PRomotion des Initiatives Sociales en Milieux Educatifs

Comment faire plaisir à tout le monde quand il s’agit de programmes  scolaires ? L’expérience de ces derniers mois a appris au Conseil supérieur des programmes et à la ministre que la question est pleine de dangers. D’où une communication particulièrement travaillée et alignée sur les discours des plus conservateurs. D’où aussi un recadrage partiel des programmes par exemple en histoire-géographie. Mais les nouveaux programmes présentés par N Vallaud-Belkacem et Michel Lussault, le président du Conseil supérieur des programmes (CSP), le 18 septembre, gardent leurs qualités fondamentales : cohérence des disciplines par cycle et ouverture à l’interdisciplinarité, allègement, exemples de situations nouvelles, une relative liberté. Les programmes passeront devant le Conseil supérieur de l’Education les 8 et 9 octobre. Il restera ensuite à les faire passer dans les pratiques. Une question peu traitée par la ministre…

Coup de communication

On se rappelle que la ministre a du se battre sur les programmes d’histoire et accepter un Forum qui faisait la part belle à ses opposants. Alors comment faire accepter des programmes relativement novateurs car curriculaires à une opinion travaillée depuis des mois par les courants traditionnalistes ? En pillant leur magasin ! Le 18 septembre, N. Vallaud Belkacem a organisé sa communication sur les fondamentaux.  Dans un premier temps elle a restreint l’information des journalistes tout en les inondant de ses propres messages : intervention à la radio, tribune dans un quotidien puis déclaration en conférence de presse.  « La priorité c’est la maitrise du langage. Il y aura des exercices quotidiens : dictée, lecture, calcul mental », proclame la ministre. Mieux : aux 10 heures hebdomadaires de français au primaire elle annonce ajouter  10 heures de mise en pratique. 20 heures de français sur 24 heures de cours , difficile de faire plus « fondamental » !

Décryptons : les professeurs des écoles donnent des consignes et parlent à leurs élèves en français. Ceux-ci ont donc bien au moins 10 heures de pratique par semaine en plus du cours… Quant aux exercices quotidiens, ils sont institués depuis… 2007 (le calcul mental par exemple). De fait, les professeurs des écoles n’ont pas attendu la ministre pour faire du calcul, des dictées (sous différentes formes, relevé de consignes par exemple) et de la lecture tous les jours !

La bataille de la dictée

Les déclarations ministérielles sur les entrainements quotidiens en dictée ou calcul inondent les médias. On entend moins les réactions syndicales. Le Snuipp s’indigne.  » Une ministre décide seule, et avant la tenue du Conseil supérieur de l’éducation (CSE), du rythme que les enseignants doivent observer pour les exercices des élèves. Il s’agit là d’une méconnaissance totale du travail des enseignants à qui, une fois de plus, on ne fait pas confiance. Il s’agit également d’une forme de mépris des experts, enseignants, chercheurs et inspecteurs, qui ont travaillé pendant des mois, au sein du Conseil supérieur des programmes, à élaborer ces nouveaux textes ».

Le Se-Unsa s’adresse à la ministre en termes à peu près équivalents.  » Ce n’est pas votre rôle que de fixer des rythmes d’apprentissage (qui plus est uniformes) sur tout le territoire, pour tous les élèves et toutes les classes. Étrange conception en totale contradiction avec la Refondation pédagogique qui invite à une adaptation selon les publics et qui fait confiance aux personnels afin de trouver les voies et les moyens pour faire réussir leurs élèves. Les modalités pédagogiques de mise en œuvre des programmes, lorsqu’ils seront officiels, appartiendront aux enseignants : ce sont eux les professionnels des apprentissages ! »

Même l’historien Claude Lelièvre, proche de la ministre, recadre les propos ministériels.  » Il ne faudrait pas prendre sans précaution cette édiction de la dictée comme une grande nouveauté dans les faits (elle est déjà assez souvent pratiquée de façon diversifiée et fluide par les enseignants) et elle requiert d’avoir une vue claire de jusqu’où il ne faut pas aller. En l’occurrence Jules Ferry a été très clair.. « A la dictée – à l’abus de la dictée – il faut substituer un enseignement plus libre… ».

Peu importe. Le discours de la ministre a eu le temps de porter et de présenter les programmes comme le retour aux fondamentaux. Du moins pour un moment…

Les traditionnalistes entendus

Pour autant les courants les plus traditionnalistes ont bien été entendus. Là où le débat a été le plus violent, en histoire-géographie, la nouvelle rédaction des programmes prend en compte leurs exigences partiellement. Ainsi les thèmes facultatifs sont supprimés et le choix des enseignants réduit. Il reste quand même dans ces programmes beaucoup plus de liberté que dans les programmes de 2008. En histoire – géo comme ailleurs, adieu les listes de notions ou de dates à apprendre par cœur.  Adieu l’encyclopédisme. Adieu le fléchage précis et tatillon des activités enseignantes. Pour toutes les disciplines les nouveaux programmes affichent à gauche les connaissances et compétences à acquérir, à droite des exemples de situation qui ne sont pas des contraintes.

Des demandes enseignantes entendues

Les nouveaux programmes prennent aussi en compte des résultats de la consultation. La ministre vante leur lisibilité. Disons que les débuts de chapitre sont plus accessibles. La demande de découpage année par année a été entendue. Les attendus sont aussi précisés même si l’approche par cycle doit donner de la marge.

Compréhension et compétences du 21ème siècle

Dans la foulée du rapport Goigoux, Michel Lussault met l’accent sur l’intérêt porté à la compréhension par les élèves dans les programmes. Cela passe par des exemples de situation. Autre aspect mis en avant : l’ouverture aux compétences du 21ème siècle. L’éducation aux médias et à l’information entre officiellement dans les programmes. Le numérique est présent dans toutes les disciplines, affirme la ministre. Disons que l’algorithmique entre dans le programme de maths du collège (5eme) et que l’apprentissage du clavier doit être fait à l’école. Mais sous réserve que le matériel existe…

L’interdisciplinarité mise en pratique

Ce n’est pas la moindre des nouveautés de ces programmes. Chaque discipline du collège donne lieu à des pistes vers les autres disciplines. Les enseignants en charge des EPI trouveront dans les programmes des thèmes précis à développer avec une ou plusieurs autres disciplines. Pour Michel Lussault, « les contacts entre disciplines renforcent les disciplines ». Ca  se lit concrètement dans les nouveaux programmes.

Quelle mise en place ?

Le plus dur reste à faire. Comment faire passer sur le terrain les nouveaux programmes ? Au collège la ministre rappelle que 3 journées de formation sur les programmes sont prévues cette année pour tous les enseignants des collèges. Comment vont-elles concilier formation disciplinaire et interdisciplinarité ? A l’école primaire, la ministre n‘apporte pas de réponse précise mais promet une formation. D’après son entourage cela devrait être fait lors des animations pédagogiques, des formations jugées souvent sévèrement par les enseignants…

François Jarraud

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