PRomotion des Initiatives Sociales en Milieux Educatifs

Très peu connu hors du Danemark, Nikolai Frederik Severin Grundtvig (1783-1872) a donné son nom au programme de l’Union européenne centré sur l’éducation des adultes. Ce personnage hors du commun mérite pourtant amplement cet honneur, tant il a aura marqué l’histoire de l’éducation.

C’est une évidence: Grundtvig au Danemark est aussi connu que ses cadets Andersen et Kierkegaard. Avec ce dernier, cet écrivain et philosophe, à la fois évêque et théologien – dont l’une des plus belles églises de Copenhague porte le nom – est la principale figure intellectuelle et spirituelle du 1ge siècle danois. Le travail de cet esprit complexe s’est orienté dans plusieurs directions: poète de psaumes (1/3 des chants dominicaux, dont bon nombre de classiques, lui sont dus), il a été aussi historien de son pays et théologien du « christianisme joyeux.", cette variante optimiste du luthérianisme, nourrie des évangiles et de la " parole vivante ".

Ayant souffert enfant du formalisme rationaliste de l’éducation religieuse et scolaire, il bâtit dès 1816 une doctrine selon laquelle l’enseignement doit être à la fois vivant mot privilégié de son lexique – et centré sur la réalité concrète du Danemark. À ses yeux, la culture doit être ouverte à tous, désintéressée, sans examen ni diplôme. Elle doit naître, dans un lieu autonome, du dialogue entre un maître primus inter pares, et de jeunes ouvriers et paysans que l’enseignement traditionnel a délaissés. Nourri ,d’un échange cordial, le lien entre maître et élèves, sur lequel Grundtvig insiste tant, est fondamental. Et l’enseignement pour adultes tient une place centrale. Christian Kold, le "Socrate danois " réalisera l’une des premières écoles de ce type parfaitement original. Trait fortement danois, l’enseignement, nourri de lectures, d’entretiens familiers entre un maître inspiré et des élèves enthousiastes est davantage fondé sur les aptitudes que sur les connaissances. Un bon coeur vaut mieux que mille livres, les matières techniques plus que le latin, l’esprit plus que la lettre. Les matières sont sans cesse tournées vers les réalités pratiques: l’éducation renvoie au monde. On enseigne ainsi davantage l’histoire – souvent nationale -, et la technique, que la littérature, trop gratuite. Aux antipodes de tout pédantisme, c’est de l’expérience de la vie, et non de lointains savoirs brumeux, qu’il s’agira toujours de mettre en avant.

Historiquement, le développement remarquable de l’agriculture et des coopératives danoises est dû à cet idéalisme concret dont, culturellement, les racines sont aussi bien romantiques qu’inspirées des Lumières. Les écrits innombrables de cette figure prolifique et majeure de la pédagogie européenne ont été constamment réédités au Danemark mais très peu traduits en français, même sous forme de propos choisis.

Dans des débats religieux intenses, extrêmement virulents, dont le chef-d’oeuvre Ordet de Dreyer s’est fait l’écho, l’approche grundtvigienne se reconnaît pourtant à la joie qui se dégage  d’elle. Il existe entre religion et éducation comme une continuité naturelle, et Grundtvig était surtout théoricien d’une éducation qui s’appuie sur une conception chrétienne de la vie. La fondation des hautes écoles populaires, vraies universités du peuple et création typiquement scandinave, restera ainsi toujours attachée à son nom.

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