PRomotion des Initiatives Sociales en Milieux Educatifs

Un tel sujet peut apparaître paradoxal puisque l’éducation n’est pas au départ une manière communautaire et qu’elle reste pour une large part gouvernée par le principe de subsidiarité, le projet de constitution européenne ne changeant pas les dispositions du traité actuel. La première partie de cet exposé fera un point sur ces questions juridiques Les actions menées, sont donc des actions d’accompagnements et restent, dans une certaine mesure, symbolique même si leur impact n’est pas négligeable. Nous rappellerons brièvement dans un second temps les actions menées et leurs perspectives d’évolution
Un tournant parait s’opérer avec la mise en route du processus de Lisbonne qui vise à faire de l’Europe l’économie la plus compétitive et la plus dynamique du monde. Dans cet esprit, l’éducation et la formation, facteurs de la croissance économiques doivent jouer un rôle important, voire prioritaire. Nous examinerons en détail les différentes étapes de ce processus et les résultats ou plutôt l’absence de résultats constatés actuellement Nous nous attarderons sur la méthode utilisée, dite de la coopération ouverte et ses limites et sur les objectifs et indicateurs retenus. Dans une dernière partie enfin, nous établirons un bilan critique de ce processus en montrant son coté ambivalent qui me parait être une caractéristique forte de la construction européenne.

I Des compétences communautaires institutionnelles limitées

L’élaboration d’une politique commune de l’éducation ne figure pas parmi les objectifs fixés aux Communautés européennes, même si l ‘ article 128 du traité CEE disposait que le « Conseil établit les principes généraux pour la mise en œuvre d’une politique commune de la formation professionnelle « C’EST sous cette double logique de rattachement à la formation professionnelle et d’application du principe de libre circulation des travailleurs que vont être prises progressivement les premières mesures concernant l’éducation considérée comme un des facteurs essentiels du progrès économique avec la tenue de Conseils des ministres de l’éducation nationale. L’Acte unique de 1986 met l’accent sur l’importance des ressources humaines mais dans la seule perspective de l »employabilité garante de la cohésion sociale et condition du développement économique.

Et ce même acte unique adopte le principe de directives visant à la reconnaissance mutuelle des diplômes, certificats et autres titres. Parallèlement la Cour de justice des Communautés européennes adopte une jurisprudence élargissant la notion de formation professionnelle par l’arrêt GRAVIER de 1985 ( discrimination entre nationaux et non nationaux sur les droits d’inscription) Elle considère que l’éducation et la formation en général entrent dans la notion de formation professionnelle qui couvre un enseignement préparant l’étudiant à une qualification pour une profession, un métier ou un emploi spécifique. Et l’arrêt Blaizot (1988) considère que la formation professionnelle ne couvre pas seulement les études « conférant une qualification immédiate pour l’exercice d’une profession « L’ensemble des formations supérieures entrait ainsi dans le champ de l’article 128 et l’intervention communautaire trouvait une justification.
Cette implication communautaire progressive dans le champ de l’éducation est cependant marquée, aux yeux de certains, comme déroulant purement de considérations économiques à connotation libérale et ce reproche restera un leitmotiv des critiques de la politique éducative communautaire.

C’est le traité de Maastricht, signé le 7 février 1992 qui va reconnaître les avancées communautaires concrètes réalisées en marge ou même en dehors des textes et faire mention explicitement, pour la première fois de l’éducation dans le champ des compétences communautaires ; dès le préambule, il est fait référence à l’éducation, : les signataires sont déterminés à promouvoir le développemen tdu niveau de connaissancele plus élevépossible pour leurs peuples par un large accès à l’éducation et par la mise à jour permanente de connaissances. Et l’article 3 précise que « l’action de la Communauté comporte une contribution à une éducation et à une formation de qualité ainsi qu à l’épanouissement des cultures des états membres « Les articles 149 (éducation) et 150 ( formation professionnelle) précisent les compétences communautaires et nous allons analyser précisément ces articles qui régissent les interventions actuelles.

Les deux articles comportent un premier alinéa qui insiste fortement sur la notion de subsidiarité puisque l’action de la Communauté encourage la coopération entre les Etats membres, appuie et complète leur action en respectant pleinement la responsabilité des Etats membres pour le contenu et l’organisation de l’enseignement et de la formation professionnelle ainsi que leur diversité culturelle et linguistique.

