PRomotion des Initiatives Sociales en Milieux Educatifs

 

Cahier spécial N° 23 novembre 2012

Coordination Gilles D’Autan

Diffusion par voie numérique hors abonnement

L’ENTROPIE INTRINSÈQUE

DES ÉTABLISSEMENTS SCOLAIRES

 

Étienne Delorme chercheur à l’Observatoire déontologique de l’enseignement

Dans le texte ci-dessous, l’auteur appelle entropie le degré de désordre, le niveau d’incertitude, l’état de dégradation de l’organisation d’un établissement, par rapport à son état attendu (annoncé)…

 

 

 Claude Lévi-Strauss suggérait parfois d’écrire : entropologie ;  au lieu de : anthropologie. Ce néologisme provient du substantif entropie qui en thermodynamique désigne une grandeur caractérisant le désordre dun système. Dans l’esprit de Lévi-Strauss, il s’agit d’étudier les sociétés à l’aune des processus de désintégration qui leur sont inhérents. En définissant un établissement scolaire comme une microsociété, on peut considérer que le niveau d’entropie est un état de dysfonctionnement par rapport à une intention initiale, une mission déclarée, un projet affiché, un objectif annoncé… En définitive, il s’agit d’une somme de ses difficultés, troubles et tensions ; ou plus modestement de l’écart entre le discours et la réalité, entre les mots et les actes.

Dans le même ordre d’idée, Jacques Pain s’intéresse à une maltraitance scolaire structurelle en notant que les établissements ignorent la parole des élèves tout en développant une vie interne déficitaire en relation et en humanité. Cette incurie faite d’agissements aussi bien que de refus d’agir et de négligences se manifeste de deux manières. D’une part, sous une forme extrêmisée avec des atteintes physiques et verbales couvertes par l’indifférence, l’incompétence ou le fatalisme des adultes ; d’autre part, sous une forme insidieuse avec des pratiques inconséquentes et délétères au niveau de l’accueil, de l’écoute des élèves, de la pédagogie et plus généralement de la prise en compte des problèmes de la vie collective.

 

D’après les travaux que Gilbert Longhi à pu conduire, on peut repérer dans la plupart des établissements des avatars de la maltraitance institutionnelle insidieuse. Elle n’est ni une violence actée, ni une brusquerie factuelle, mais un dérèglement institutionnel dont on trouvera quelques exemples potentiels ci-dessous …

 

 

Données structurelles objectives

d’un établissement scolaire (école, collège, lycée)

 

 

Potentiel de maltraitance institutionnelle insidieuse correspondant

 

 

Espace 

Architectonique, locaux, matériel, matériels…

 

 

-Localisation de l’établissement dans des zones défavorisées & mal desservies

-Inconfort des locaux. Manque d’hygiène. Défaut d’entretien et de maintenance. Absence d’équipements efficaces

 

 

Institution

Établissement, personne morale école, collège, lycée; réputation, image ; culture maison, identité ; usages et traditions…

 

 

-Mauvaise réputation de certaines filières

-Phénomènes de ghettoïsation

-Pas ou peu de passé, absence d’histoire, passif péjoratif ou inexistence de tradition

 

 

 

Ambiance

Atmosphère, vie scolaire, vivre ensemble, modes relationnels

 

 

-Neutralisation et entraves à l’expression des élèves

-Transformation délégués en chef de classe

-Formalisation et dévitalisation des relations enseignants/enseignés

 

 

Enseignement

Contenus, qualité didactique des cours, actualisation scientifique des connaissances de professeurs

 

 

-Transmission de savoirs & aptitudes obsolètes

-Utilisation de cours empruntés, photocopillage

-Bachotage

-Niveau cognitif des enseignants insuffisant

 

Rapports&relations

Méthodes & pédagogie, transmission, évaluation, traitement des difficultés scolaires

Communication membres des personnel élèves ; relations professeurs & élèves

 

 

-Hypertrophie de la parole des adultes

-Consécration d’une infaillibilité professorale

-Toute puissance des décisions de l’enseignant

-Fonctionnement des adultes en caste contre les élèves

 

Éthique

Valeurs de référence, mise en œuvre de l’esprit des lois, respect de la démocratie, développement de la citoyenneté

Conscience professionnelle des adultes

 

 

-Disproportion entre les droits accordés aux élèves et ceux aux des personnels

-Installation d’autorité discrétionnaire des adultes

-Ignorance de toute déontologie (voir encadré sur la neutralité en fin de publication)

 

Ce tableau permet d’éclairer à contre-jour ce que pourrait être la bienveillance scolaire. À partir de la colonne de droite, tout établissement peut envisager une neutralisation des multiples manifestations de son inconséquence institutionnelle. En l’occurrence, certains chercheurs décrivent cette perspective comme l’aspiration à une bien-traitance scolaire. Quel que soit le terme retenu ; il s’agit d’approcher un phénomène qui conduit des établissements à confronter leurs propres élèves à un faisceau d’inadvertances, d’indifférences, de désobligeances, de brimades ; voire (plus rarement) à une cruauté sophistiquée ou à une violence.

  • L’hostilité aux élèves : Gilles D’Autan journaliste
  • Voies et moyens de la brutalité de l’école : Jules Talma doctorant en psychopédagogie
  • La déconsidération des élèves : Marie-Ange Galant-Maurain Professeur de psycholinguistique
  • Espèces et sous-espèces d’élèves : Rachida Meckha universitaire entomologiste
  • Pour une bienveillance scolaire : Etienne Delorme directeur de recherche à l’observatoire déontologique de l’enseignement
  • De la neutralité des enseignants : Roger Pol Droit

Document(s) associé(s) :

odt/La_bienveillance_scolaire-1.odt

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