PRomotion des Initiatives Sociales en Milieux Educatifs

In le blog de Guillaume Caron :

Accéder au site source de notre article.


"Le socle et les compétences, on n’en voit jamais la couleur concrètement. Ceux qui les défendent ne nous expliquent jamais ce qu’ils font, ce ne sont que des discours". 

Bien que cette affirmation soit fausse et que de nombreux collègues ont déjà témoigné sur Internet ou dans un livre, elle continue de nous être rétorquée. Alors j’ouvre la porte de ma salle de classe et j’explique ! 

Ce qui suit ne prétend en rien être un mode d’emploi, ni une vérité universelle. C’est un résumé de « comment je fais concrètement ». Les choses sont simplifiées pour une compréhension simple et rapide. Elles s’inscrivent dans un ensemble de pratiques plus larges qui en font un tout cohérent (pour moi). Tout n’est évidemment pas totalement transposable mais c’est avant tout pour montrer que « c’est possible ».

Beaucoup d’incompréhensions viennent de la définition d’une compétence. Il peut y en avoir plusieurs et les contours sont flous. Ce qui amène les détracteurs à ironiser là-dessus et trouver ainsi le prétexte pour rejeter en bloc.

Je ne refais pas l’historique du terme en matière éducatif (De Meirieu à Perrenoud, en passant par l’étranger…). Je renvoie à l’article de Vincent Guédé dans le n°476 des cahiers pédagogiques pour ceux voulant creuser la chose. Je reprends quelque peu ses propos.
Ce qui est à noter c’est que :

  • Une compétence repose sur la MOBILISATION de ressources internes (connaissances, savoir-faire, attitude) et externes (documents, outils, autres personnes)
  • Cette mobilisation s’effectue EN SITUATION, dans le but d’AGIR. Ces situations sont complexes, inédites et ne peuvent être résolues par reproduction d’un mécanisme.

 

Exemple d’application :

ABC est un triangle rectangle en A tel que AB=4cm et AC=3cm. Calculer BC.

On ne peut pas parler, en ce qui nous concerne, de compétences mises en œuvre ici.

Pourquoi ? > Reproduction d’un mécanisme.

(Je ne nie pas l’intérêt de ce type de travail, y compris dans l’aspect « formation » aux compétences, mais ce n’est qu’une partie de l’apprentissage.)

On peut très bien cibler dans des exercices mécaniques des savoir-faire (utiliser le théorème de Pythagore, savoir effectuer une addition, … en gros ce qu’il y a dans les programmes). Mais c’est de la PPO (Pédagogie par objectifs). On peut maîtriser les savoir-faire sans être compétent au sens où on l’a défini. C’est l’écueil le plus fréquent quand on veut mettre en place ce socle… on utilise un référentiel géant, en pensant bien faire, et on évalue les capacités. Ça peut avoir son intérêt (évaluation formative, remédiation…) mais ce n’est pas l’esprit du socle, et on ne peut donc s’en contenter.

Mais alors quelles situations ? > Des situations complexes.

Je vous conseille cette lecture du vademecum pour la compétence 3 qui explique plutôt bien ce qu’est une tâche complexe, même si l’exemple donné en maths n’est pas forcément le plus parlant, je trouve.

http://media.eduscol.education.fr/file/socle_commun/87/7/socle-C3-vade_mecum_161877.pdf

Les élèves français, plutôt à l’aise sur les tâches simples (reproduction de mécanismes) ne sont pas bons sur ces situations complexes. Et là où ce n’est pas seulement anecdotique sur une évaluation internationale, c’est que ce sont ces situations là qu’on rencontre dans la vie courante. (On prendra soin de ne pas confondre vie courante et monde de l’entreprise et utilitarisme).

Et je renvoie à la fiche 4 de ce document sur le pourquoi du comment de l’intérêt des tâches complexes :

http://media.eduscol.education.fr/file/socle_commun/97/5/ReperesLivretcompetences_145975.pdf

Je ferais ce schéma là pour résumer grossièrement :

diag socle

Je ne vois pas le socle (en tout cas pour les maths) comme un sous-ensemble du progamme. La confusion peut être facile dans la mesure où dans ces programmes, les capacités « socle » ont été mises en évidence (italique…), ce qui a conduit à de l’usine à cases sur des micros savoir-faire. Les objectifs du socle sont assez différents et mettent l’accent sur la mobilisation en situation et se lient à d’autres éléments de la compétence 3 ou d’autres compétences. (Compétence au sens « pilier » ici).

Je vais, à ce stade, comparer deux énoncés :

Enoncé 1     Enoncé 2

Si vous avez suivi, pas de compétences dans le 1 mais dans le 2 oui.

(Pour être précis, dans le 1 on ne pourra pas évaluer de compétences. Le travail fait pourra néanmoins permettre de travailler un pan de compétences).

Quelles compétences travaille-t-on dans le 2 ?