Les actions visées sont les suivantes :
– développement de la dimension européenne de l’éducation notamment par l’apprentissage et la diffusion des langues des Etats membres
– développement de la mobilité des enseignants et des étudiants et des échanges de jeunes
– promouvoir la coopération entre établissements d’enseignement des différents pays et entre établissements de formation et entreprises
-développer l’échange d’informations et d’expériences sur les questions communes aux systèmes d’éducation et de formation des Etats membres
-encourager le développement de l’éducation à distance
– améliorer la formation professionnelle initiale et continue afin de faciliter l’insertion et la réinsertion professionnelle sur le marché du travail.
– faciliter l’adaptation aux mutations industrielles par la formation et la reconversion professionnelle.

Ces actions légitiment les programmes d’échanges européens comme la prise en compte de projets éducatifs dans les politiques structurelles (FSE et FEDER)

La mise en œuvre des actions visées exclut toute harmonisation des décisions législatives et réglementaires. Elle implique (article 251) du traité une décision conjointe du Parlement et du Conseil.

Le projet de Constitution européenne ne change pas ces objectifs ni ces équilibres institutionnels.

Si l’éducation, à la différence de la promotion du progrès scientifique et technologique, n’est pas mentionnée en tant que telle dans les objectifs de l’Union, le droit à l’éducation et notamment le droit à la gratuité e l’enseignement obligatoire figure dans la charte des droits fondamentaux de l’Union. L ˜ action en matière d’éducation reste subsidiaire et complète l’action des Etats, elle ne peut en aucun cas aboutir à une harmonisation de nature législative et réglementaire. Les modes de décision restent inchangés. L ˜ éducation est classée dans le projet de constitution dans le domaine des actions d’ appui de coordination et de complément (article 1- 17) alors que les politiques connexes ou en rapport avec l’ éducation, emploi, recherche, cohésion économique, sociale et territoriale, relèvent de compétences partagées (article I- 14). La construction d’un espace européen de l’enseignement supérieur et de recherche relève donc à la fois d’une compétence d’appui et d’une compétence partagée et cela peut donner l’occasion à la Commission d’aller au-delà de la lettre des textes. ? même si c’ est parfois pour la bonne cause.

A ces réserves près, rien dans les textes ne juridiques, ne présente une menace pour la spécificité de notre systéme d’enseignement et ce n’est certainement pas là que peut se justifier l’idée de l’influence croissante quoiqu ˜ indirecte de l’union européenne, sur nos systéme éducatifs, selon la formule d’Agnès Van Zanten..

II Des actions qui restent limitées

La limitation est d’abord budgétaire ; les actions dédiées à l’éducation ne dépassent pas 1% du budget de l’union et cette part ne devrait pas se modifier considérablement, compte tenu des tensions prévisibles sur le budget de l’Union.
Les actions les plus importantes et les plus significatives, au moins en terme symbolique sont celles consacrées aux programmes d’échange européen qui existent pour certains d’ entre eux depuis 1987 et devraient être prolongés et renforcés sur la période 2007- 2013 si la proposition de la Commission est suivie Les programmes ont été d’abord multiples et foisonnants (Comett, Lingua, Petra, Force, Erasmus), avant d’être regroupés à partir de 1995 en trois entités principales : Socrates ( éducation), Léonardo da Vinci ( formation professionnelle ), et jeunesse ( éducation non formelle ) Une agence Socrates leonardo gére pour la France les deux premières entités.
Le programme Socrates recouvre tout le champ de l’éducation proprement dite, de la maternelle à l’éducation des adultes IL a pour objectifs le renforcement de la dimension européenne de l’éducation et la promotion de la coopération et de la mobilité dans le domaine de l’éducation. IL concerne 31 pays participants et est doté d’un budget global de 1850 millions d’Euros sur la période. LES trois principales actions sont Erasmus (51%° dédiés aux activités de coopération universitaire et aux échanges d’étudiants, Comenius où sont intégrés tous les partenariats scolaires et Grundtvih ( éducation des adultes, apprentissage, école de la deuxiéme chance)

Vient s’ajouter à cela un programme Erasmus Mundus, programme d’excellence destiné à attirer les étudiants et chercheurs les plus brillants des pays tiers et a améliorer la visibilité et l’ attractivité de l’enseignement supérieur

Leonardo a pour objectifs de renforcer les attitudes ou les compétences des personnes et de faciliter l’accès à la formation professionnelle. Sa principale action est la mobilité en permettant à des étudiants, des travailleurs et des formateurs d’effectuer des stages dans des entreprises européennes.

