PRomotion des Initiatives Sociales en Milieux Educatifs

IDENTITÉ NATIONALE: Le premier dictionnaire de l’Académie française, 1694, fait référence à ({Tous les habitants d’un mesme État, d’un mesme pays, qui vivent sous les mesmes lois et usent de mesme language». Le peuple, l’ethnie, la nationalité, la nation sont des vocables différents pour désigner divers types d’ensembles humains qui transcendent des groupements primaires : clans, tribus, villages, etc.

Je suis nécessairement homme et ne suis Français que par hasard», C. de Montesquieu (1689- 1755).
La Déclaration des droits de l’homme et du citoyen stipule en son article 3e : "Le principe de toute souveraineté réside essentiellement dans la Nation". La nation se dit au moins en trois sens : social, juridique et comme collectifs d’hommes.
Les historiens tiennent la bataille de Bouvines, 1214, pour le premier témoignage, dans sa version combattante, du sentiment national.
Mais faut-il rappeler qu’à Valmy, 1792, pas un quart des hommes de Dumouriez ne parlaient français.
En France, le sentiment national s’est forgé au cours d’une longue histoire où l’on peut mentionner en particulier l’influence de la
royauté, des guerres (la guerre de Cent ans … ), et des épopées héroïques (Jeanne d’Arc. .. ). La  conception romantique de l’Histoire de France, de J. Michelet, (17 volumes achevés en 1869), décrit l’histoire de la nation française, "de bas en haut» avec une ferveur républicaine. "Pour fonder une nation, disait Barrès, il faut un cimetière et un enseignement de l’histoire ».
La naissance de la "Nation France", selon C. Beaune, 1985, émerge au XIX’ siècle quand les nations se sont formées en tant que corps politiques adossés à une culture. Au sens moderne, qu’est-ce qu’une nation? Dans son célèbre discours prononcé en Sorbonne le 11 mars 1882, E. Renan met en lumière différents éléments de cohésion : "Une nation est une âme, un principe spirituel [ … J, c’est l’aboutissement d’un long passé d’efforts, de sacrifices et de dévouements; avoir des gloires communes dans le passé, une volonté commune dans le présent, avoir fait de grandes choses ensemble, vouloir en faire encore, voilà les conditions essentielles pour être un peuple». Ce "plébiscite de tous les jours" est remis en cause au XXI’ siècle avec l’éclatement du concept de nation et l’ouverture à un espace supranational (Europe, Monde).
Contrairement à une opinion trop largement répandue, l’immigration est ({ une chance pour la France» B. Stasi, 1984. Les "racines chrétiennes" (métaphore discutable) de la civilisation française ne doivent pas occulter par exemple, l’âge d’or des sciences en pays d’Islam (mathématiques, astronomie, géographie, médecine, chimie, mécanique) entre les VIII’ et XIV’ siècles, ce qui nous permet de mieux comprendre un héritage culturel constitué par la circulation des savoirs en Méditerranée, depuis la Grèce antique jusqu’à l’Europe médiévale.
La nation française est-elle un rêve d’avenir partagé dans la république et la démocratie? En réalité, la nation est un fait récent, c’est une construction inachevée, source de déracinement, S. Weil, 1949. C’est aussi une idée révolutionnaire permettant l’émancipation d’un peuple où ses membres ne sont plus des sujets constituant la propriété privée d’un souverain, mais des citoyens en capacité de prendre leur destin en main, d’où la devise républicaine au frontispice de nos édifices publics : "Liberté, Égalité, Fraternité », Une nation est un mélange d’héritage et d’ambition qui doit sa force sentimentale dans une « communauté de rêve », A. Malraux, 1926.
« Le système scolaire» observe P. Bourdieu, 1993, « inculque les fondements d’une véritable religion civique et, plus  précisément, les présupposés fondamentaux de l’image (nationale) de soi» », Pourtant avec la fin du mythe Ferry, C. Lelièvre et C. Nique, 1993, observent la « mort lente de l’État-Nation éducateur », Longtemps la France a fait l’économie d’une interrogation sur son identité: le récit républicain, inauguré par J. Michelet (1798-1874), dotait son histoire d’une cohérence indiscutable.
Mais depuis une génération, sous l’effet des revendications communautaristes et mémorielles, cette cohérence narrative se fissure. La question est de savoir si cette fragmentation du « roman national », construit sous la III’ République et qui a subsisté jusque dans les années soixante, annonce un effacement des repères communs à tous les Français, ou promet des modes nouveaux d’inscription dans le pacte civique.
Dans l’étude des sociétés humaines, selon M. Mauss (1872-1950), la nation correspond à un certain degré d’intégration et de cohésion sociale; quant à la civilisation, c’est un fait supra national.
Sommes- nous entrés dans l’ère postnationale ?
En introduction de l’ouvrage collectif sur Les lieux de mémoire, P. Nora, 1987, parle des symboles de la nation comme des entités envoie d’effacement. Dans son plaidoyer Pour une nouvelle sodal-démocratie, J. Attali, 2004, remarque que « les nations, si longtemps aux commandes, perdent leur influence sur le cours général des choses et abandonnent dans la globalisation tout moyen d’orienter le destin du monde et de résister aux multiples formes que prend la terreur ». Si la nation s’appuie sur le mythe d’un passé commun, l’identité nationale, elle, est dynamique.
L’expression « identité nationale » est née dans les années 1980, au moment où la France se sentait vulnérable et se cherchait un refuge identitaire. L’ouvrage en trois volumes F. Braudel, 1986, sur L’identité de la France démontre que l’emploi du terme n’est pas naturel, mais qu’il est le fruit d’une longue histoire où domine l’idée de diversité des hommes et des choses. Selon cet historien, il convient de distinguer "le temps géographique" des temps « social » et « événementiel".
Le premier relève du rapport des hommes et de leur milieu et s’apprécie sur de longues pérodes, les autres s’apparent aux convulsions tragiques mais de « souffle court»,
La campagne présidentielle en France de 2007 a ramené le thème de "l’identité national" au centre des débats, question polémique une nouvelle fois ces dernières années. Au prétexte d’une politique sécuritaire, il est vain et dangereux pour la démocratie de confondre identité citoyenne et identité ethnique. Le caractère dynamique et multidimensionnel de l’identité est important car l’identité ramenée à une seule appartenance peut devenir intolérante, dominatrice, voire « meurtrière », pour  reprendre une expression d’A. Maalouf, 1998.
L’identité nationale comme les autres caractéristiques de l’identité humaine, est un phénomène dynamique de va-et-vient entre le dehors et le dedans, qui évolue en soi et hors de soi.
Pour acquérir la nationalité française dans les années 2000, une personne doit être née en France, y résider, avoir seize ans et en exprimer la volonté. Elle réunit alors les conditions légales pour faire valoir le droit du sol et obtenir la nationalité française (Identité de papiers).
Le nationalisme est une idéologie qui radicalise l’usage de la nation. F. Buisson, 1900, (directeur de l’enseignement primaire pendant dix-sept ans) explique « Pourquoi nous sommes patriotes et ne sommes pas nationalistes ». La thématique nationaliste est un fonds idéologique qui s’alimente de quatre thèmes : souveraineé, unité, passé historique et prétention à l’universalité. « Une idéologie ethniconationale ne se comprend qu’en fonction d’une orientation d’ensemble qui marque de son signe tous les éléments de sa structure. Cette orientation constitue en somme le rapport entre le groupe et les aspirations de ses membres, suivant les possibilités réelles ou imaginaires de satisfaction de celles-ci », M. Rodinson, 2002. Le plus grand ennemi de l’idéologie ethniconationale est l’individualisme, pratique ou théorisé. Le patriotisme ne se confond pas avec le nationalisme.

