des pratiques enseignantes sur les progrès et les comportements des élèves ». Hors de toute polémique ou d’a priori sommaires, en me situant sur le simple terrain du bon sens, il m’a toujours semblé que, sauf à considérer que les pratiques pédagogiques (voire l’école toute entière) n’a pas d’influence sur les performances des élèves, nous avons d’abord à évaluer les pratiques et nous avons intérêt à démentir en donnant des preuves, cette phrase terrible de Claude THELOT: « Nous ne savons pas ce qui se passe dans les classes », phrase publiée dans le Monde de l’Education qui a gravement et durablement mis en cause les fonctions des corps d’inspection. On a pu lire et entendre des interrogations jusqu’alors réservées à une autre institution: « Mais que fait l’inspection? »

Dans le texte sur l’évaluationnite, qui a provoqué des débats intéressants avec des réactions diverses, nuancées, de nombreuses personnalités (Philippe MEIRIEU, Marie RAYNAL, Jean FERRIER, Claude PAIR, Jean Michel ZAKHARTCHOUK, Odette BASSIS, Jean-François VINCENT, Georges HERVE, etc) et de collègues, je soulignais quatre problèmes fondamentaux:

1° les évaluations sont toujours négatives, c’est l’élève qui a toujours tort, souvent sa famille, le milieu, etc…

2° les évaluations ne disent rien de ce qui a conduit les élèves là où ils sont

3° les activités de remédiation se situent toujours trop en aval des processus d’apprentissage. Elles débouchent sur des exercices, de plus en plus précis et étroits en fonction de la sophistication des évaluations, là où il faudrait remettre les élèves dans des situations de construction des savoirs et des compétences et non dans des activités « d’application » ou d’entraînement.

4° les évaluations ne sont en aucun cas un levier de transformation des pratiques. Pour reprendre une de mes boutades, un thermomètre est trop fragile pour être un levier.

Or notre métier d’inspecteur n’est-il pas prioritairement d’observer, d’analyser, d’évaluer, de faire évoluer les pratiques professionnelles? Est-ce que l’on ne commet pas une erreur fondamentale en nous mobilisant sur les résultats des élèves plutôt que sur les pratiques des maîtres et des équipes?

Ou, pour le moins, en ne mettant pas ces résultats en rapport avec les pratiques pédagogiques? Cette attitude ne dissimulerait-elle pas, au fond, une fuite ou un rejet de la pédagogie?

Est-ce en décortiquant, en technicisant, en informatisant, en mesurant des écarts, en multipliant graphiques et tableaux, en remédiant « finement », que l’on pourra améliorer la réussite scolaire?

Une quinzaine d’années d’évaluationnite tendrait plutôt à la modestie et à un constat d’échec qui ne semble pas gêner certaines catégories d’enseignants et de responsables du système.

N’est-ce pas en transformant les pratiques, en renforçant les continuités et les transversalités, en valorisant la pédagogie, malgré les pressions des conservateurs de tous bords et notamment de ceux qui pensent que le modèle de la transmission est indiscutable, universel et éternel?

Un de nos ministres précédents (soi-disant progressiste) voulait imposer des campagnes d’évaluation chaque année de la section de petits à la troisième, sans doute persuadé, comme beaucoup de ses pairs, que le problème n’était au niveau des pratiques pédagogiques mais au niveau de l’insuffisance d’évaluation et des carences de la devenue sacro sainte « culture de l’évaluation ».

Or, ici ou là, on passe déjà plus de temps à évaluer, avec les résultats que l’on sait, qu’à faire l’école. Il serait peut-être temps de nous interroger comme le fait pertinemment la commission PERISSOL:  » La dernière condition consiste à adapter notre système d’évaluation aux nouvelles priorités. La Finlande, par exemple, a mis au point une grille d’évaluation du potentiel à apprendre avec une batterie d’indicateurs faisant référence à des connaissances factuelles, et à des capacités de pensée et de raisonnement. Certaines attitudes sont prises en compte comme la motivation à apprendre, l’acceptation des tâches, l’auto évaluation, etc »

Questions pour tous les corps d’inspection (IEN et IA IPR):

Notre mission prioritaire n’est-elle pas d’évaluer et de réguler les pratiques professionnelles des individus et des équipes?

Ne serait-il pas urgent de reprendre ces questions, de faire des propositions, d’inscrire nos réflexions dans la perspective de l’évolution de nos propres pratiques?

Questions pour notre syndicat:

Et si nous nous emparions de ce sujet fondamental pour promouvoir le corps et construire son avenir?

Et si nous réussissions à élaborer une position commune au sein de l’UNSA Education, notamment avec le SE?

Pierre FRACKOWIAK
RD SIEN / UNSA Education 59
le 22 mai 2005

NB. « L’évaluationnite, le malheur de l’école »? Ce document de janvier 2004 peut être envoyé par mèl aux collègues intéressés. Demande à adresser à pierre.frackowiak@wanadoo.fr

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