On peut reprocher à ces programmes le faible nombre au bout du compte des étudiants concernés (1 million pour tous les pays en 15 ans pour Erasmus ), le montant relativement faible (150 euros par mois) des bourses même complétées par l’Etat et les régions. qui fait dire dans le livre noir des réformes universitaires que ces bourses sont réservées aux étudiants favorisés. . On peut dire également qu ˜ ils favorisent la mobilité ultérieure sur le marché du travail, beaucoup moins développée en Europe qu ˜ aux Etats Unis et qu ˜ elles procèdent du souci d’ une meilleure employabilité . En revanche les études d’ insertion montrent que les étudiants Erasmus sont mieux insérés (OURIP Rhône -Alpes ).Ces programmes enfin contribuent à un embryon d’une citoyenneté européenne. La comme ailleurs, il y a ambivalence de la politique européenne.

Par ailleurs, on notera que :
– l dans les régions en retard ou en reconversion industrielle les établissements scolaires français peuvent bénéficier, pour des montants non négligeables du FSE et du FEDER ( actions d’insertion, construction universitaire )
– les établissements d’enseignement supérieur, dans leurs activités de recherche, émargent aux programmes cadres de recherche et de développement
– L’éducation se voit appliquer les principes généraux européens liés à la libre circulation ( accès à la fonction publique des enseignants étrangers, reconnaissance des diplômes )
– dés 1970 a été entrepris l’établissement de statistiques communes et ultérieurement d’une base d’information sur les systémes éducatifs européens

Le même constat peut être fait que précédemment. Ces actions ne sont pas négligeables mais n’entament pas le cœur du systéme. Mais l ˜ histoire de la construction européenne montre que parfois les politiques menées vont, par accord entre les états, plus loin que les textes eux -mêmes. Et pour certains, des processus comme ceux de la Sorbonne – Bologne pour l’enseignement supérieur et celui de Lisbonne o représentent un véritable tournant ( cf. l’article de Nouveaux Regards n° 17 Réflexions sur le tournant Lisbonne Barcelone ) « qui conduirait progressivement à la mise en place d’un encadrement de plus en plus étroit, précis et irréversible des politiques nationales par les décisions au niveau européen. C’ est ces processus que nous allons analyser maintenant.

III Le processus de Lisbonne un tournant ?

1)un processus continu de déclarations

A partir de 1999 ( déclaration de Bologne sur la création d’ un espace européen de l’ enseignement supérieur, hors champ de notre sujet d’ aujourd’hui essentiellement consacré à l’ enseignement scolaire ) se sont multipliés rapports de la commission et décisions conjointes de la commission et du Conseil. Et en dépouillant systématiquement la littérature un peu indigeste de la commission, on est frappé par la masse des rapports et l’abondance des déclarations et des annonces qui apparaît clairement à la lecture du calendrier suivant :

– Bologne juin 1999 29 Etats européens adoptent une déclaration fixant pour objectif la création d’un espace européen de l’enseignement supérieur
– Lisbonne mars 2000 : Fixation de l’objectif « devenir en 2010 l’économie de la connaissance la plus compétitive et la plus dynamique du monde. Cet objectif nécessite :
Un programme ambitieux en vue de moderniser les systémes d’éducation

Le Conseil Européen a demandé au Conseil de l’éducation et à la Commission d’entreprendre une réflexion générale sur les objectifs concrets et futurs des systémes d’enseignement, axée sur les priorités communes tout en respectant les diversités nationales
Le Conseil a par ailleurs défini une nouvelle approche en matière de coordination des politiques dans des domaines comme l’éducation et la formation : la » méthode ouverte de coopération(MOC) dont le principal objectif est d’assurer une plus grande convergence au regard des principaux objectifs de l’UE, en aidant les états membres à développer progressivement leurs propres politiques pour atteindre ces objectifs.

