PRomotion des Initiatives Sociales en Milieux Educatifs

Courrier des lecteurs « Le Monde « , « Libération »

Jacqueline Descarpentries, Enseignante-chercheuse à l’ Université de Lille3 – Villeneuve d’ Ascq 59650

Oui, mais… au lieu de prévenir les maladies et soulager les vulnérabilités humaines, notre prévention renforce les inégalités sociales de santé : ceux sont les plus riches qui ont accès à l’information, à la prévention, qui se protègent le mieux des maladies et prennent soin de leur corps. Au lieu de se prévenir des risques à développer des pathologies coûteuses pour la société, de plus en plus d’humains ne peuvent plus exercer les moindres gestes protecteurs : des humains en France, ont faim, au mieux consomment des aliments peu chers, peu nutritifs, ne peuvent pas se loger, consomment de plus en plus d’alcool, de plus en plus de médicaments psychotropes, remboursés par la sécurité sociale, pour tromper leur mal-être et leur pauvreté. …

Quant à nos plus jeunes, ils ont mal à l’école, les toilettes sont immondes et créent des maladies, aucun adulte n’accepterait d’y pratiquer ses propres besoins. Les collégiens et les lycéens s’alcoolisent
les week-ends pour oublier les pressions à la performance et à la réussite vers un monde qui leurs rappellent la crise (financière, d’emploi, familiale) … Certes ils fument peut-être moins « de nuit grave » nom donné aux cigarettes, sans doute à cause des coûts, mais ils ne s’inscrivent pas non plus en club sportif et ne mangent pas plus « équilibré ».

Nos jeunes filles veulent ressembler aux mannequins des magazines toujours de plus en plus maigres. Elles utilisent des stratégies pour ne plus s’alimenter dans nos collèges et lycées, elles renforcent leur motivation sur des blogs le week-end. Elles soumettent leur corps aux injonctions du bronzage, de la beauté, des talons hauts, elles prennent des risques sexuels, dont leur responsabilité est limitée par une possibilité de vaccin.

Certains jeunes, de plus en plus tôt prennent des risques, se suicident sous diverses formes en consommant les drogues banalisées, le « chichon » et ou un comprimé d’extasie qui coûte moins cher qu’un paquet de cigarette. D’autres se tuent sur les routes tous les week-ends. Les professionnels de la prévention sont débordés, sous qualifiés, sous rémunérés et convaincus de l’inefficacité des campagnes de prévention, sans aucun statut professionnel.

Quant à nos professionnels de soins, ils sont épuisés par les normes qualité réduisant l’humain à la quantification au lieu de prévenir les complications et limiter les dépenses de soins curatifs. Notre prévention est en crise. Elle est une brillante illustration de la paupérisation et du contrôle des corps, les humains les plus vulnérables recourent aux systèmes de soins, en dernière instance, pour soulager leur souffrance physique et sociale et conserver leur dignité humaine ; à défaut de savoir se protéger, manger et savoir prévenir l’apparition des maladies par des gestes simples de prévention au quotidien.

Notre système de santé préoccupé par l’économie des dépenses de soins et par la gestion économique du parc humain vieillissant et coûteux, est plus soucieux de son développement biotechnologie des diagnostics de pointe, le renforcement de ses liens avec l’une industrie pharmaceutique, et par la normalisation de nos corps performés et rentables pour les futurs souhaités du parc humain domestiqué.

N’oublions jamais « qu’un bon cancer coûte moins cher qu’une longue retraite ». Mais feignons de ne pas savoir, de manger nos 5 fruits et légumes, de pratiquer notre sport favori avec les meilleurs vêtements de marques et de prendre nos compléments alimentaires anti- âge bio, pendant que nos voisins ne peuvent pas acheter régulièrement à manger pour que leur enfant aillent à l’école avec un petit déjeuner équilibré et ou portent des lunettes et / ou les appareils auditifs pour qu’ils apprennent mieux à l’école …mais aussi pour qu’ils fassent du sport pour mieux échapper à l’épidémie de l’obésité qui nous menace nous et nos enfants en faisant en sorte qu’ils ne mangent pas trop de bonbons taxés …

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