Parler de la France, comme d’une terre d’excellence ou d’exception, c’est se comporter en idéologue. M. Detienne, 2010, nous rappelle que "jusqu’au XVIII’ siècle, le royaume de France a vécu au bord du Bassin parisien en attendant une série de "rattachement" comme celui de la Savoie ou de la Lorraine », La France est le fruit d’une série de multiples hybridations. On le voit, le fait national ne relève pas d’une essence mais d’une construction historique, locale et contingente, où la part du récit joue un rôle prépondérant.
A partir de 1870, le roman national devient une affaire de professionnels : E. Lavisse avec son Histoire de France (1900-1912) jusqu’à F. Braudel avec L’identité de la France (1986) en passant par les Lieux de mémoire de P. Nora (1984-1992). M. Winock, 2010, rappelle que la notion d’identité nationale est mouvante, tributaire des événements qui se succèdent et des transformations en profondeur moins visibles qui modifient nos façons de voir et de juger». Chercher une « essence» de la francité est une entreprise vaine et un leurre, car c’est vouloir se laisser enfermer dans quelque chose de figé et d’anthropométrique. C’est la raison pour laquelle nous préférons la notion porteuse, d’appartenance, retenue par M. Serres, de l’Académie française. On « appartient» à la nation française, à la communauté nationale. L’appartenance implique un double mouvement : un mouvement vers la nation que l’on aspire à rejoindre et un mouvement d’accueil de la part de celle-ci à l’égard de ceux qui la rallient. Appartenir à un pays, c’est à la fois l’accepter comme il est et participer avec ceux que l’on rejoint à la création du pays de demain.
C’est ce dernier aspect qui est capital dans le domaine de l’orientation de l’avenir.
P. Lévy, 1997, nous rappelle que coexiste en nous quatre types d’identité: notre venue au monde n’est pas seulement territoriale et familiale. « Nous naissons aussi par et pour la Terre, nous inaugurons en naissant une existence cosmique». Jusqu’à plus ample informé, l’Homme est le seul animal connu qui a la conscience d’un destin cosmique, fait de « poussières d’étoiles» (H. Reeves, 2009).

– Civilisation ; Culture ; Histoire & Géographie ; Mémoire; Nation; Utopie …
Orientation bibliographique
• Braudel, F. (1986). L’identité de la France.
Paris: Flammarion.
• Plenel, E. (1985). La République inachevée.
L’État et l’école en France. Paris: Payot.
• Pottier, M. & Viard, J. (2005). Dialogue sur nos
origines. La Tour d’Aigues: Éditions de l’Aube.

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