-Rapport européen sur la qualité de l ˜ éducation scolaire. Seize indicateurs de qualité ( mai 2000) préfigurant les indicateurs de convergence des systémes éducatifs

– Barcelone mars 2002 : * adoption d’un programme de travail sur les objectifs futurs des systémes d’éducation et de formation avec trois objectifs stratégiques : améliorer la qualité et l’efficacité des systémes d’éducation et de formation, faciliter l’accès de tous aux systémes d’éducation et de formation, ouvrir au monde extérieur les systémes d’éducation et de formation.
• affirmation que l’éducation et la formation constituent un domaine prioritaire de la stratégie de Lisbonne mais en soulignant que l’éducation et la formation sont bien plus que des instruments axés sur l’emploi et assument des responsabilités plus importantes à l’égard des citoyens et de la société
• précisions sur la méthode ouverte de coordination.
Nous reviendrons sur les objectifs et indicateurs et sur la méthode ouverte de coopération.

– adoption en mai 2003 de critères de références communs : (Taux moyen de jeunes quittant prématurément l’ école dans l’ union européenne inférieur à 10%, nombre total de diplômés en mathématiques sciences et technologies dans l’UE augmentant de 15% avec réduction de l’ écart filles garçons, % de jeunes de 22 ans et moins ayant achevé leurs études secondaires supérieures atteignant au moins 85%, réduction de 20% du pourcentage des élèves de 15 ans ayant de faibles compétences en lecture augmentation de 12,5% du taux moyen d’ éducation et de formation tout au long de la vie. ,

– rapport en 2004 faisant un point sur l’atteinte des objectifs, concluant à l’urgence d’accélérer les réformes pour réussir la stratégie de Lisbonne Les points évoqués concernent notamment la concentration des réformes et des investissements sur les points clés, faire de l’apprentissage tout bau long de la vie une priorité, renforcer l’attrait de la profession d’enseignant, cibler les efforts sur les groupes défavorisés. Il liste les progrès réalisés : début de structuration d’un espace européendel éducation ,mise enoeuvredu processus de Bologne , amélioration des programmescommunautaires mais souligne que denombreux signaux d’alerte restent allumés ( taux de décrochage trop élevé , jeunes sanscompétences clés, pénurie d’enseignants qualifiés, IL insiste sur la mise en cohérence des différentes initiativesconcernant l’éducation et la formation, sur la nécessité d’améliorer des indicateurs et sur la nécessité derenforcer ladimension européenne e l’éducation

Parallèlement, outre ce qui concerne l’enseignement supérieur, ( cf. séance n) des initiatives ont été également prises en matière d’enseignement et de formations professionnelles déclaration de Copenhague en 2002 et communiqué de Maastricht en 2004 avec un processus analogue à celui de Bologne sur la transparence et la reconnaissance des qualifications. le principe est celui d’Europass, portofolio coordonné de documents présentant les qualifications et compétences acquises en formation, dans le travail à l’occasion d’activités bénévoles. . Un rapport a été présenté, assez creux, sur éducation et citoyenneté en octobre 2004

Toutes ces communications et décisions sont accessibles sur le site www.europa.eu.int rubrique éducation

b) analyse des objectifs

Les trois objectifs stratégiques précédemment définis regroupent au total 13 objectifs secondaires que l’on analysera rapidement, à la fois dans leur symbolique et par rapport au premier bilan fait dans la note de2004