  • Les 4 « items » de la démarche scientifique à des degrés diverses
  • Calculer, appliquer des pourcentages
  • Lire, organiser, gérer des données
  • Développer de façon suivi un propos en public sur un sujet donné
  • Mener une réflexion sur l’information selon sa présentation dans différents médias
  • Utiliser un tableur/grapheur
  • S’intégrer, coopérer dans un projet collectif

 

J’ai choisi cet exemple pour plusieurs raisons :

  1. Il permet de travailler d’autres champs que ceux purement disciplinaires (C1 sur l’oral, C6 sur l’éducation aux médias, C7 sur le travail en groupe). Le tout en faisant de maths …
  2. Ce n’est pas une tâche complexe standardisée comme on en trouve pas mal dans les banques de données mais ça permet de travailler par compétences.
  3. Il montre que ce travail n’est pas un « à côté » chronophage… beaucoup d’éléments mathématiques sont mobilisables ici. Il conviendra peut être de faire une synthèse notionnelle pour bien cadrer tout ça.
  4. Il y a un vrai plus sur la motivation… aspect non négligeable s’il en est !
  5. Parce qu’on peut justement rétorqué « Voilà un exemple où on prépare les élèves à l’employabilité, au monde de l’entreprise ! ». Ce à quoi je réponds ici qu’on peut aussi le voir comme un moyen d’éduquer à l’esprit critique vis-à-vis de ce monde-là : les propos présentés peuvent être orientés que ce soit par les entreprises, les médias, les politiques … On peut aussi juste y voir des aspects mathématiques sans rechercher d’arrières pensées !

On peut si on le veut faire précéder ce travail d’un temps de formation sur une ou plusieurs compétences visées : Etudes de données présentées par deux journaux différents (avec des points de vue différents) par exemple.

Pour davantage de situations complexes :

http://eduscol.education.fr/cid55510/banque-situations-apprentissage-competence.html

Un autre travail (tâche complexe) individuel interviendra plus tard sur le même type de thématique. 

Tâche complexe : baisse ou hausse ?

Et comment je fais concrètement ?

Sur les 3ème, je propose à intervalle régulier des travaux complexes. Une fois de temps en temps, 3 fois dans le trimestre environ (alternance tâche individuelle, projet collectif). C’est en gros ce qui est explicité avec l’image du piano dans le livre de deux collègues Annie Di Martino et Anne Marie Sanchez Socle commun pratique pour le collège.  

En 6ème, j’ai bâti une progression par situations. Pas d’entrée classique par chapitre. Ce sont des séquences avec, si possible un projet final. Je donne des exemples : 

 –     Je m’y attarde 2 secondes mais on y aborde : longueurs, unités, échelles, proportionnalité, arrondis, perpendiculaires/parallèles, rectangle, pavé droit … Mobilisation, mobilisation !!

Je vous accorde qu’on peut y reprocher une « atomisation » mais c’est mon travail après de savoir synthétiser sur une ou deux notions de manière claire et revenir par la suite à une autre occasion sur d’autres.

Etc …

En bâtissant ainsi le travail de l’année, je souhaite développer des compétences dans les situations proposées…  tout en voyant le contenu du programme en termes de connaissances et de savoir-faire. Le tout en spiralant. J’ajoute, que le côté motivant aide beaucoup dans mon collège ECLAIR pour entraîner les élèves dans le travail. Et les élèves sont actifs !
Je précise qu’il y a des bilans de cours à tout ça (si possible construits avec les élèves) et des exercices d’entraînements (qui se trouvent alors motivés par quelque chose de plus large)

http://sepia.ac-reims.fr/clg-marchand/-spip-/local/cache-vignettes/L321xH366/Socle_commun-d2673.jpg

Et l’évaluation ?

En 6ème, je travaille sans notes. Les années précédentes, j’ai utilisé Sacoche avec un référentiel qui s’apparente à de la PPO. Nous avions juste un codage « double point vert » lorsque le savoir-faire ou la connaissance était mobilisée en situation complexe. Depuis cette année, j’utilise les ceintures de la pédagogie institutionnelle mais c’est un autre sujet et il faudrait parler de beaucoup d’autres choses (Freinet, coopération etc…). Ce n’est pas le sujet.

Pour le socle et les compétences, en 3ème, nous avions testé l’an dernier un portfolio. Nous avons étendu cette année à toutes les classes du collège. Nous avons une grille « compétences » assez restreinte avec des items assez larges (pas de « savoir utiliser le théorème de Thalès » par exemple mais « savoir utiliser les propriétés et théorèmes de géométrie »). Elle est unique pour tous (de la 6e à la 3e sans distinction par niveaux). Si bien que chaque élève aura sa pochette sur 4 ans où il y mettra toutes ses réussites en situations complexes : projet, tâches complexes. A chaque fois que dans une réalisation un élève met en œuvre une compétence il la glisse dans sa pochette portfolio et on y indique la date en face de la compétence. C’est à mon sens le meilleur outil pour la mise en place du socle avec son caractère progressif sur 4 ans et propre à chaque élève. Et le jour des validations, on n’arrive pas les mains dans les poches à se retrouver à faire du pifomètre ! Et ce n’est pas du tout chronophage, ni une usine à gaz.

En savoir plus sur le portfolio

Dernier point sur le LPC. Oui il est imparfait. Il y a trop d’items (dont certains vraiment mal venus), c’est une peu l’usine à cases et mettre en place tout ça pour se retrouver dans des réunions de fin de 3ème n’est pas satisfaisant mais ce qui compte c’est surtout ce qui a été fait en classe. Le LPC évoluera peut être vers quelque chose de mieux ficelé … Nous ne sommes pas les plus mal lotis, la compétence 5 (Culture humaniste) est autrement plus mal faite : trop ambitieuse, items très subjectifs …

Voilà sur comment je fais. Je crois qu’il faut juste essayer de s’y mettre humblement en commençant par donner ponctuellement des tâches complexes… si tant est qu’on y croit un peu. Cela dit la mise en place du socle n’est pas facultative, elle fait partie de nos missions au même titre que les programmes.

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Categories: 3.3 Compétences

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