PRomotion des Initiatives Sociales en Milieux Educatifs



Mutations territoriales et éducation :

de la forme scolaire à la forme éducative?

Provocation… de Pierre Frackowiak

Au-delà des lois et règlements, notre société se heurte à des tabous, à la frilosité des mentalités, aux effets d’un électoralisme à court terme, à l’absence d’un projet alternatif cohérent, courageux, susceptible de mobiliser tous les citoyens…

Nous ne pourrons pas passer de la forme scolaire à la forme éducative sans l’engagement des collectivités territoriales pour un projet éducatif global territorialisé dans le cadre d’une nouvelle politique nationale exigeante sur les finalités et souple sur les programmes et, si possible d’un projet de société lisible.

Nous ne pourrons pas passer de la forme scolaire à la forme éducative si le rôle des collectivités est réduit par les textes et les usages au quantitatif : les bâtiments, les moyens matériels, les crédits

Or, nous vivons toujours avec cette idée que la pédagogie est un domaine réservé aux enseignants. Du coup, d’ailleurs, personne ne s’inquiète vraiment du déni de la pédagogie soigneusement construit par le gouvernement dans une perspective ultra libérale autoritaire. Ce n’est pas le problème des élus dont les combats se réduisent à l’opposition contre les suppressions de postes et les réductions budgétaires, négligeant le champ fondamental de l’idéologie.

-Chez les élus, le refus de s’immiscer dans la pédagogie devient même un snobisme : « Vous n’y pensez pas ! Nous respectons trop les enseignants pour nous mêler de l’éducation… ».

-Chez les enseignants, l’exploitation ambiguë de la liberté pédagogique masque un renforcement non seulement du « scolarocentrisme » mais souvent du « disciplinaro centrisme » utilisé comme bouclier.

La persistance de ces attitudes historiques met le système éducatif dans l’impasse

Je ne prendrai qu’un exemple pour illustrer la réflexion, développée par ailleurs dans deux tribunes sur les TICE : le TBI, fameux tableau blanc informatique.

Les enseignants le revendiquent… Il en faudra dans toutes les classes. Les élus attentifs financent et dotent. Ils exploitent fortement et légitimement leurs efforts sur le plan électoral. On voit dans la presse régionale et dans les bulletins d’information des collectivités, des pages pleines d’autosatisfaction sur l’importance des investissements en faveur de l’enfance et de la jeunesse.

Mais où est la réflexion sur la pertinence de ces choix et sur les conditions de leur efficacité ? Serait-elle interdite ? Serait-elle inutile tant cet investissement paraît moderne et indispensable ? Serait-elle inaccessible aux élus même progressistes ? Sans vouloir prôner le dangereux « qui paie décide », il faudrait quand même se poser la question et en débattre.

Le TBI peut être la pire des choses. Je ne dis pas la meilleure ou la pire… Je dis la pire si elle est généralisée sans formation. Il ne s’agit pas de formation technique. Les élèves, sans formation spécifique, peuvent former leurs profs aux usages des TIC qu’ils maîtrisent avec une habileté spectaculaire dès leur plus jeune âge.

Il s’agit de formation pédagogique. Si la technologie nouvelle est utilisée pour renforcer le modèle pédagogique de la transmission, considéré comme éternel et universel (le prof qui fait semblant de faire découvrir, explique, fait appliquer, contrôle, réexplique, recontrôle…), elle n’apporte rien qu’une meilleure qualité d’illustration et des facilités de contrôle, elle ne transforme en rien l’acte pédagogique qui doit être remis en cause si l’on veut réellement améliorer la réussite scolaire. Les élus, et au-delà, les citoyens n’ont-ils pas le droit de s’intéresser à cette question ? Faut-il la laisser aux experts au mépris de la démocratie ?

Revendiquer son engagement dans la modernité en vertu d’un effort financier pour le TBI est une escroquerie intellectuelle.

Où peut-on en débattre ?

J’ajoute que limiter l’usage de tels équipements coûteux aux publics scolaire sen temps scolaire est un scandale qui perdure.

On pourrait prendre de nombreux autres exemples qui prouveraient que des collectivités de gauche sont conduites à cautionner et à renforcer des politiques conservatrices et à faire que la seule différence entre les progressistes et les conservateurs serait au niveau de la taille des crédits mais en aucun cas au niveau de la vision de l’évolution du système et de la société.Ainsi, on contribue au déni de la pédagogie et au déni de la politique !

L’université d’été de Prisme a beaucoup de pain sur la planche.

Nul doute qu’il sera bien pétri, pas trop cuit, bon et utile !

Lille, le 26 juin

 


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Categories: UNIVERSITES D'ETE

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