Le premier objectif est celui de l’amélioration de la formation des éducations et des formateurs, (1.1) problème clé compte tenu des besoins de renouvellement massif des enseignants dans tous les pays de l’union Le rapport de2004 ré insiste sur ce point < et parle de risque de pénurie. L'amélioration de la formation continue la nécessité de rendre les conditions de travail attrayantes sont soulignées ainsi que la nécessité d' attirer des candidats ayant une autre formation professionnelle, proposition reprise dans le rapport annexé à la future loi d' orientation. Des échanges de bonnes pratiques sont évoquées en matière d'évaluation des programmes de formation ou de systéme de promotion LE deuxiéme objectif (1.2) est celui de développer les compétences nécessaires dans la société de la connaissance On est ici dans une problématique très proche des compétences qui sont mesurées dans les évaluations internationales et les indicateurs indiqués sont en grande partie ceux de PISA. le document de 2004 indique cependant la nécessité de bâtir un instrument d' évaluation des compétences en langues vivantes , absent dans les outils de l'OCDE . Le pourcentage d' élèves à faible capacité de lecture est un des critères de références adoptés en 2003. Cet objectif renvoie aux discussions sur connaissances ou compétences, question qui m'a toujours paru être un faut problème et a la compatibilité des compétences mesurées avec les valeurs européennes. Le troisiéme objectif (1.3) est de permettre à tous l'accès au TIC Cet objectif ne pose pas de problèmes de légitimité ; en revanche il est difficilze dechiffrer des indicateurs pertinents surl' utilisation rtéellez et encore plus sur l' impact de cette utilisation Le quatrième objectif (1.4) est d'augmenter le recrutement dans les filières scientifiques et techniques ; c'est un problème général européen et même mondial. C4 est un des critères de référence et aussi un des objectifs du rapport annexé au projet de loi sur l'école comme l'amélioration du rapport fille - garçon LE cinquième (1.5)objectif est celui de l' optimisation des ressources avec à la fois le principe d' une augmentation des ressources par habitants mais aussi celui d' une meilleure efficacité de la dépense, de redéploiements éventuels et de partenariats- public privés plus importants. Le document de 2004 prône ainsi le développement du financement privé dans l' enseignement supérieur, la formation des adultes et la formation professionnelle continue. La commission, dans le cadre des groupes de travail sur les indicateurs, souhaite proposer des indicateurs d'efficacité des systémes éducatifs en rapportant la moyenne des scores à PISA à la dépense cumulée pour l'éducation jusqu ˜ à 15 ans en fonction du PIB. NOUS avons vu précédemment la prudence à faire dans les rapprochements coûts- résultats de PISA. mais ce type d' indicateur comparaison coûts -résultats est proche de ce quel' on attend à travers la LOLF . LE sixième objectif (2.1) créer un environnement propre à l'apprentissage est centré sur la formation tout au long de la vie et la validation des acquis IL est en soi légitime mais reste très imprécis dans sa formulation et sa description détaillée. . Le 7ème objectif (2.2) rendre l'éducation et la formation plus attrayante n'est pas contestable en soi. les indicateurs qui lui sont associés sont des indicateurs de poursuite d' études dans l' enseignement supérieur et de proportion de jeunes de 22 ans ayant achevé au moins l' enseignement secondaire supérieur Le second indicateur est un des critères de références adopté par l'UE bien qu ˜il soit méthodologiquement contestable quant à la comparabilité des données. Le 8ème objectif (2.3) est de favoriser la citoyenneté active, l'égalité des chances et la cohésion sociale. LE principal indicateur retenue est un indicateur de décrochage scolaire, actuellement à près de 18% et pour lequel un niveau de référence a été fixé à 10% Le 9éme objectif (3.1) est de renforcer les liens avec le monde du travail, la recherche et la société dans son ensemble. IL part d'un constat, partiellement contestable d'ouverture insuffisante des systémes éducatifs « privilégiant l'enseignement sur l'apprentissage, les programmes sur les apprenants et les qualités d'enseignement abstraites sur la pertinence » selon les termes de la brochure de la commission « Education et Formation en Europe systémes différents, objectifs partagés pour 2010 » U ne telle ouverture serait de nature à stimuler l'esprit d'entreprise ou d'initiative. Cet objectif de développer l' esprit d' entreprise est repris dans le10ème objectif (3-2).Cet objectif est clairement relié à la politique de l'emploi de l'UE LE 11éme objectif (3.2) est d'améliorer l'enseignement des langues étrangères, l'apprentissage des langues étant considéré juste titre comme une dimension clé de l'éducation, de la culture et de la citoyenneté mais aussi de l' employabilité. Comme en France l' objectif est de 2 langues vivantes ; la nécessité de construire un indicateur européen dans ce domaine est réaffirmée LES méthodes d' apprentissage, notamment précoce des langues étrangères sont un domaine privilégié d' échanges de bonnes pratiques Cette question des langues vivantes , dont le respect de la diversité a fait l'objet d' une résolution du Conseil est considérée dans le document de 2004 commun des leviers de la réussite . Le 12ème objectif (3.4) accroître la mobilité et les échanges est un objectif classique de l'UE e matière d'éducation est un élément essentiel de l'acquisition de la citoyenneté européenne. Mais aussi d'un meilleur fonctionnement du marché européen LE rapport de 2004 insiste sur la nécessité d'éliminer les obstacles à la mobilité du travail L ˜ objectif inclut aussi le renforcement de l'attractivité de l'Europe, le rapport de 2004 constatant que l'Europe « moins de talents que ses concurrents « Le 13ème et dernier objectif (3-5)est de renforcer la coopération européenne notamment par des procédures de reconnaissance des diplômes et des qualifications plus rapides et plus efficaces. et plus transparentes Cette lecture rapide des objectifs montre qu ˜il s'agit le plus souvent d'objectifs généraux, non contradictoires, avec ceux que l'on retrouve dans la loi de 1989 par exemple, à l'exception près de l'optimisation des ressources. On est encore loin d'une pression irrésistible sur le contenu des réformes c) la méthode de coopération ouverte

LA méthode ouverte de coopération, inaugurée dans le secteur de l’emploi, consiste, en l’absence de possibilité d’actes réglementaire, à faciliter l’harmonisation des politiques à travers une palette d’instruments :
– comparaisons significatives entre pays sur la base d’indicateurs et de critères de références ( procédure du benchmarking. Cinq critères de référence ont été définis et des groupes de travail ont été constitués sur les indicateurs. La tendance est naturellement à utiliser les indicateurs existant, communs à l’UNESCO, l’OCDE et à Eurostat, quitte à privilégier la disponibilité des indicateurs sur la qualité même si les rapports reconnaissent quelques lacunes à combler
– échanges d’expériences constituant à tirer des enseignements de bonnes pratiques et à identifier les facteurs de la réussite
– examens par les pairs . Cette méthode a été prévue par le Sommet de Lisbonne. Dans le contexte de l’éducation et de la formation, cet outil ne sera employé qu à la demande d’un Etat membre, ce qui en limite les effets.
Dans l’état actuel des choses, le processus n ‘apparaît pas très contraignant

Certains analystes y voient cependant un nouveau mode de gouvernance jugée peu démocratique et sans contrôle de la société civile et du parlements ( cf. LA gouvernance en Europe, un vrai changement Nouveaux Regards n° 17 ) D ˜ autres y voient un mode de gouvernance par la comparaison proche de la gouvernance par les résultats et les auteurs de l’article »Le comparatisme en éducation : mode de gouvernance ou enquête historique ? » dans l’Education comparée, un outil pour l’Europe, y voient un mode de gouvernance extrêmement puissant. .

IV Quel bilan tirer du processus de Lisbonne ?

Le processus de Lisbonne est confronté à une série de critiques contradictoires.

1) un processus inefficace

La premiére série de critiques, est qu ˜ au fond le processus de Lisbonne est en panne et que la méthode ouverte de coopération n’est pas assez contraignante. Tel est le verdict du Rapport de Haut niveau présidé par l’ancien Premier ministre néerlandais Wim Kok remis en 2004, bien qu ˜ il n’aborde que peu les questions d’éducation et de recherche. IL considère tout d’abord que la structure du budget européen devrait refléter les priorités de la stratégie de Lisbonne ce qui pousserait à une augmentation des dépenses pour l’éducation et la recherche. IL constate que les fondements de la méthode de coopération ouverte : pression des pairs et fixation des niveaux de référence ne sont pas utilisés efficacement faute de la volonté des états de conforter effectivement leurs performances. IL propose qu « Au conseil européen de printemps, la commission européenne devrait présenter, de la manière la plus publique possible un classement annuels des progrès accomplis par les Etats membres sur la voie de la réalisation des quatorze indicateurs et objectifs clés de Lisbonne. Les pays qui ont obtenu de bons résultats devraient être félicités tandis que ceux dont les performances sont médiocres devraient être blâmés

La commission a d’ailleurs demandé que les pays membres lui fournissent chaque année un rapport consolidé sur l’ensemble de leur action d’éducation et de formation contribuant à la stratégie de Lisbonne. Le contrôle mutuel des états pourrait être ainsi complété par un rapport de synthèse de la commission
D ˜ une manière plus atténuée on peut considérer que, dans le domaine de l’éducation le processus de Lisbonne se réduit à des annonces et déclarations à caractère très incantatoire et assez semblables, pour ceux qui connaissent l’exercice à aux communications en Conseil des ministres

2) un processus trop libéral

L ˜ institut de r recherches de la FSU à travers un numéro de sa revue nouveau Regards consacré à la construction européenne et un livre sur le nouvel ordre éducatif mondial a développé une analyse fouillée et plutôt nuancée qu ˜ on peut résumer de la sorte :

* La commission européenne comme la Banque Mondiale et l’OMC contribuent chacun >à leur manière à une vulgate libérale sur l’éducation et le chapitre consacré à la commission s’intitule « la Commission européenne : une politique de l’Education sous influence

* la politique européenne en matière d’éducation est élaborée de manière peu démocratique ( c’est vrai)

*la politique éducative est arrimée à la politique de l’emploi et relève trop d’une logique économique utilitariste ( théorie du capital humain )

*la coopération ouverte impose une pression forte et croissante sur les politiquement éducatives

Ce constat est partiellement exact et l’analyse des discours de la techno structure bruxelloise justifie en partie ces accusations. Et l ˜articles de François Audigier « du côté de la citoyenneté, de l’histoire et de la géographie « dans l’éducation comparée, un outil pour l’Europe souligne la méfiance que peut engendrer le langage utilisé. IL parle de concepts magiques qui sont aussi des concepts masques : benchmarking, lilelonglearning, éducation informelle, ressources humaines Comme le dit justement dans le même ouvrage P Laderrière, l’assimilation est vite faite entre domination anglo-saxonne et utilisation d’un vocabulaire managérial. Mais la construction européenne n’est pas que cela et par exemple les programmes d’échange européen ont une dimension culturelle réelle.

3) la surestimation de l’échange des bonnes pratiques

Même s’il est intéressant de connaître et d’analyser les politiques des autres états européens, dans la mesure où les problèmes sont semblables, l’idée d’une diffusion et d’une reproduction des pratiques innovantes ou des bonnes pratiques séparées d e leur contexte est un leurre. C ‘ est vrai au plan interne comme au plan international. et l’ analyse comparative ne peut être un instrument direct légitimant des réformes . Comme le disent des chercheurs de l’université de Mons JE Charlier et Frédéric Moens à propos de la recherche : «
Même les partisans du benchmarking soulignent les risques qu ˜il comporte de conduire à une imitation non critique de pratiques qui cessent d’être efficaces quand elles sont extraites du milieu où elles sont apparues et épanouies »

4) L’insuffisance des indicateurs

Cette insuffisance est de trois ordres :

-La comparabilité n’est pas totalement assurée et on reste un peu interloqué devant les statistiques d’Eurostat qui pour les critères de référence sur le décrochage scolaire et le niveau de sortie des jeunes de 22 ans indiquent que les pays nouveaux adhérents ont de bien meilleurs résultats que les anciens pays

– les indicateurs ne sont pas disponibles ou sont non pertinents ; LE rapport du printemps 2004 donnait comme cibles d’amélioration d’indicateurs existants ou de nouveaux indicateurs : compétencesclés, langues, usage des TIC, mobilité, formation des adultes…

– une critique plus radicale est faite par G Bonnet ( article distribué en séance ) qui considère que la tendance à utiliser les indicateurs disponibles comme ceux de l’OCDE risque d’ amener à utiliser des standards qui ne correspondent pas aux valeurs européennes.

5)L’influence sur les réformes en France

Traditionnellement le débat éducatif en France reste très franco-français même si l’intérêt pour les systémes éducatifs étrangers s’est sensiblement développé ces dernières années. L ˜ introduction au miroir du débat relève que l’on peut s’étonner que l’Europe soit peu évoquée alors que la question sur les missions de l’école faisait explicitement référence à l’Europe : « Quelles doivent être les missions de l’Ecole, à l’heure de l’Europe et pour les décennies à venir ? «
Le rapport de la Commission Thélot, dans son introduction présente un paragraphe intitulé « Inscrire l’Ecole de la Nation, dans l’horizon européen «. Si l’éducation doit demeurer une dimension de la politique qui a vocation à demeurer nationale, une réflexion sur l’Ecole ne peut ignorer les effets de la construction européenne sur la conception des missions et du fonctionnement de l » école. Deux propositions de la commission font référence à l’Europe : L ˜ idée forte du rapport, la constitution d’un socle commun de connaissances et d’aptitudes rejoint l’idée de compétences de bases dont l’acquisition figure dans les objectifs concrets des systémes éducatifs européens. Et l’inclusion de l’anglais de communication dans ce socle doit permettre de préparer les élèves à se mouvoir dans l’espace politique et économique européen.

Enfin, il a paru intéressant d’analyser le projet de loi d’orientation pour l’avenir de l’école et son rapport annexé pour voir s’il comportait des références à la construction européennes. Rappelons que le projet de loi propose au Parlement d’approuver les orientations du rapport. Or celui ci fait fréquemment des références à la construction européenne.
Hansi « la nouvelle loi veut inscrire l’effort de l’éducation nationale dans le cadre des engagements européens de la France « Un paragraphe entier intitulé la construction européenne fait référence au processus de Lisbonne en énumérant les treize objectifs adoptés au Sommet de Barcelone. Dans cet esprit, à travers le projet de loi « La France s’attache à donner aux personnes qui ont des qualifications, des compétences et des connaissances, la possibilité de les faire reconnaître dans l’Union européenne. Elle œuvrera avec ses partenaires pour rendre les systémes d’ éducation suffisamment compatibles pour que les citoyens puissent passer de l’ un à l’ autre et profiter de leur diversité.

« Dans la perspective du processus de Lisbonne, l’école doit préparer les jeunes à trouver un emploi en France et en Europe.
L’école primaire apporte aussi aux élèves des repères d’histoire et de géographie sur notre pays et l’Europe
Un paragraphe de deux pages est ensuite consacré à la dimension européenne avec un double objectif « favoriser la poursuite d’études supérieures dans un pays européen et faciliter la recherche d’emploi sur les marchés français européens du travail » D’où les mesures sur l’enseignement des langues. » un appui sera apporté aux établissements pour organiser des projets dans le cadre des programmes européens.
3 La dimension européenne passe également par une politique de reconnaissance mutuelle des qualifications qui débouchera sur la création de diplômes professionnels européens.

Cette abondance des références à l’Europe dans une réforme de l’ éducation qui constitue une première ne signifie malgré tout aucunement que ce projet de loi est sous influence européenne

Conclusion Une construction européenne de l’éducation marquée sous le sceau de l’ambivalence.

Dans le numéro 2004-1de politiques d’ éducation et de formation consacré la gouvernance de l’ enseignement supérieur, et dans l’ article de S Reichert et C Tauch, intitulé ; » les avancées de l’ espace européen de l’enseignement supérieur » un paragraphe est titré « Bologne et son ambivalence »Les auteurs constatent que le processus intègre deux aspects potentiellement contradictoires ; un volet compétitivité et un volet culturel et social et concluent que ces deux aspects sont nécessaires pour alimenter le processus .

Cette constatation pourrait s’appliquer à l’ensemble de la politique éducative européenne qu ˜il s’agisse de mobilité, de reconnaissance des qualifications ou de bien d’autres aspects. L’ employabilité et la citoyenneté ne sont obligatoirement des objectifs antinomiques et la reconnaissance de l’éducation et de la recherche comme facteurs de la croissance et de l’emploi, même au nom de théories économiques à connotation libérale a aussi pour effet de réhabiliter partiellement la dépense publique dans ces domaines. La mise en œuvre des objectifs communs aux systémes éducatifs dépendra beaucoup de ce que les Etats voudront en faire et les dérives possibles ne sont pas irrémédiablement inscrites dans les processus actuels.

Eléments bibliographiques

Tous les documents communautaires sont accessibles sur le site web de la Commission :
http://europa.eu.int/comm/education Quelques éléments vous seront données en séance

Pour une approche critique
Laval (C), Weber(L) le nouvel ordre éducatif mondial OMC, Banque mondiale, OCDE, Commission européenne éditions Syllepses et nouveaux regards Paris 2002

Europe e téducation : un débat urgent Nouveaux regards n° 17 printemps 2002

Laderrière (P), Vaniscotte (F), (sous la direction de) l’éducation comparée un outil pour l’Europe ?, l’Harmattan 2003

Bonnet (G) Evaluation of education in the European Union : policy and méthodology ( distribué en séance)

Jean-Richard CYTERMAN
Janvier 2004

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